
«Vous n’avez pas vraiment réfléchi à ce qui vous attend», a lancé ironiquement le Président du conseil départemental à l’opposition qui réclamait plus d’informations sur les EHPAD et qui va donc toutes les avoir…
C’était annoncé. Le sujet de la situation financière des EHPAD a donc été traité en ouverture de la session du conseil départemental, avec la demande de mise en place d’une mission. Elle était souhaitée par le groupe d’opposition, ainsi que Jean-Luc Fonteray l’avait précisé, lors d’un point presse avant l’assemblée départementale, vendredi 17 novembre à Mâcon.
Le sujet n’a pas enflammé les débats. Jean-Luc Fonteray a argumenté sa demande lors d’une longue déclaration.
La situation difficile des EHPAD n’est pas propre à la Saône et Loire. Le sujet est brûlant dans tous les départements. Derrière lui se situe la loi Grand Age dont il a justement été question, ce vendredi, au niveau national. Une loi dont les contours ne sont encore pas vraiment connus. On sait juste qu’elle va bien finir par arriver, sur un sujet qui était déjà à l’ordre du jour quand Arnaud Montebourg était président du Conseil Général et qu’il avait notamment décidé de construire un nouvel EHPAD à Montcenis. Un établissement qui se distinguait, bien malgré lui, par ses chambres communes à six lits ou plus, dans une grande promiscuité, ainsi que Nicolas Sarkozy, candidat à la Présidentielle, avait pu le mesurer quand il était venu faire campagne au Creusot et qu’il était passé par Montcenis.
C’est dire si la question n’est pas d’aujourd’hui. Car les EHPAD de nos années 2020 ne sont pas les maisons de retraite des années 80… On y vient certes pour séjourner, mais bien souvent le séjour est un peu court.
C’est pour cela que vendredi, Dominique Lotte a pris parole pour expliquer que les nouveaux enjeux se trouvent sans doute ailleurs !
A l’heure du vote, la majorité a voté contre la mise en place d’une mission. Est ensuite venu la question du vote d’une enveloppe pour soutenir les EHPAD.
A.B.
Claude Cannet

«Nous le savons tous ici, la situation des EHPAD est particulièrement alarmante.
Comme l’a indiqué le Président dans son discours, c’est un sujet national. Contrairement à ce que vous laissez entendre, il est illusoire de penser qu’un Département seul sera en mesure de le résoudre. On peut le déplorer ; c’est hélas le bon sens.
Ces difficultés qui touchent l’ensemble du pays prouvent que le modèle de financement de ces établissements est totalement inadapté aux enjeux. Cela encore, vous ne pouvez l’ignorer.
Dès lors, vous laisser dire que vos alertes sont restées sans écho me semble être une liberté un peu simpliste que vous prenez avec la réalité. Sous-entendre que vous seriez les 12 seuls élus de cette collectivité à vous en préoccupez ne manque pas de sel.
Peut-être que votre mémoire vous fait défaut, mais vous votez régulièrement, depuis plusieurs mois, que ce soit en commission spécialisée ou en assemblée, des rapports qui prouvent que cette majorité a pris le sujet à bras le corps. Je regrette sincèrement que vous n’ayez pas le moindre souvenir des sommes que ce Département débloque depuis les dernières élections pour accompagner les EHPAD. 3,2 M €, c’est pourtant une somme significative.
Vous ne pouvez pas ignorer, et loin de moi de croire en une éventuelle mauvaise foi de votre part, que l’inconséquence du modèle financier est le cœur du problème.
Vous semblez préférer croire que vous seriez en mesure de résoudre cette situation. Pour notre part, nous préférons rester modestes. Il n’y a pas un seul Président de Département de France, quelle que soit sa couleur politique, qui prêterait fois à une solution apportée à ce problème de fond par la seule collectivité départementale.
Vous préférez laisser entendre le contraire, donner à penser aux saône-et- loiriens que vous en seriez capables. Tout cela est un peu démagogique.
Enfin, l’honnêteté devrait plutôt vous conduire à admettre, et vous le savez fort bien, que le temps n’est plus à l’information. Il est à l’action. Et pour l’heure, tant que le Gouvernement ne prendra pas la mesure de la situation, nous continuerons à tenter d’accompagner les établissements et leurs résidents, avec les moyens qui sont les nôtres.
Pour conclure, en ce qui concerne votre demande d’obtenir les documents comptables des EHPAD, nous tiendrions à votre disposition l’ensemble des données communicables en vertu de la législation et de la réglementation en vigueur».
Bernard Durand
«Après toutes ces années où moi ou mes collègues avons alerté sur la situation des EHPAD, sur les difficultés pour les résidents et leurs familles à assumer les coûts d’un hébergement. Après toutes ces interventions en commissions, en assemblées pour que le Département apure au moins les déficits du budget dépendance, autant dire que nous l’attendions, ce rapport.
Déjà, pour la première fois, vous faites état de l’ampleur des déficits des budgets dépendances 50 établissements sur 56 sont touchés et en 2022, le déficit total est de près de 8 M€. La fragilité financière des EHPAD ne serait donc pas uniquement le fait d’une carence de l’Etat, ainsi que vous nous le répétez de séance en séance. Le Département y contribuerait également. En revanche, vous ne donnez pas les déficits dépendance cumulés d’années en années qui sont sans aucun doute assez effrayants pour que vous refusiez de nous les communiquer.
Il faut dire que sur ce sujet comme sur d’autres, vous pratiquez l’omerta en restant sourd aux demandes d’informations complémentaires que nous formulons ou, comme aujourd’hui en refusant la création d’une mission d’information et d’évaluation.
D’autre part, vous intitulez ce rapport « soutien exceptionnel » ce qui laisse entendre un effort dérogatoire de la part du Département. Il faut être attentif aux mots : on ne peut parler de soutien exceptionnel quand il n’est question que de compenser les déficits de la section dépendance, c’est-à-dire de payer ce qui aurait dû être versé par le Département. Il ne s’agit pas d’un « soutien exceptionnel » mais bel et bien du règlement d’une créance par le Département.
Vous parlez également d’ « aides massives » : le montant moyen attribué par établissement est de 78 000 €. Tout est relatif quand on voit l’ampleur des déficits de la plupart des établissements.
De plus, cet apport de financement complémentaire ne règle rien : une partie seulement des déficits sera couvert (3,9 M€ prévus alors que le déficit affiché 2022 est de 7,9 M€) mais quid des déficits cumulés années après années ?
Le déséquilibre structurel des établissements va engendrer des difficultés croissantes et une gestion des « urgences » au coup par coup, en fonction des disponibilités financières du Département n’est pas viable. Il faut une vision globale et pluriannuelle de la situation de l’ensemble des établissements pour agir de façon concertée, en fonction des priorités définies. C’est ce que nous demandions avec la mission d’information et d’évaluation.
Enfin, la question de coût pour le résident n’est pas prise en compte. Le prix de journée augmente régulièrement, il sera encore augmenté de 4 % cette année, le budget hébergement subit de plein fouet l’augmentation des coûts de la vie. La question des restructurations et travaux dans les EHPAD vient encore peser sur le reste à charge des résidents, nous renouvelons notre demande de revoir sans attendre le règlement d’intervention pour atténuer cette charge supplémentaire. Cette disposition est à la main du Département et permettra d’enrayer la dégradation des budgets hébergement et l’augmentation des charges des résidents.
Nous le constatons, les résidents et les familles ne peuvent plus suivre et l’hébergement en EHPAD n’est pas une dépense « compressible ».
Nous voterons pour ces crédits supplémentaires en direction des EHPAD mais nous estimons que l’effort, que vous déclenchez suite à notre demande de mission, doit être poursuivi et intensifié, en raison de la situation d’urgence que connaissent les EHPAD. Pour notre groupe, la priorité doit être donnée à la prise en charge des personnes âgées, c’est ce vrai choix politique que nous attendons de votre part»
Jean-Luc Fonteray

«Après ce qu’a rappelé ma collègue, vous comprenez que nous ne pouvions rester sans rien faire et assister au naufrage inéluctable des nombreux établissements les plus en difficulté.
C’est pourquoi nous vous avons demandé la création d’une Mission d’information et d’évaluation, comme prévue par la loi et notre règlement intérieur.
Face à des problématiques dépassant largement les approches partisanes, comme les politiques sociales ou l’environnement, de nombreuses collectivités ont mis en place des MIE, avec une composition multi-partisane. Peu importe qu’elles soient de droite ou de gauche, les villes de Paris et de Lyon, les départements d’Ille-et-Vilaine, du Nord et du Loiret, ont développé des missions sur des thématiques variées (sécurité, environnement, accès à la médecine de ville, petite enfance, Aide sociale à l’enfance, APA ...).
Le bénéfice des MIE est certain : les 51 propositions sur l’ASE du Loiret ont été adoptées à l’unanimité à l’issue de la MIE, les préconisations APA du Département du Nord ont également fait l’objet d’un large consensus. Le partage, la collaboration et la transparence permettent d’aller plus loin et de créer une dynamique et des synergies autour d’un projet.
Pourtant, lors des commissions spécialisées de lundi, vous avanciez que cette MIE était prématurée, dans l’attente d’un plan gouvernemental Grand Age.
Ainsi donc, disposer d’un état des lieux objectif et que votre groupe d’opposition en ait connaissance, poser des priorités, actionner les leviers qui sont à notre portée (budgets dépendance, réflexion sur le niveau de subvention d’investissement compatible avec le reste à charge des résidents...) viendrait court-circuiter les réflexions nationales et les projets de réforme ? Il nous semblait au contraire qu’il s’agissait d’un préalable et que dans l’hypothèse d’un travail gouvernemental sur ce sujet, nous disposerions d’un diagnostic partagé de notre politique
« personnes âgées ». Je parle bien d’hypothèse car cette loi « grand Age » est sans cesse repoussée, malgré l’urgence soulignée dans les différents rapports remis au président.
Votre réticence à donner des informations objectives sur les EHPAD a laissé la porte ouverte à toutes les hypothèses, votre refus à créer cette mission ne ferait que renforcer le sentiment que vous cachez la situation réelle des établissements et que vous n’assumez pas les compétences qui sont les vôtres.
Vous vous montrez défavorable à la mise en place de cette mission et nous déplorons votre position. Alors que vous demandez la possibilité pour le Département de devenir l’interlocuteur unique en matière de dépendance, cette MIE aurait pu être peut être l’occasion de montrer votre implication pour un Département responsable, dans le cadre de ses compétences, et soucieux du bien vieillir sur son territoire.
Nous avons encore un espoir que, dans les minutes qui suivent, vous ne vous obstiniez pas à vouloir bâillonner votre opposition au préjudice de nos EHPAD»
Dominique Lotte
«Je voudrai que l’on essaye de porter cela de manière différente et de prendre de la hauteur. Le département est à la hauteur de la situation qui est la sienne.
Moi ce qui m’intéresse c’est de trouver une nouvelle formule. Il faut réinventer une politique publique. Le vieillissement de la population est une réalité».
André Accary

«Je voudrai rappeler qu’il y a 91 établissements dans le département. Monsieur Fonteray, votre objectif est assez simple, en évoquant seulement la Saône et Loire, vous ne prenez pas en compte qu’il s’agit d’un problème national. Il y a des conséquences en fonction de la manière dont ont été menés les investissements, mais aussi leur gestion.
Tous les départements, de droite comme de gauche, ont conscience qu’ils font ce qu’ils peuvent. Peut être que la réflexion de l’Etat est de laisser courir. Aujourd’hui on paye sur la compétence de l’Etat.
Vous proposez quoi ? Je supprime quoi ? Le maintien à domicile, le centre de santé ?
Le directeur de l’ARS m’a dit qu’il a les 5 millions. Pas pour la Saône et Loire, mais pour les 8 départemental de Bourgogne – Franche-Comté.
On n’est plus dans la mission. On est dans l’action. Mais on ne pourra pas tout faire. Je salue les parlementaires qui font pression.
Pourquoi j’ai demandé la gestion unique. Parce que nous avons une connaissance de la situation de chaque établissement.
On demande une stratégie à long terme.
Je vais vous donner la totalité des documents de tous les établissements. Vous n’avez pas vraiment réfléchi à ce qui vous attend. Ca ne sera pas une synthèse, vous ne pourrez pas nous accuser de vouloir cacher des choses».
Alain BOLLERY