
Ce vendredi 2 Février marquera, en fin d’après-midi, l’inauguration de l’œuvre monumentale réalisée par Michel Granger, en présence de l’artiste. Il s’est confié dans une interview à creusot-infos.
Comment l’idée vous est venue de réaliser cette œuvre monumentale ?
MICHEL GRANGER : «Quand je suis arrivé au Creusot, je n’avais pas une idée préconçue de ce que je vous pouvais faire. Après mes échanges avec le Maire David Marti, j’ai décidé de faire ce travail. J’ai alors demandé à visiter Le Creusot et plus particulièrement ses entreprises industrielles…»
Et alors ?
«Quand j’ai assisté à une opération de laminage à la tôlerie d’Industeel, j’ai senti qu’il fallait que je travaille sur une tôle, ou des tôles».
Pourquoi ?
«Il n’y en a pas une tôle dans la ville, alors que Le Creusot en produit depuis si longtemps. L’acier, la tôle, ont été le point de départ.
J’avais déjà la verticalité. Et puis je suis allé au Château de la Verrerie, j’ai vu qu’il y avait du verre et j’ai demandé pourquoi. Et là je me suis dit que j’allais intégrer le verre dans le métal. Il y avait pour moi une vraie cohérence.
J’avais graphiquement mes supports. Le verre et le métal c’est le feu. Ils ont ceci de commun. J’ai alors proposé plusieurs croquis à Monsieur Marti. Mon idée de faire ressortir un personnage avec du verre inséré dans la tôle, c’est parce qu’il y n'a pas d’industrie sans l’humain. Dans cette tôle je figure un humain. Mais il va au dela de l’humain, c’est la galaxie, ce sont vraiment des étoiles. Le cœur du personnage, on y voir une terre, car pour moi, faire figurer la terre cela veut dire que tout le monde est concerné. La terre c’est le paysage des paysages.
La difficulté cela a été dans la façon de dessiner le personnage. Il ne fallait pas que ce soir un homme, ni une femme. Il fallait que ce soit le reflet de ceux qui travaillent dans l’industrie. Et il y a des femmes et des hommes. Il y avait d’ailleurs deux femmes au laminage. Ce sont elles qui ont géré les références. Il fallait que le personnage soit évocateur de l’humain»…
C’était une histoire de genre ?
«Non absolument pas. Je dirai même : bien le contraire. Ce n’est pas l’idée. C’est l’être humain qui est présent. Après une œuvre réalisation comme celle-ci, une fois qu’elle est terminée, elle ne m’appartient plus».
Etes-vous content du résultat ?
«Ce n’est pas à moi d’être content. Je le serai si les gens du Creusot se s’approprie. Si cela devient le paysage des gens d’ici. A partir de là, je pense que la sculpture sera réussie».
Qu’avez-vous aimé dans ce défi ?
«D’abord de travailler avec des gens qui m’ont beaucoup apporté. J’ai d’abord aimé tout le travail solitaire à l’atelier. J’ai travaillé un an pour arriver avec ce personnage très simple. J’ai aimé réaliser techniquement cette œuvre monumentale».
N’y a-t-il pas une part de poésie dans cette œuvre…
«Je pense. Car la poésie est inhérente à cette œuvre, car elle travaille beaucoup avec la lumière. Avec une opposition quand même avec le métal, qui est brut, sévère, lourd, costaud, rouillé et le verre qui est fragile et qui laisse passer la lumière. Il y a ces deux lectures opposées, de plein et de vide. Elle est forcément poétique car c’est un personnage qui avance. C’est la terre, c’est l’univers. Un philosophe qui a suivi le travail sur Facebook, m’a dit que c’était l’épiphanie. Personne ne savait qu’elle était verticale».
Combien y a-t-il de trous ?
«174. Au départ il y en avait 183 sur mon dessin. Je n’ai pas pu les faire, car avec les notes de calcul, il y avait des trous qui auraient pu fragiliser. Il y a toujours trois centimètres entre deux perforations»
Comment avez-vous procédé
«J’ai dessiné sur des dizaines et des dizaines de croquis. Après je suis passé sur des feuilles en grand. Je les ai fait scanner, agrandir, dans un laboratoire. Et à Courbertin, la feuille avait tous les cercles dessinés. On a mis tous les galets en verre».
Vous aviez imaginé dans votre carrière travailler sur une tôle, alors que vous avez toujours été dans la rondeur ?
«Non, mais je vous l’ai dit, cela s’est imposé quand je suis passé au laminoir. Cette œuvre c’est un menhir, un totem. Oui un totem. Il y a pas très loin, à côté la grande cheminée, qui est un totem de l’industrie. Un phare. J’ai toujours aimé l’industrie. J’ai une formation de technicien. J’ai un diplôme de mécanicien régleur de métiers à tisser. J’étais mauvais à l’école et on m’avait envoyé en technique, au Lycée Carnot à Roanne. J’ai fait des stages dans des usines de tissage. J’arrivais à 6 heures du matin, avec la burette, je graissais les métiers. Je me suis dit que cela n’allait pas aller. J’ai travaillé beaucoup pour aller aux Beaux Arts.
A l’époque un CAP comme ça c’était un petit ingénieur. Cela m’a aidé, car pour cette œuvre j’avais le langage».
Quelle appellation préférez-vous ?
«Même si je parle souvent de sculpture, par habitude, j’aurai tendance à dire œuvre monumentale. Avec le soleil et, à partir du mois de mars les éclairages, on la verra très bien !»
De quoi avez-vous envie aujourd’hui ?
«D’autres sculptures. Mais je ne ne lâcherai pas la terre».
Recueilli par Alain BOLLERY
(Photos Alain BOLLERY)



