
Quatre suspensions de séances ont émaillé la matinée, tout cela avant que le budget 2025 soit présenté, débattu et voté. Ambiance, ambiance à Mâcon au conseil départemental. Avec des chiffres évidemment, mais aussi un projet d’école à Etang sur Arroux, ou encore le centre départemental de santé.
Tous les élus n’étaient encore pas arrivés – pour cause de bouchon créé par APRR sur l’Autoroute A6 – que déjà Jean-Luc Fonteray, le Président du groupe Gauche 71, avait déjà dégainé en demandant une suspension de séance… Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il voulait faire une déclaration liminaire. Sauf que le Président André Accary ne s’était pas livré à cet exercice et qu’il refusa donc à Jean-Luc Fonteray.
Dès les premières minutes d’une session consacrée au vote du budget 2025, il y avait donc de l’électricité dans l’air, ce jeudi matin, au conseil départemental à Mâcon où le compte de gestion et le compte administratif n’ont pas été observés comme dans un long fleuve tranquille. C’est Jean-Luc Fonteray qui a posé les bases d’une pilonnage de la majorité. C’est le jeu politique.
Un projet d’école privée à Etang sur Arroux s’est même invité dans le débat, tout comme l’argent mobilisé pour le centre départemental de santé, ce qui a fait bondir Dominique Lotte et provoqué la 4ème interruption de séance de la matinée.
A.B.
Jean-Luc Fonteray
«Lors du dernier CA 2023, nous avons découvert l’ampleur des difficultés financières du Département, soigneusement camouflée jusqu’en juin 2024. Avant donc que les mesures gouvernementales ne restreignent les collectivités en imposant des contraintes budgétaires intenables.
Une telle situation devrait inciter à réinterroger l’ensemble de nos dépenses pour prioriser les financements sur les compétences obligatoires d’un département. Or, en 2024, nous avons assisté à un florilège de mesures bien éloignées de la vie quotidienne de nos concitoyens : achat de terrains pour ECLAT, subventionnement de l’aéroport de Dole, aides à la rénovation de résidences secondaires, subventions exceptionnelles pour des événements… Autant de dépenses que nous ne pouvons plus nous permettre, surtout quand on sait que les besoins des solidarités sont prégnants et urgents.
Dès lors, l’analyse du compte administratif 2024 découle de vos non choix et de vos errements :
- Des investissements réalisés amputés de 45 M€ par rapport à ce qui était prévu
- Un recours à l’emprunt inédit de 70 M€ + 10 M€ qui créé une augmentation de 13 % de l’encours de la dette
- Une dégradation de la capacité à investir du Département avec une capacité de désendettement portée à 7,4 années (rappelons qu’en 2014, elle était de 4,4 années
- Un déficit affiché de 25 M€ tout budget confondu qui masque mal la dégradation du budget principal.
Pourtant quel mal vous vous êtes donné pour tenter de dissimuler l’ampleur de la situation.
Le déficit affiché de 24,7 M€, tous budgets confondus, est artificiellement amoindri par l’excédent du budget THD, lui aussi fictif. Nous avons terminé le gros des travaux du THD et l’intégralité des dépenses réalisées n’a pas encore été soldée, du fait de certains litiges relatifs aux décomptes finaux. Vous les chiffrez même dans le BP 2024 à 21,8 M€ auxquels s’ajoute 4,8 M€ de charges exceptionnelles pour régler d’éventuels surcoûts suite aux litiges.
Mais, vous savez qu’un bon gestionnaire engage ses dépenses de l’année en cours, c’est le principe d’annualité budgétaire qui est à respecter, ce que vous ne faites pas. Ainsi, le budget est en excédent de 24,27 M€, puisque vous « omettez » les dépenses engagées restant à payer pour des travaux réalisés. La fin du THD met à nu le subterfuge que vous avez déjà utilisé en 2023.
En neutralisant cette manipulation, on arrive à un déficit de plus de 45 M€, tous budgets confondus. C’est-à-dire au-delà d’un déficit de 5 % des dépenses de fonctionnement prévu par la loi. Plus exactement, cela nous amènerait à un seuil inquiétant supérieur à 7%.
Vous êtes donc parvenus en 2 ans, c’est-à-dire du CA 2022 au CA 2024, à une débâcle du budget général, passant de 22 M€ d’excédent à un déficit réel de 49 M€. En résumé – 71 M€ en 2 ans. Vous allez rentrer dans le livre des records.
De plus, cette situation accablante a été artificiellement minorée par, d’une part le règlement d’un mois d’APA que vous avez décidé de différer à l’exercice suivant, générant une économie de 2,5 M€, et d’autre part de différer également une part de la contribution d’investissement au SDIS de 2,5 M€. Ainsi sans ces manœuvres, le déficit dépasserait les 50 M€.
Finalement ce CA confirme vos capacités d’illusionniste. Même manipulés, les chiffres sont têtus».
André Accary
«Merci pour ce réquisitoire. Je rappelle que le dernier contrôle de la chambre régionale des comptes a salué «la bonne gestion du conseil départemental. C’était l’année dernière».
Situation des EHPAD
Bernard Durand
«Au BP 2024, nous nous étions réjouis de l’inscription de 10 M€ pour l’investissement dans le domaine de l’autonomie, témoignant d’un volontarisme dont vous êtes avare.
Le réalisé est bien moins réjouissant, avec un réalisé à 2,06 M€, bien en deçà de la moyenne des 3 dernières années (4,27 M€ en moyenne sur 2021-2023. Une baisse de 50 %.
Pourtant, l’intervention départementale pour soutenir les établissements dans des travaux de réhabilitation a été revalorisée dans le règlement départemental, ce qui aurait dû conduire à une augmentation des dépenses.
C’était sans compter les difficultés financières que connaissent les EHPAD, leur empêchant tout projet.
Dans ces conditions, comment franchir le mur démographique de 2030. La DREES dans une étude prospective a dressé des scénarios plus ou moins optimistes mais qui tous montrent un besoin de places supplémentaires en EHPAD et dans des modes d’hébergement alternatifs (résidence autonomie, habitat partagé…).
Il faut se préparer pour cette échéance : entre 2014 et 2023, il y a eu 428 places supplémentaires en EHPAD soit une évolution de 5,79 %. Dans le même temps, la population des + de 85 ans a évolué de 20,8 %.
Il est urgent de préparer notre département à ces échéances. Notre collectivité en porte la responsabilité et doit repenser ces dispositifs d’intervention pour aider mieux les établissements à se réhabiliter, en tenant compte de leur fragilité budgétaire.
Comment comptez-vous relever ce défi, Monsieur le Président ?»
Anthony Vadot
«Je ne veux pas rentrer dans la polémique. Nous avons un département fragile, avec une population âgée importante et qui augmente».
Projet d'école privée à Etang sur Arroux
Nadège Cantier
«Nous avions appris par la presse, en décembre dernier, l’ouverture d’une école privée à Etang-sur-Arroux. Elle sera portée par le réseau Excellence ruralités.
Ce réseau bénéficie du Fonds du Bien commun (avec une majuscule à Bien) fondé par le milliardaire Pierre-Edouard STERIN.
Pierre-Edouard STERIN dont on a beaucoup entendu parler ces derniers mois pour son plan Périclès. Périclès, stratège grec, mais ici acrostiche de "Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes", M. STERIN est un patriote, enfin son sens de la nation à des limites, puisqu’il est exilé fiscal en Belgique. Plan Périclès dont l’objectif assumé est "permettre la victoire idéologique, électorale et politique" d'un ensemble de "valeurs clés" par la conquête lors des prochaines municipales de 2026 de 300 villes par le Rassemblement National.
Les conceptions éducatives de M. STERIN sont claires, il veut faire de l’école le premier terrain de reconquête des esprits par une éducation dite « intégrale » (« La voie de l’éducation intégrale » février 2021).
Cette école, « cours Vauban », la 3ème école du réseau Excellence Ruralités, devrait ouvrir en septembre 2025 dans les locaux de l’ancienne gendarmerie qui appartient au Département.
Nous vous demandons aujourd’hui si le Département a effectivement signé une convention d’occupation ou vendu les locaux au réseau Excellence Ruralités, favorisant l’implantation de ce réseau sur notre territoire et ou pouvons nous trouver cette recette au BP ? (cession immeuble 775 ou revenu immeuble 752)»
André Accary
«C’est un faux candidat. J’interroge toujours le Maire et le conseil municipal qui m’ont donné un avis pour une autre proposition.
Pareil je confirmé, que je ne fermerai pas le collège de Montcenis et contrairement à ce qui a été dit en conseil d’administration, les travaux se feront».
Evelyne Couillerot
«Oui des classes d’excellence rurale vont ouvrir. Le 8 avril, une réunion publique aura lieu. Est-ce que ce sera dans l’ancienne gendarmerie ?»
André Accary
La vente de la gendarmerie va être actée sur une autre proposition, en plein accord avec le Maire. Je ne comprends pas votre démarché. C’est lunaire. C’est simple il y a eu trois propositions et il n’y aura qu’un acheteur, et pas celui que vous déclinez».
Evelyne Couillerot : : «Je demande une suspension de séance pour un quart d’heure». André Accary lui accorde dix minutes.
Jean-Luc Fonteray
«Nous vous informons que nous déposerons une motion sur votre bureau avant midi».
André Accary
«Je vous ai donné ce que je savais».
Aéroport de Dole
Frédéric Cannard
«En juin 2024, nous avons voté contre une participation du Département de Saône-et-Loire au fonctionnement de l’aéroport de Dole. En effet, cette contribution pour un équipement hors de notre territoire et qui bénéficie à 1 % de nos habitants, nous paraissait et nous parait toujours superflue et coûteuse (150 000 € annuel).
Or, nous apprenons que le Département du Doubs n’a toujours pas voté cette convention et sa contribution et que le Département de la Côte d’Or ainsi que la Métropole de Dijon examinent cette proposition cette semaine.
Leurs contributions respectives porteront donc sur 3 ans, alors que nous sommes liés par convention pour 4 ans.
De plus, alors que vous nous avez présenté cette contribution comme correspondant aux flux de passagers provenant de la Saône-et-Loire, soit 9 %, nous nous apercevons que la contribution de la Côte d’Or est du même montant que la nôtre alors que ses habitants représentent 33 % des usagers de l’aéroport.
Cherchez l’arnaque. Etonnés que l’aéroport de Dole ne soit pas évoqué dans vos actions réalisées, nous vous avons questionné en commission des finances. C’est alors que vous nous avez répondu qu’aucun versement n’avait été effectué en 2024 et qu’aucun n’était envisagé en 2025. Visiblement, la concorde autour de l’équipement de Dole n’est pas aussi parfaite que celle décrite dans la presse. En vous précipitant pour mettre en œuvre cette convention, sans négocier un accord équitable, vous apparaissez comme le dindon de la farce.
Et si le contexte de nos finances vous conduisait enfin à abandonner le choix de ce financement superflu ?»
Centre Départemental de Santé
Jean-Christophe Décieux
«Combien de fois avons-nous demandé à ce que vous établissiez un état des lieux des missions fournies par le centre de santé au bénéfice de services à assurer par le Département PMI, MDPH …? Vous répondez que vous n’avez pas de temps à perdre avec ça.
Tout de même, indépendamment de la subvention d’équilibre, une subvention annuelle de 2,1 M€ est donnée pour accomplir ces missions internes au Département, elle correspondrait à 20% du budget comme prévu dans la convention.
Avec une telle subvention, nous espérons que nos missions médicales internes au Département sont bien réalisées.
Pourtant, un calcul rapide, avec une estimation très large du coût annuel d’un médecin à 120 000 €, établit que 16 ETP médecins seraient financés par cette subvention. Soit plus du tiers de l’effectif de 42,90 ETP médecins, ce qui est impensable. Un autre scénario avec 10 médecins à temps plein et 10 personnels soignants et administratifs est tout autant illusoire. Une vérification pour déceler la vérité s’impose.
Quand on verse une subvention, le premier devoir d’un responsable politique, détenteur de deniers publics, est de vérifier l’effectivité des actions financées. C’est cela que nous vous demandons.
L’utilisation de cette contribution de 2,1 M€ doit pouvoir être tracée. Vous le demandez bien pour des aides bien moins importantes. Votre absence de réponse sur ce point peut signifier soit une incapacité à connaitre l’activité du centre de santé soit la mise en place d’une subvention disproportionnée par rapport à la réalisation des missions internes afin de minimiser l’affichage de la subvention d’équilibre.
Avouez que le doute est permis et que les circonstances financières exigent qu’il soit levé.
Enfin, ces éclaircissements permettront de connaitre les effectifs soignants réellement consacrés aux patients. C’est bien là la raison d’être du centre de santé : les consultations médicales auprès de nos habitants».
Dominique Lotte
«Je suis surprise de voir l’état d’esprit dans lequel nous sommes. Le monde dans lequel nous vivons, avec un Etat qui met en difficultés les communes. Je n’ai pas souvenir d’avoir entendu quoi que ce soit sur les difficultés que l’Etat nous procure. On est en train de couper les cheveux en quatre.
Toutes les tambouilles sont possibles. Il faut prendre de la hauteur, non d’une pipe. Tous les départements sont dans la même situation.
Centre de santé : Les médecins s’en vont. Les EHPAD demandent des médecins. Que voulez vous ? On est en train d’essayer d’organiser la vie de nos populations. Essayons d’aller collectivement. Il faut que l’on avance».
André Accary
«Nous allons prioriser l’humain. Je vous ai fait envoyer une revue de presse. Ce n’est pas que la Saône et Loire. C’est tous les départements de France. On va continuer de protéger nos concitoyens. Les départements qu’un gouvernement a voulu faire disparaitre, ce sont eux les solidarités».
Jean-Luc Fonteray
«On est mis en cause par Lotte. On demande à répondre ou une suspension de séance».
Ce sera suspension de séance !
Alain BOLLERY