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18/11/2022 11:30
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SAONE ET LOIRE : Le conseil départemental jette l'éponge et ne prendra pas la compétence de la RCEA

Le 23 juin, le conseil départemental avait décidé de candidater pour prendre la compétence de la gestion de la RCEA. Cela ne sera pas le cas. L'Etat acceptait d'apporter plus de 6 millions de compensations, par an, quand le département les avait estimées à plus de 13 millions.
«C'est une belle occasion ratée» a langé le Président Accary.
«L'Etat n'a pas établi de contrat de confiance» a déploré Jean-Luc Fonteray.
C'est André Accary, en personne, qui s'est chargé de présenter le rapport qui a acté la décision, à l'unanimité, des conseillers départementaux, de ne pas accepter un transfert de la compétence de la gestion de la RCEA, la Route Centre Europe Atlantique, alors que sa mise à deux fois deux voies n'est pas terminée.
Une décision approuvée par les élus des autres groupes... ««L’Etat n’a pas établi de contrat de confiance sur ce dossier, mais il a finalement établi un contrat de défiance», a jugé Jean-Luc Fonteray, du groupe Gauche 71.
Pour sa part, Dominique Lotte a déclaré : «Je suis ne inadéquation avec ce que propose l’Etat. Quand on est en discussion avec l’Etat on se rend compte que la parole n’est pas tenue et les choses ne vont pas à leur terme. Je pense qu’il faut imposer des échanges écrits, posés, qui permettent d’aller au bout».
André Accary a conclu avec des propos cinglants à l'adresse de l'Etat : «C’est une belle occasion ratée. Je voulais vraiment attendre quelques heures, pour que l’on puisse avoir de nouveaux éléments. Mais selon des informations on était loin de nos attentes. Dès le mois de juin, on avait dit «pas de chèque en blanc». J’ai dit au Préfet que cette volonté de transfert est un fiasco total. Je remercie agglomération chalonnaise, le Mâconnais, la Communauté Urbaine, mais aussi la Région qui se sont engagées alors que c’était à l’Etat de payer. C’est quand même 64 millions pour le département, autant pour la Région et 10 millions pour la Communauté Urbaine. Dominique je te rejoins, il faut que ce soit écrit noir sur blanc. Il faut savoir dire non, même à la dernière minute».
Alain BOLLERY

Pour en savoir plus :
Le Département de Saône-et-Loire avait montré son intérêt et sa volonté de s’impliquer dans la gestion de la Route Centre Europe Atlantique dite RCEA.
Considérant les enjeux majeurs de sécurité et de cohérence d’itinéraires et s’appuyant sur son expertise en matière de gestion de patrimoine routier, le Département a ainsi saisi l’opportunité donnée par la loi 3DS relative à la di érenciation, la décentralisation et portant diverses mesures de simpli cation de l’action publique locale, publiée au journal o ciel le 22 février 2022, de transfert des autoroutes, routes nationales ou portions de voies non concédées aux Départements, Régions et métropoles volontaires, à compter du 1er janvier 2024.
Un décret d’application est venu compléter ce texte le 30 mars 2022 précisant les modalités de mise en œuvre de ces transferts et xant la liste des voies non concédées du domaine public routier national qui peuvent être transférées.
L’Assemblée départementale réunie le 23 juin 2022 a donc approuvé le principe de la candidature du Département de Saône-et-Loire auprès de l’État, relative au transfert de gestion des sections de RN 70, 79 et 80 (RCEA) traversant la Saône-et-Loire, dans le respect du délai xé par décret, soit au plus tard le 30 septembre 2022.
Mais le Département avait assorti sa candidature de conditions a n d’entamer des négociations avec l’État pour préserver les intérêts de la collectivité.
Le Département avait notamment exigé :
  • que les conditions de transfert s’accompagnent des moyens adéquats
    en termes de dotations nancières de fonctionnement et d’investissement permettant au Département de lui garantir une neutralité budgétaire,
  • d’achever les travaux de mise à 2 x 2 voies programmés (phases 2 et 3),
  • du personnel compétent et spécialisé pour assurer la gestion de cet axe particulier (type autoroute) ainsi que les matériels et bâtiments nécessaires, à défaut de leur compensation intégrale nancière.
Le ministre chargé des transports disposait d’un délai de trois mois à compter de l’expiration du délai précédent du 30 septembre, soit au plus tard le 31 décembre 2022, pour se prononcer définitivement sur les routes à transférer au regard notamment de la cohérence des itinéraires, des moyens d’exploitation et de maintenance, des conditions de l’exploitation et de l’expertise technique des personnes publiques concernées.

L’Etat des négociations avec l’Etat :
Le Département a engagé des discussions et négociations avec l’État pour obtenir tous les éléments d’information dans ce processus de préparation du transfert, au niveau national en appui avec l’Association des Départements de France et au niveau local.
Par courrier du 10 juin 2022, le Département avait sollicité monsieur le Préfet de Région pour obtenir la communication de tous les éléments sur l’état des lieux du réseau. Une réponse du 27 juin 2022 informait le Département d’un droit à compensation annuel (DAC) de 6,85 M€ et d’éléments techniques. Malgré ces éléments incomplets, le Département avait pu faire une première évaluation du réseau transféré.
Sur ces informations, la Direction des routes et infrastructures a engagé un travail d’analyse et d’appréciation des éléments communiqués. Des rencontres ont par ailleurs été organisées avec les services de l’État (DIRCE et DREAL).
Sur la base des données transmises, partielles et incomplètes, les élus ont pu apprécié en comités de pilotage du 24 août et du 21 octobre, les écarts entre le DAC proposé par l’État de 6,85 M€ et un besoin à couvrir calculé par les services, conforté par un bureau d’études extérieur, de 13 M€ annuel, couvrant les dépenses de fonctionnement, d’investissement et de remise en état des infrastructures le nécessitant avant transfert.
En parallèle, au regard du délai extrêmement contraint laissé aux Départements candidats et aux services de l’État pour échanger sur les conditions de transfert, l’Assemblée des Départements de France (ADF) avait saisi par courrier Madame la Première Ministre le 21 juillet pour dénoncer cette situation d’urgence. L’objectif était d’assouplir les délais et de laisser le temps aux Départements de prendre une décision dé nitive seulement après avoir reçu toutes les informations nécessaires.
Une réponse du Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du Ministre délégué chargé des transports en date du 9 septembre ouvre une possibilité de négociation pour les Départements ayant délibéré avec conditions suspensives, ce qui est le cas de la Saône-et-Loire, mais con rme les délais contraints prévus dans le cadre de la Loi.
À l’issue du second comité de pilotage du 21 octobre, sur le constat de l’impossibilité de négocier le droit à compensation et au regard d’informations encore manquantes, notamment sur l’assurance de l’achèvement de la phase 2 de la mise à 2x2 voies par les services de l’État, le Département de Saône-et-Loire a saisi monsieur le Préfet de Saône-et-Loire par courrier du 24 octobre sollicitant l’ensemble des éléments manquants permettant aux élus du Département de faire un choix éclairé sur un éventuel transfert dé nitif. Une copie de ce courrier a été transmis concomitamment à monsieur le ministre délégué chargé des transports ainsi qu’à monsieur le Préfet de Région.
Le Département n’a pas reçu de réponse o cielle à ce jour sur ces questions.
Fort de ce constat, le Département ne donnera pas suite au projet de transfert N’ayant pas obtenu les garanties de neutralité budgétaire avec une couverture à l’euro de l’ensemble des frais et moyens engagés par l’État repris par le Département étant loin d’être assurée, le Département constate donc que l’État n’est pas prêt à transférer dans de bonnes conditions la RCEA, infrastructure majeure pour le développement territorial et la sécurité routière des usagers.
Bien que favorable au transfert des routes nationales sur son territoire, le Département de Saône-et-Loire se voit contraint, en conscience et en responsabilité, a n de garantir les intérêts nanciers de la collectivité, de retirer sa candidature car les élus n’ont pas obtenu les réponses su samment précises des services de l’État sur le droit à compensation et sur les enjeux liés à la nalisation de la mise à 2x2 voies sur la totalité de l’itinéraire.

Pour autant, le Département continuera
à investir à la sécurité et pérennité de cette route majeure en apportant une contribution nancière de 64 M€ sur un chantier de 397 M€ pour soutenir d’ici n 2023 les travaux de mise
à 2x2 voies sur la totalité de cet axe, rendus indispensables au vu de l’évolution du tra c, notamment de poids-lourds et de la dangerosité. Le Département continuera à demander à  l’État d’assumer sa responsabilité et de tenir le calendrier des travaux.


Notre article du 23 juin :
Même s’il ne faut jurer de rien, la RCEA est de moins en moins la route de la mort. Au fur et mesure que sa mise à deux fois deux voies avance, statistiquement le nombre de mort diminue. Le plan d’accélération proposé à l’Etat par le conseil départemental de Saône-et-Loire, le conseil régional et la communauté urbaine, s’il n’est pas bouclé est déjà bien avancé.
Et ainsi que Sébastien Martin, vice-président aux transports et aux routes, l’a expliqué l’Etat se déclare prêt à transférer la compétence de sa gestion.
Le sujet a fait débat au sein de l’assemblée et l’opposition, par la voix de Jean-Luc Fonteray après avoir expliqué qu’elle était pour s’abstenir, s’est rangée aux arguments de la majorité, pour voter pour avec elle. Et c’est Jean-Luc Fonteray qui participera à la commission.


Sébastien Martin
«La loi 3DS ainsi que son décret d’application, ont dé ni la possibilité et les modalités de transfert des autoroutes, routes nationales ou portions de voies non concédées aux Départements, Régions et métropoles volontaires, à compter du 1er janvier 2024.
Les collectivités intéressées ont six mois pour délibérer sur leur souhait d’un tel transfert et pour transmettre leur demande au préfet de Région. Au terme d’une procédure et d’un calendrier réglementairement établi, l’Etat se prononcera ensuite définitivement sur les candidatures reçues, au plus tard le 31 mars 2023.
Le transfert des routes avec ses accessoires et dépendances sera constaté par arrêté préfectoral dans un délai de 4 mois à compter de la décision ministérielle. Il prendra e et le 1er janvier 2024, ou le 1er janvier 2025, si l’arrêté préfectoral est pris après le 31 juillet 2023.
En Saône-et-Loire, cela concerne la route Centre-Europe Atlantique dite RCEA, qui représente un linéaire d’environ 150 km constitué par les RN 70, 79 et 80. Cette portion relie d’une part, Mâcon à Digoin et d’autre part, Paray-le- Monial à Chalon-sur-Saône.
La Région Bourgogne Franche-Comté ne souhaite pas la mise à disposition à titre expérimental de 8 ans de cette infrastructure.
Le Département de Saône-et-Loire s’est quant à lui déjà fortement mobilisé pour cette infrastructure en apportant une contribution  financière de 64 M€ sur un chantier de 397 M€ pour soutenir d’ici  2023 les travaux de mise à deux fois deux voies, rendus indispensables au
vu de l’évolution du tra c, notamment de poids-lourds et de la dangerosité, sur la totalité de l’itinéraire, de cet axe.
Ainsi, par courriers des 17 mars et 2 août 2021 au Ministère de la Transition écologique, chargé des transports, et du 17 février 2022 au Premier Ministre, le Département s’est déjà porté candidat pour reprendre la gestion de la RCEA. Il réa rme aujourd’hui cette position a n de développer et favoriser un réseau de proximité cohérent, sous réserve de l’adoption de conditions suspensives, à négocier avec l’État, bien que la gestion de cet axe présente des caractéristiques di érentes du réseau routier départemental (type autoroute).
Ce transfert doit impérativement s’accompagner :
d’une part, des dotations de fonctionnement
et d’investissement conformes aux besoins d’exploitation et de travaux programmés (phase 2 à terminer et phase 3 à venir)
d’autre part, des moyens adéquats pour assurer
la compétence en termes d’agents disposant
des di érents savoir-faire, des matériels et des bâtiments, tels que prévus dans l’article 150 de la loi 3DS relatif au droit à compensation.
Il paraît également nécessaire de disposer d’un état des lieux du réseau transféré a n d’appréhender de manière précise le périmètre du patrimoine transféré.
Outre ces conditions, le Département doit obtenir la garantie de la réalisation  nale de la phase 2 et connaître les modalités envisagées pour la poursuite de la phase 3, ce qui nécessitera des négociations spécifiques et particulières.


Jean-Luc Fonteray
«La RCEA et notre Département ont ensemble une désormais longue histoire, sinueuse parfois.
Les modalités du transfert des dernières routes nationales sont organisées par le décret d’application du 30 mars 2022. Ce texte ne nous semble pas présenter les garanties nécessaires pour les finances de notre collectivité. On le sait, un tel transfert coûte, et coûte cher.
Chat échaudé craint l’eau froide. Souvenons-nous des conditions de transfert de la RN 6 en 2006. Ce devait être à l’euro - l’euro. Dans les faits, l’Etat avait minimisé ses frais d’entretien lors des dernières années, montants qui ont servi de référence pour le calcul de la compensation financière. Il en a résulté des charges nouvelles pour le Département.
Par ailleurs, au vu du contexte, il serait préférable que les travaux d’aménagement de la RCEA à engager soient terminés pour envisager un tel transfert.
J’ajoute un élément. Comme chacun sait ici, d’importants investissements sont conduits sur la RCEA. En miroir, les coûts de fonctionnement constatés sur ces 150 km s’en trouvent, durant ces années particulières, diminués par rapport à une période courante. Si ce sont ces dernières années qui servent de base au calcul de la compensation financière du transfert, alors celle-ci sera artificiellement diminuée par rapports aux besoins futurs réels.
À ce jour, ce sont autant d’incertitudes. Il nous apparait prématuré de se prononcer, c’est pourquoi Les élus du groupe Gauche 71 s’abstiendront sur ce rapport.»


Sébastien Martin
Le sujet c’est de décider de l’opportunité de se positionner sur le sujet. La question c’est considérez vous que nous avons intérête de nous engager avec l’Etat pour la gestion d’un axe essentiel.
Veut on être maître de destin ? Si les conditions ne sont pas acceptables, on n’est pas fou.
Peut-on vraiment en Saône-et-Loire rester à côté et de ne pas engager le débat avec l’Etat. On ne peut pas refuser le dialogue.


Jean-Luc Fonteray
«Nous ne sommes pas fous. On dit que c’est trop tôt»


André Accary
«On s’est mis d’accord pour terminer les travaux, en actant qu’on avait tous perdu. Ceux qui voulaient que l’Etat paye tout et ceux qui voulaient la mise en concession. J’aurai préféré que les travaux soient terminés avant d’entrer en négociation».                                      

Alain BOLLERY