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> Faits Divers > En Saône-et-Loire
15/11/2024 03:18
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LE CREUSOT : 30 mois de prison pour le ressortissant portugais, de 24 ans, qui a humilié et roué de coups sa compagne

La victime était présente au Tribunal : un œil recouvert et cerné d’un hématome, le teint blafard, un peu vert, une minerve, un bras en écharpe, une jambe sous attelle... Elle a subi l'enfer de la violence du père de leur deux jeunes enfants.
Rien que la lecture des préventions est violente, ce 14 novembre. Le prévenu, un homme de nationalité portugaise, est dans le box, sous escorte. La victime est présente : une jeune femme menue, un œil recouvert et cerné d’un hématome, le teint blafard, un peu vert, une minerve, un bras en écharpe, une jambe sous attelle. Elle ne demande aucune indemnisation. Le médecin décrit un état de sidération. Elle a 15 jours d’ITT.

18h20 La présidente raconte les faits
Le 11 novembre, une jeune femme « dépose plainte en gendarmerie. Son conjoint est rentré de boîte de nuit alcoolisé : il a vu qu’elle discutait par messages avec un ami - qui était en boîte de nuit avec le prévenu et le frère du prévenu, ndla -.

Elle était couchée. Il a pris son téléphone, l’a cassé en deux, puis la tirant par les cheveux la sort du lit, lui fait descendre les escaliers en la tenant toujours par les cheveux. Il la met au sol, la frappe pendant 4 à 5 minutes en l’insultant.
Puis il la sort à l’extérieur. La frappe avec un balai au ventre, au dos, aux jambes, au visage. Il la déshabille dans la rue, la fait monter dans la voiture, la conduit chez cet ami avec qui elle échangeait. Il la laisse nue, portant juste des chaussettes, devant le portail. Il klaxonne jusqu’à ce que l’ami sorte de chez lui, il repart. »

Des témoins
« Des témoins sont entendus » poursuit la présidente. L’ami en question trouve la jeune femme nue en pleurs devant chez lui. Il contacte une amie et emmènent la victime d’abord aux urgences et ensuite au commissariat. « Et je les en remercie, dira plus tard au cours de l’audience, la procureur de la République. C’est à eux que l’on doit l’ouverture d’une enquête judiciaire, et avec le degré de dangerosité de monsieur, madame avait à craindre pour sa vie. »
Le frère du prévenu, jeune lui aussi, vit chez le couple et leurs enfants -deux enfants âgés de 3 ans et de 9 mois – depuis quelques mois, mais n’a vu aucune violence à l’intérieur ou à l’extérieur.
« Pourtant, dira la procureur, il dit bien à son frère qu’il s’occupera des enfants pendant qu’il emmènera sa compagne chez l’ami. C’est dans la procédure ! »
Un voisin du couple entend un bruit sourd et des pleurs, comme il avait entendu des pleurs et du bruit la semaine d’avant. Le 11, il a aussi vu la femme quitter les lieux en criant, un homme lui courir après, puis le bruit de la voiture qui démarre, puis retour au calme.

Le mis en cause est placé en garde à vue
L’homme dit qu’alors qu’ils étaient en boîte de nuit, son frère lui parle des messages entre l’ami et la femme. L’ami est avec eux, le frère a vu les messages.
Pendant le délibéré, le frère en question fera un malaise, s’écroulant au sol, raide comme une bûche. Trop de tensions.
Possible aussi que de mesurer les conséquences de ces histoires à la noix ait fini par l’impressionner.
Le mis en cause est donc entendu par les enquêteurs et que dit-il ? Il dit que c’est elle qui a cassé son propre téléphone, qu’elle lui a craché au visage, qu’elle a fait une valise et est partie seule en voiture, qu’elle s’est déjà jetée dans les escaliers pour se plaindre de violences.  Il reconnaît seulement l’avoir prise par le bras, d’où des hématomes.
Et les vidéos ? Dans son téléphone les enquêteurs trouvent deux vidéos qui filment des scènes de violence et de domination extrêmes. Eh bien… C’est pas lui qui a filmé.

18h33, le tribunal diffuse les vidéos, à huis-clos
Sa position à l’audience ? La même qu’en garde à vue. C’est pas lui, c’est pas lui. La présidente le confronte aux certificats médicaux, puis aux témoignages et elle finit par sortir le joker : les vidéos.

« Une vidéo de nature à porter atteinte à la dignité de madame. Se pose la question de sa diffusion, à huis-clos. » Le tribunal ordonne le huis-clos, le temps de diffuser ces deux vidéos.

Reprise de l’audience publique
« C’est pas moi qui ai filmé » dit le prévenu qu’un interprète traduit. La présidente :
« Vous étiez présent puisqu’on vous entend parler et qu’elle reçoit des coups.
– Personne l’a frappée.
– Monsieur, on vient de regarder la vidéo, deux fois. Madame est frappée trois fois, et elle a des marques sur tout le corps. 
– Je ne sais pas. »

Il est frappant d’observer que le prévenu ne laisse paraître aucune émotion, rien. Impassible du début à la fin.
Un juge assesseur : « On entend clairement les coups portés et c’est filmé par votre téléphone. Est-ce que ces trois coups, c’est vous qui les avez portés ? » Le prévenu ne dit rien, puis il maintient : elle s’est fait les bleus toute seule, elle s’est déshabillée toute seule.

19 heures, la victime est à la barre
L’échange avec le tribunal sera bref. L’état de la jeune femme, blessée de la tête aux pieds, n’est pas propice aux épanchements.
« Etat de sidération » a écrit le médecin, ça n’est pas rien.
Est-ce qu’elle confirme ce qu’elle a déclaré dans sa plainte ? « Oui. » Monsieur dit que vous vous êtes déshabillée vous-même… « Non. » La présidente lui demande si elle retournerait dans le logement, au cas où la justice en chasserait l’auteur des violences. « Non. »

Le couple est arrivé en France il y a 3 ans environ. L’aîné des enfants est né au Portugal, le second est né en France. Le prévenu travaillait, il a été licencié il y a environ trois semaines. Madame travaille, aujourd’hui, dit-elle. Le prévenu n’a pas de casier.

Réquisitions – « Rien ! Pas un affect, pas une brèche, pas un sentiment »
« C’est abominable, cette violence agie par un homme âgé de 24 ans. Il n’a aucune empathie, il ne s’arrête pas alors qu’elle le supplie. Elle court nue, dans la nuit, sur la voie publique, et dans le box on voit un homme qui n’est pas plus ému, pas plus ému de la voir le bras en écharpe, des hématomes au visage. Rien ! Rien ! Pas un affect, pas une brèche, pas un sentiment. »
« Et les enfants étaient au domicile ! Et le frère n’a rien vu ! Tous les témoins décrivent une femme apeurée, effrayée, affolée, qui supplie, mais monsieur s’enferre dans sa position. » La procureur dit l’homme coupable d’avoir « passé à tabac sa compagne, mère de ses enfants », et d’avoir porté atteinte à son intimité en « la mettant nue, dans la rue, et en la filmant ».

19h30 – sur la peine qui va être requise
« Il rapporte la preuve de ses actes et en plus il a eu du plaisir à filmer. La violence est tellement effroyable qu’il fait d’elle son objet. Madame est en état de sidération. (….) … Une violence extrême sans rien remettre en question : à 24 ans, quand on a une personnalité à sang froid, sans empathie, il faut être très-très-très vigilant », dit la procureur aux juges.
Elle liste les éléments de dangerosité du prévenu : contrôle coercitif, domination, jalousie et un peu d’alcool avec.
La procureur requiert 4 ans de prison « pour sanctionner, alors que rien n’émane de monsieur, de l’ordre du remords ». 4 ans dont 1 ans serait assorti d’un sursis probatoire pendant 3 ans.
Elle demande également le retrait total de l’autorité parentale, « parce que je suis convaincue que monsieur profitera de la moindre occasion pour reprendre son emprise, sa domination, sur madame. »
Avec tout ça, la défense manque d’arguments qui pourraient être plaidés dans le sens de la contestation des faits. L’avocate plaide la peine : c’est une première condamnation.

19h38 – le prévenu a la parole en dernier
Veut-il ajouter quelque chose qui n’aurait pas été dit ? « QU’elle vive sa vie. S’il y a une interdiction de contact, je la respecterai. » Le tribunal part délibérer.

20h15 – Décision : 30 mois de prison puis SSJ de 5 ans
Le tribunal dit l’homme coupable de tout ce qui lui est reproché. Le condamne, à titre principal, à la peine de 30 mois de prison, ordonne son maintien en détention.
Peine complémentaire : un suivi socio-judiciaire (SSJ) de 5 ans (assorti de 3 ans de prison, révocables en cas de manquement au cadre imposé).
Obligations de soins, de travailler, de payer le droit fixe de procédure, d’établir une résidence fixe. Interdiction de paraître au domicile de la victime ainsi que dans sa commune de résidence, où qu’elle soit. Interdiction de contact, par quelque moyen que ce soit.
Autres peines complémentaires : retrait de l’exercice de l’autorité parentale sur ses enfants, et peine d’inéligibilité pendant 5 ans.
La présidente explique la peine au condamné puis s’adresse à la victime : « Madame, monsieur est condamné ce soir à 30 mois de prison. Il repart en détention. Vous êtes protégée. Il lui est interdit tout contact avec vous : cette interdiction s’applique dès aujourd’hui. »
L’audience est levée.
FSA
(Photos d'illustration)

[On peut regretter que lorsqu'une victime connaît cet état d'anesthésie émotionnelle, en réaction à une violence physique et psychologique pas pensable, il ne lui soit pas laissé le temps de se remettre avant de la sommer de dire si elle demande réparation. Deux tout petits réclament sa présence, ses soins, mais elle est tellement abîmée qu'on n'imagine pas que les choses s'arrangent sans qu'elle soit aidée, sur tous les plans, et qu'à ce titre des indemnités seraient bienvenues, sans compter qu'il manquera aux peines la dimension réparatrice d'avoir à payer aussi pécuniairement, les préjudices causés, à la fois sous l'effet d'une rage mais avec une dimension perverse qui aggrave la responsabilité de l'auteur. NDLA]

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