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31/01/2023 03:16
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LE CREUSOT : Condamnée à un bracelet électronique pour avoir donné des coups de couteau à son ex...

La femme dit qu’elle se défendait mais le tribunal l’a déclarée coupable d’avoir, dans la nuit du 16 décembre dernier au Creusot, donné des coups de couteau au père de sa fille.
« Bonjour madame, je vous laisse le temps de vous appareiller. » La prévenue est conduite vers la barre par une escorte qui la mène par une laisse épaisse accrochée au niveau de ses poignets menottés. La femme, 38 ans, en détention provisoire depuis un mois, a vu un expert psychiatre, elle est jugée ce 30 janvier, selon la procédure de comparution immédiate, pour avoir blessé son futur-ex-mari à coups de couteau. 5 blessures pour 8 jours d’ITT.
La première audience a apporté déjà pas mal d’éléments*. Il ressort des éléments de procédure que la présidente Caporali expose, que madame est coutumière de faire du grabuge.
Ce qui ressort également c’est que le père de sa fille lui avait bel et bien dit, le soir du 26 décembre dernier qu’elle allait « tout perdre », dont « sa fille » et « nettoie la bière qui est tombée par terre ». Un voisin rapporte avoir entendu leur fille, « elle pleurait ».

« Il me coupait les cheveux avec un rasoir, il me frappait, me rabaissait, m’insultait »
Ce lundi 30 janvier, la prévenue a pu reprendre les médicaments qui lui manquaient le 29 décembre (en réalité depuis quelque temps), avoir des patchs de nicotine, on suppose.
Son avocate lui tend ses prothèses auditives, à son arrivée. La femme, entend enfin correctement, parle de façon plus assurée et alors que le tribunal explore la question des coups de couteaux qu’elle a portés, elle se défend et tourne en boucle, boucle dont voici l’essentiel :

« J’étais en légitime défense, c’était lui ou moi. Moi j’ai porté deux plaintes contre lui, j’ai fait des mains courantes, j’ai dû partir en centre d’hébergement avec ma fille. Il me coupait les cheveux avec un rasoir, il me frappait, me rabaissait, m’insultait.
Le 26 décembre c’est lui qui avait un couteau, je me suis battue avec lui, c’était de la légitime défense.Il m’avait dit : ‘je vais te gâcher la vie, je vais te faire enfermer, je vais te prendre ta fille’. Lui, c’est un menteur. J’aime énormément ma fille. C’est moi qui lui fais à manger, qui l’emmène à l’école, je m’en occupe. Je ferais tout, pour elle. »

« Particulièrement virulente »
Alors l’audience est difficile, parce que les juges reviennent sans cesse à « c’est vous qui êtes jugée » alors que la femme crie ses malheurs, la bagarre qu’est sa vie de femme battue et maltraitée, etc. Le tribunal lui oppose qu’elle s’est laissé faire, au final, qu’il n’y a pas de trace de ses plaintes à la procédure (maître Grenier dit en avoir eu trace dans le rapport JDE). « Alors on ne comprend pas. » ...
Pourtant elle est sincère, au sens où ce qu’elle dit est vrai pour elle, cela ne signifie pas qu’elle ne ment pas factuellement.
L’expertise psychiatrique dit que cette femme n’a pas de maladie mentale, souffre de dépression chronique mineure, est impulsive.
« Particulièrement virulente » dira le procureur en évoquant les éléments de l’enquête de voisinage. Du coup, maître Ronfard pour la victime, comme le procureur, s’inscrivent en faux et avec force, contre la position de la prévenue à l’audience.

« Elle y va avec un couteau, alors que leur fille est présente ! »
« C’est une version hallucinante. Alors qu’en réalité, madame, jalouse, ne supporte pas qu’ils se soient séparés. Elle y va avec un couteau, alors que leur fille est présente ! »
Maître Ronfard, faute d’avoir eu des nouvelles de son client, demande un renvoi sur intérêts civils. Alexandre Marey, substitut du procureur, revient sur « les trois versions différentes » de la prévenue, s’étonne qu’elle ait besoin de notes pour s’adresser au tribunal, se soucie de ce contexte intrafamilial dont l’enfant ne peut que pâtir.
Il requiert une peine de 14 mois de prison dont 7 mois seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, et le maintien en détention pour la partie ferme.

« Monsieur s’impose au domicile de madame, ne participe à rien, fait ce qu’il veut »
« Je suis malade des nerfs. » Ce sont les premiers mots de la prévenue à maître Grenier-Guignard, dans les geôles du palais le 29 décembre dernier. L’avocate revient sur les manquements du commissariat qui a refusé que la prévenue puisse emporter ses prothèses auditives en garde à vue.
« Ça n’a pas été consigné alors que c’est d’une certaine façon attentatoire à ses droits. » Puis l’avocate prend complètement le contre-pied des réquisitions. Elle a récupéré des attestations, le témoignage spontané d’un voisin, « après la lecture d’un article de presse », qui dit que monsieur s’est immiscé chez madame, y passe des soirées, et n’hésite pas à tambouriner en secouant les volets à toute heure de la nuit, plusieurs autres témoignent des scènes entre eux. Conclusion : madame fait du grabuge, mais monsieur aussi. « Monsieur s’impose au domicile de madame, ne participe à rien, fait ce qu’il veut. »

Monsieur ne sera venu à aucune audience
« Ils avaient passé Noël ensemble, puis il a récupéré sa fille et lui met la pression comme quoi elle va la perdre. » Maître Laurence Grenier se dit « très gênée qu’il n’y ait pas de photos de la victime au dossier, puisque monsieur a des cicatrices sur tout le corps. Il ne produit rien » et ne vient pas à l’audience...
« Un peu trop facile de dire que monsieur est une victime irréprochable. » La prévenue est, c’est vrai, « fragile psychologiquement » et le psychiatre conclut à l’altération du discernement, mais « elle n’est pas violente à titre habituel, c’est ce que je veux que vous reteniez. »

DDSE puis deux ans sous main de justice
Le tribunal déclare la prévenue coupable, la condamne à la peine de 14 mois dont 7 mois sont assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, avec une obligation de soins (psychiatrie et addictologie), celle de travailler dans la mesure du possible, d’indemniser la victime (renvoi en mai prochain), enfin, celle de fixer sa résidence chez un tiers (elle vit à 200 mètres de chez monsieur).

Le tribunal ordonne l’aménagement des 7 mois ferme en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), toutefois madame repart en prison, le temps que l’institution judiciaire recueille l’accord du tiers en question. Elle pourra, cas échéant, sortir d’ici une semaine, et retrouver sa fille qui pour l’instant est restée chez son père. Une enquête éducative a eu lieu, le rapport est fait, une saisine du juge est en cours pour qu’il y ait une mesure éducative.
Florence Saint-Arroman

*Lire ici : https://www.creusot-infos.com/news/faits-divers/a...