Il y avait beaucoup de monde devant le Monument aux Morts.
Dans le prolongement de la très belle cérémonie pour les 80 ans de la Libération du Creusot, Le Creusot a célébré en grand le 106ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre 2018, qui avait marqué la fin de la première guerre mondiale, pour laquelle la France et Le Creusot avaient payé un très lourd tribu.
La transmission du devoir de mémoire ne doit pas être aléatoire, ni une option. Cela doit être une exigence permanente. Et en ce sens, il faut saluer la qualité de la cérémonie qui s’est déroulée, ce lundi 11 novembre, en fin de matinée, devant le Monument aux Morts.
En l’absence du Président du Souvenir Français, Michel Dumerger, excusé, c’est Sophie Guinot-Pacaud qui a orchestré la cérémonie. Elle a parfaitement rempli le contrat.
Les élèves de l’école Victor Hugo et de la classe défense du Lycée Léon Blum ont donné un éclat particulier à la cérémonie en chantant «Eclairs d’acier, nos rêves envolés». Une chanson composée, en 2014, par les élèves de CM2 de l’école Saint-Genès à Bordeaux.
Charly P, Charly H ; et Juline ont lu les messages que M. Deleage avaient adressés à son épouse depuis le front. Lilia et Maïssa ont lu le message de l’UFAC, tandis qu’Antonine et Zac ont lu un poème de Daniel Meunier.
Outre le Maire David Marti entouré de nombreux élus, on notait les présences du Commandant de Police Arnaud Plantard, mais aussi de Sébastien Deroche, le patron des pompiers au Creusot.
L’Harmonie du Creusot et la Clique des sapeurs pompiers ont assuré les accompagnements de la cérémonie. Après les dépôts de gerbes et les saluts au drapeau, tout le monde après la direction de l’ALTO. A suivre…
A.B.
(Photos Alain BOLLERY)
La vidéo de creusot-infos :
Les messages de M. Deleage,
inspecteur de l’Education Nationale :
«Ma chère Louisette,
Je tai promis, presque solennellement, de te dire la vérité; je vais m'exécuter, mais en revanche tu m'as donné l'assurance que tu aurais les nerfs solides et le coeur ferme.
Je suis depuis ce matin dans des tranchées conquises depuis 2 jours, l'ensemble de ces tranchées et boyaux forme un véritable "'abyrinthe", où j'ai erré 3 heures cette nuit, absolument perdu. Les traces de la lutte ardente y sont nombreuses et saisissantes ; et d'abord elles sont plus qu'à moitié détruites par l'ouragan de mitraille que notre artillerie y a lancé, aussi sont-elles incommodes et horriblement sales malgré les réparations urgentes que nous y avons faites ; tout Yeranque: l'eau (propre ou sale), les boyaux, les latrines ; elles sont à moins de 200 mètres de la lère ligne ennemie, avec laquelle elles communiquent par des boyaux obturés; elles sont parsemées de cadavres français et allemands ; sans presque me déranger j'en compte bien 20 figés dans les attitudes les plus macabres. Ce voisinage n'est pas encore nauséabond, mais il fait tout de même mal aux yeux ; ce matin, à 5 heures, nous arrivons mouillés et harassés, et j'entre dans le premier abri venu pour me détendre, j'avise une bonne planche, m'y étends, la trouve moelleuse, mais 5 minutes après je m'aperçois qu'elle fait sommier sur 2 cadavres allemands ; et bien, crois-moi, ça fait tout de même quelque chose, au moins la 1ère fois. On marmite fort tout autour de nous et vraiment c'est parfois un vacarme; déjà je ne salue presque plus.
Le mal n'est pas là ; il est surtout dans le temps qui est affreux ; depuis 3 jours au moins, les rafales de pluie succèdent aux averses ; les boyaux sont des fondrières innommables, où l'on glisse, où l'on se crotte affreusement; aussi suis-je sale au superlatif, au moins jusqu'à la ceinture ; mes mains sont boueuses et les resteront jusqu'au départ; mes souliers sont pleins d'eau ;
heureusement le corps est sec, car l'air est presque froid et le ciel livide. Autour de moi les gens font une tête ! Il nous faudra beaucoup de patience et de moral.
Nous sommes coiffés du nouveau casque en tôle d'acier ; c'est lourd et incommode, mais cela donne une sérieuse protection contre les éclats de fusants et contre les ricochets, aussi le porte-t-on sans maugréer. Nous avons aussi tout un attirail contre les gaz asphyxiants. Mais nous serons mal ravitaillés : un seul repas, de nuit, qui arrivera froid le plus souvent ; et cela s'explique à la fois par la longueur des boyaux et par la difficulté de parcourir une large zone découverte. (...) / Ma lettre va t'arriver en pleine période de réinstallation et de soucis; j'essayerai d'en prendre ma part de loin; cela me distraira et me fondra un peu plus avec vous. Je te souhaite du calme et du courage pour triompher de ces petites difficultés.
Tu sais combien je t'aime et quels tendres baisers je t'envoie, partage avec nos chers petits.
(signé) Déléage
P.S. : J’approuve absolument ta décision relative à la gentille offre de Catherine»
Le poème de Daniel Meunier
Alors que la douceur d’un beau matin d’été
Donnait à la vie une simple intensité,
La terrible nouvelle partout se répandit
Laissant les gens totalement anéantis.
La déclaration de guerre absurde et odieuse
Frappait des existences pacifiques et heureuses.
Contraints et forcés, la dure mobilisation
Imposa aux hommes de délaisser leurs maisons.
Des femmes et des enfants réunis dans la douleur
Voyant tout à coup s’évaporer le bonheur…
Des familles déchirées sous les cris et les pleurs
Plongeant dans les dédales sombres du malheur…
Longs mois et années pour ces valeureux soldats
Passant implacablement de vie à trépas
Qui, sous le feu des canons et de la mitraille,
Ont péri vaillamment sur les champs de bataille.
Verdun, la Marne, la Somme ou le chemin des Dames…
Y résonnent encore le souvenir de leurs âmes,
De leurs serments au service de la liberté,
De leurs appels à sauver la fraternité.
C’est dans la fraîcheur d’une soirée d’automne,
Au gré des feuilles mordorées qui tourbillonnent,
Que fut signé ce tant attendu armistice
Mettant une fin à leur douloureux supplice.
De rouges coquelicots, sur la terre apaisée,
Ecartent largement leurs corolles enflammées,
Comme pour dire à ces héroïques combattants
La gratitude du peuple reconnaissant.
Daniel Meunier
Le message de l’UFAC (Union Française des Associations de Combattants et de Victimes de Guerre) :
«Aujourd’hui, nous commémorons, dans toutes les villes et dans tous les villages de France, la signature à Rethondes, il y a 106 ans, de l’Armistice mettant fin à la guerre de 1914-1918.
Après le conflit, partout ou presque partout, ont été érigés des monuments aux morts ou des stèles commémoratives, véritables sentinelles de la mémoire qui nous rappellent les sacrifices et les souffrances endurés par nos aînés.
La majorité de ces lieux de mémoire ont été réalisés dans l’immédiat après-guerre et souvent à l’initiative d’anciens combattants survivants. C’était le moyen qui leur avait semblé le plus efficace pour honorer leurs camarades ayant fait le sacrifice de leur vie et pour favoriser la prise de conscience par l’ensemble de leurs concitoyens de la dette contractée envers eux.
Ces monuments sont à l’image de la France d’alors qui, au sortir de la guerre, était meurtrie, défigurée. La souffrance qu’ils expriment était celle qui perdurait dans les corps et dans les cœurs. Ils sont désormais indissociables de la notion de commune dont ils constituent, avec la mairie, l’église et le cimetière, des éléments structurants. Mais ils ont aussi valeur d’engagement en nous signifiant "Plus jamais cela !". Il fallait que, regardant ces figures de pierre ou de bronze, on entende résonner les cris, les plaintes, les gémissements, expressions de l’indicible souffrance qui fut celle de nos "Poilus", mais aussi des populations civiles prises sous le déluge de fer et de feu.
Pourtant, malgré le traité de paix signé un an plus tard à Versailles, cette guerre qualifiée de grande alors que rien de ce qui est porteur de haine et de division ne peut-être grand, ne fut pas la dernière comme tous l’avaient espéré.
C’est la raison pour laquelle, l’Union française des associations de combattants et de victimes de guerre (UFAC) appuie son action sur un motif fondamental qui est de s’opposer à tout règlement de conflit par la guerre mais de l’obtenir par la négociation. Pour ce faire, l’UFAC agit résolument et avec persévérance pour la paix en particulier en direction des jeunes générations qu’elle invite à devenir des citoyens d’un monde sans haine ni guerre.
Vive la République ! Vive la France»