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> Saone et Loire > SAONE ET LOIRE
02/02/2023 13:50
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François Gemmene, co-auteur du dernier rapport du GIEC : «La France est une région du monde qui se réchauffe plus vite. Tout va se jouer sur des dixièmes de degrés»

Un exercice non pas utile, mais très utile. Le conseil départemental de Saône-et-Loire, en décidant de tenir une session extraordinaire consacrée à l’environnement, voulait que ce soit un exercice utile. Avec la conférence absolument pas techno et très pragmatique de François Gemmene, elle a été très utile. Car ce sont des messages simples, à destination des élus et donc de leurs administrés, dont ils sont les représentants, que le co-auteur du dernier rapport du GIEC a distillés.
«80 à 85% des Français se sentent concernés. Le changement de climat va transformer la vie de notre territoire. Les collectivités sont des leviers». C’est avec ce constat que François Gemmene, chercheur en Sciences politiques et co-auteur du dernier rapport du GIEC, dont il a été co-auteur du 6ème rapport.
Invité par le Président André Accary et par Catherine Amiot, sa vice-présidente en charge de l’environnement, il a effectué un exposé très didactique, et donc très abordable et compréhensible. C’était l’objectif et il a été atteint Exercice réussi donc sur un sujet essentiel malgré les dénis d’un certain nombre de nos concitoyens en France et de part le monde.

François Gemmene s’est donc évertué à parler simplement mais avec beaucoup de précisions dans le texte, y compris quand il a répondu à une série de question des élus qui ont apprécié la qualité de ces instants en forme de première en Saône-et-Loire. Une forme de grande respiration dans une société où parfois tout va trop vite et où nos concitoyens ne prennent parfois pas assez le temps de la réflexion autant que de l’analyse.
«Il s’écoule une génération entre deux émissions de gaz à effets de serre. Il faut bien comprendre la colère de la jeunesse qui va subir les impacts liés aux émissions de gaz à effet de serre de leurs parents et grands-parents.

«Il faudra un siècle pour que les températures recommencent à baisser»

On parle d’événements exceptionnels quand par exemple il fait très chaud, alors qu’ils ont vocation à se répéter. Car ça va continuer. Nous allons subir et constater des records de température, année après année. On le mesurera dans 10 ans. Il faut tordre le cou à l’idée qu’il serait possible de revenir à la normale. C’est sans doute le point le plus difficile à entendre».
Et François Gemmene de poursuivre : «Le changement climatique qui est engagé, est un voyage sombre. Une bifurcation fondamentale du climat de la planète, qui va nous accompagner tout au long du 21ème siècle. Il faudra un siècle pour que les températures recommencent à baisser».
Et alors ? «La bonne nouvelle c’est que nos actions vont déterminer les hausses futures.
Chaque dixième de degré va compter. Nous ne réalisons pas combien chaque dixième de degré va produire des différences.
La température de votre corps se situe entre 36 et 37 degrés. Vous savez combien 38 sont, à 40 vous appelez un médecins, à 41 degrés vous partez à l’Hôpital».
L’invité du conseil départemental devait poursuivre : «On part sur une élévation de 2 degrés dans le monde et de 4 degrés en France. Car la France est une région du monde qui se réchauffe plus vite. Tout va se jouer sur des dixièmes de degrés».

«Il n’y a aucune action qui soit inutile»

Face à ces perspectives, François Gemmene l’assure : «Il n’y a aucune action qui soit inutile. Chaque tonne de CO2 envoyée dans l’atmosphère a des conséquences.
Pourquoi la France devrait agir, alors que la Chine et l’Inde polluent plus ?
Pourquoi la Saône-et-Loire devrait agir et par exemple pas la Côte-d’Or ? On trouvera toujours à dire que ce que l’on fait est insignifiant.
Le réchauffement est graduel. Je le répète, les températures ne vont pas baisser au cours de ce siècle».
Et l’expert du GIEC a pris un exemple pour expliquer combien tout est important : «Si vous êtes millionnaire vous n’allez pas voir 200 ou 300 euros de plus sur votre compte.
Mais il n’y a pas besoin d’être climatologue pour voir que tout est parti en flèche à partir de l’époque contemporaine.
Pendant longtemps nous nous sommes crus immunisés. C’est pour cela que le GIEC préconise des adaptations.
Les populations pauvres sont les plus exposées. Il y a donc nécessité de prendre en compte les inégalités. Il y a besoin de cohésion sociale, pour éviter de rentrer dans un cercle vicieux.
Les transformations du climat pourraient générer des transformations sociales.
Des faibles impacts climatiques peuvent engendrer des transformations sociales majeures. Dans nos sociétés, mais aussi sur l’ensemble du monde».
Et de poursuivre : «Les tensions au Sahel c’est parce que dans ses zones des groupes armés proposent de protéger leurs terres. La lutte contre le changement climatique est un enjeu immédiat au Sahel. C’est aussi un enjeu de survie pour des états juste au-dessus du niveau de la Mer.
C’est aussi un enjeu de migration. On en parle au futur
24 millions de personnes ont migré en 2021. Une partie de l’immigration qui arrive en France est aussi climatique.
Au Bénin, une zone a été engloutie par le niveau de la mer en dix ans. On doit aussi se poser cette question en France».

«Nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire»

Quelles solutions ? C’est ce que demandent beaucoup de nos concitoyens !
«Oui aujourd’hui, comme le dit Emmanuel Macron le Président de la République, nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire.
Il est essentiel de réduire chez nous, mais aussi travailler avec des pays qui aujourd’hui ne sont pas émetteurs. Il faut définir une trajectoire.
Les objectifs sont aujourd’hui de moyen ou de long terme. En 2050 il n’y aura personne pour interroger le Président de la République qui décide, donne une ligne aujourd’hui».
Un autre exemple, d’ici 2020, Lafarge aurait eu 13 PDG…  Si Trump est réélu il ne se sentira pas contraint par les engagements de Biden».
Face à ce constat François Gemmene a plusieurs réponses : «Il faut pouvoir engager des petites victoires. Il faut pouvoir atteindre les objectifs.

Nucléaire et renouvelable pèsent pour 15%

Il y a la question de la décarbonation. L’énergie nucléaire représente 4% et les énergies renouvelables 11%. C’est donc seulement 15% au total, pour ce qui concerne les énergies non fossiles.
Malgré les développements, ces énergies renouvelables n’ont pas remplacé les énergies fossiles. En fait elles se sont ajoutés aux surplus de consommation d’énergie.
Tant que l’on n’aura pas baissé notre consommation, les énergies bas carbone n’auront pas remplacé les énergies carbone ?
On oppose trop les questions de sobriété et d’efficacité. On a besoin des deux. Il faut revoir notre rapport aux voitures qui devront être plus efficaces.
C’est un enjeu considérable».
A.B.

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Des questions et des réponses
A l’issue de l’exposé de François Gemmene, les élus ont pu l’interroger. Il a répondu de façon précise à des questions précises pour la plupart.

Dominique Lotte

«Je vais être un peu vulgaire par rapport à vos propos. Purée que ça fait du bien. Vous nous avez expliqué qu’il y a encore des choses à faire. On est un peu moins idiot et un peu plus éclairé. Allez dans les écoles.
Moi ce qui m’interpelle c’est la question de la résilience humaine. Moi ce qui m’inquiète c’est ce que les gens peuvent vivre avec de l’eau jusqu’à la tête. Et il y a tout ce qui se passe en Afrique, en Asie. Comment accueillir les gens qui vont venir d’Afrique. Comment nos sociétés peuvent être s’organiser.  Comment le GIEC réfléchit à cela ?»
         François Gemmene : «Pas de défaitisme, beaucoup de ce que l’on peut faire est devant nous. On peut fonder un nouveau contrat sociale, pour conjuguer les efforts de chacun. On est trop dans la logique de rejeter la responsabilité sur les autres. Ente l’individu et le Gouvernement, il y a les collectivités et les entreprises.  Les migrations : Oui elles vont être en direction des pays industrialisés et vers la France. On n’a pas de débat apaisé. Il faut considérer les migrants comme des partenaires.
On parle de migrations pour les métiers en tension. Il y aura la question de financement des régimes de retraite. Il va falloir soit davantage de bébés, soit accueillir plus d’immigrés. Il faut une politique d’immigration dans l’intérêt de chacun».


Jean-Luc Fonteray

«Vous nous avez offert une intervention passionnante et inquiétante. Nous avons des enjeux dans notre département. On ne peut pas faire sans coordination avec des partenaires.
Créer un plan d’action, sans prévoir une évaluation, ne permet pas de voir l’impact au niveau départemental. Aujourd’hui bien que la question environnementale soit posée, il reste des marges. Les initiatives sont mal coordonnées. Le département pourrait être facilitateur, avec son ingénierie et des financements. Il faudrait que le département soit plus offensif. Et plus engagés avec les entreprises. Avec une coordination avec l’action régionale. La transition est l’affaire de tous.
Nous devons éviter la posture verte, qui n’est que de l’affichage. On souhaite un bilan carbone du département. Le dernier en Saône-et-Loire date de 2013. Vous avez dû rencontrer des collectivités. Des collectivités ont elle pris de l’avance».
          François Gemmene : «Il faut montrer aux gens concernés et inquiets ce qu’il est possible de faire. Ils sont comme des lapins qui sont sur la route éblouis face à une voiture dans la nuit, sans savoir s’ils doivent aller à droite ou à gauche. La question c’est comment s’adapter, y compris au niveau touristique. Avec France Télévisions on discute sur le Tour de France. Est-il encore prudent de faire courir les cyclistes en plein été, ou faire courir en soirée. Il faut transformer l’épreuve. Plus cela sera anticipé plus on réduira les impacts. Cette assemblée extraordinaire ici, est un bon exemple. Que va-t-on faire dans chaque département ?»


Frédéric Cannard

«Vous avez évoqué des petites victoires. Comment se positionne le GIEC sur
1 – Les lobbyings, les agriculteurs, et les élus parfois. On nous dit, on annonce des chose bien pour le planète mais des élus reviennent dessus sur leur commune.
2 – En France on crée des commissions, avec peu de mesures. Il y a conseil sur les déchets, sur l’air… Beaucoup d’instances qui parlent, et après ?»
          François Gemmene : «Concernant les lobbyings, oui il y a des intérêts particuliers.
150 Français ont été tirés au sort avec 150 mesures. Ces  mesures ont été proposées ensemble.
Il a fallu la crise pour que l’on réduise les émissions gaz à effets de serre. Pour sortir par le haut, il faut considérer que le PIB n’est plus le seul indicateur. Il faut un indicateur qualitatif».


Michel Duvernois

«Concernant l’agrliculture, on devient de plus en plus importateurs depuis des pays moins vertueux. Que fait-on ?»
          François Gemmene : «Sur l’agriculture il y a un gros sujet, c’est l’aveuglement. On ne prend pas assez en compte les effets notamment sur les rendements. Il faut accompagner les agriculteurs sur les changements de production. Il faut donner des perspectives aux agriculture. Ils ne faut pas oublier l’agriculture»


Nathalie Damy

«Qu’est ce qui peut être efficace pour les petites collectivités ?»
          François Gemmene : «Que faire à l’échelle d’une petite mairie ?
1 – Rénovation thermique des bâtiments, qui sont trop nombreux à être des passoires thermiques ; Faites le sous forme de coopérative, en engageant les administrés
2 – Pour les transports, demandez aux gens les usages de leur voiture, pour trouver des solutions de façon efficace et moins cher.
3 – Rétablir les jumelages. On peut faire des jumelages climatiques. Voir quels sont les besoins d’une commune dans le Sud. Voir ce que l’une peut apporter à l’autre, pour réduire le fossé entre les pays du Nord et ceux du Sud».


Sébastien Martin

«Le GIEC a été créé par Tatcher et Reegan, ce n’était pas des dangereux écolos.
En France, le point de départ, c’est depuis 1990.. Si on regarde depuis cette période, on est dans une baisse de 23%. La tendance de la France n’est donc pas négative. Oui les décisions que l’on prend aujourd’hui n’ont pas un impact immédiat, mais je n’ai encore vu une telle mobilisation.
Même les sociétés d’assurance ont pris en compte les aléas climatiques, en demandant aux entreprises de prendre des entreprises.
Il ne faut pas opposer les entreprises et les citoyens. Je suis partisan de la réindustrialisation.
Produire moins en Europe ce sera peut être produire plus ailleurs.
La solution n’est-elle pas dans la réindustrialisation ici, car ce qui sera fait ici sera meilleur. Nous avons peut être la réponse ici»
          François Gemmene : «Vous avez raison de pointer le rôle des assurances. Il faut les appuyer bien davantage. C’est un vrai point d’attention au congrès des assureurs à Deauville.
Concernant la réindustrialisation ; on ne réalise pas les enjeux. La Chine a installé en 2022 en un an a installé plus de panneaus solaires que les Etats Unis. La Chine est dans un TGV en matière d’industrie décarbonée. Il faut maintenant investir maintenant».


Josiane Corneloup

«On émet 1% de CO2 quand Chine, Inde et Etats-Unis c’est 50%. Quel est notre effet à nous sur la planète. Ne faut-il faut engager des mesures plus contraignantes. Pour la neutralité carbone en 2050, il faut que chacun s’approprie».
          François Gemmene : «Le climat se fout d’où viennent les efforts, que ce soit de Chalon ou de Djakarta.
Qui sait que les émissions de la Chine ont baissé pour le 4ème trimestre consécutif. L’enjeu c’est que tous les pays se mettent en marche. C’est à cela que sert l’accord de Paris.
Oui tout le monde n’a pas les mêmes contraintes.
La responsabilité de la France, c’est qu’elle a un rôle plus mportant. Quand Macron s’exprime, c’est le 5ème pays, par les émissions. On a des responsabilité de leadership. Comment travailler avec les autres. On sait que l’énergie solaire se démultiplie, sauf en Afrique là où il y a le plus de soleil. C’est une aberration. Il faut réfléchir à comment réduire nos émissions et les émissions».

Alain BOLLERY