Là, il est tombé pour un vol à Louhans, parce que la tentation est trop forte... A ce stade on est au niveau d'une forme de pathologie mentale.
Si les faits - un vol commis par opportunité, objet volé restitué - jugés ce lundi 18 mars, sont simples, la situation du prévenu ne l’est pas. Mais alors, pas du tout. Le prévenu est né à Lyon, en 1974. Il a passé le plus clair de sa vie à Bourges. Les 50 mentions de son casier judiciaire y furent quasiment toutes prononcées. En 2022, il est venu dans la région et après un temps au foyer de l’association Le Pont, il a intégré son propre logement, au Creusot.
Qu’est-ce qu’il fichait à Louhans, en janvier dernier ?
C’est le matin, il a déjà 1,4 gramme d’alcool par litre de sang, il marche et, dit-il, pousse « par curiosité » la porte d’une maison. La porte n’est pas verrouillée, il entre. Le bruit réveille l’occupant qui dormait encore. Les deux hommes se retrouvent face à face, l’intrus décampe illico. Dans la journée, l’habitant de la maison constate que sa tablette électronique a disparu.
Elle était posée sur une table, dans l’entrée.
Le lendemain, il dépose plainte mais vers midi, il croise son voleur et le suit. Celui-ci se rend à l’antenne du Pont à Louhans. La victime du vol prévient les gendarmes lesquels contrôlent le mis en cause, puis fouillent son sac et y trouvent la tablette. En garde à vue, l’homme prétend tout de même l’avoir achetée, trois jours auparavant. Sauf qu’il ne connaît pas le code de déverrouillage. La victime, si.
Le mis en cause est placé en détention provisoire. Le parquet demande une expertise psychiatrique. L’homme, âgé de 49 ans, est donc jugé presque deux mois plus tard, selon la procédure de comparution à délai différé.
Pourquoi ce vol ?
« Je vais vous raconter. J’avais passé une très mauvaise nuit. J’étais pas bien, j’étais pas bien. Comme un burn out, quoi. J’ai vu une maison ouverte. Par curiosité, j’ai poussé la porte mais j’ai rien pris. Et pourquoi j’ai pris la tablette ? J’ai voulu la reposer quand j’ai entendu ‘Halte ! Qui va là ?’… J’ai refermé la porte très-très vite, et j’avais la tablette dans les mains. … J’ai vu que je risquais ma vie, dans ce truc-là. Mais quand je me suis trouvé dehors avec, je me suis dit ‘Qu’est-ce que je fais ?’
- Avez-vous essayé d’ouvrir d’autres portes ?
- Non madame, c’était le matin. »
« Une forme de pathologie mentale »
C’était le matin… Sur les 50 condamnations inscrites à son casier, 29 sont pour des vols. Il précise à l’intention du tribunal : « Si je voulais de l’argent, j’aurais plutôt pris les téléphones, il y en avait quatre. » Il perçoit l’AAH, environ 1000 euros par mois, il dit que ça lui suffit. Le prévenu est un ancien polytoxicomane qui souffre des conséquences de la prise soutenue de toxiques (problèmes de mémoire, entre autres).
S’il a eu volé pour payer sa came, ce n’est plus le cas. Par contre il a déclaré, écrit l’expert psychiatre, « une forme de pathologie mentale » : un délire paranoïde qui fonctionne par poussées. Pour autant, l'expert dit que l’homme est responsable pénalement de ce vol, il ne relève même pas une altération du discernement. Ce fait de vol est sans rapport avec cette pathologie.
En novembre 2023, « une réactivation délirante »
Cela conduit le vice-procureur a requérir une peine de 8 mois de prison avec maintien en détention. Maître Peleija, elle, reprend le rapport d’expertise et relève que son client a connu, en novembre 2023, « une réactivation délirante » : l’homme regardait la télé et va interpréter les paroles d’une chanson comme lui étant destinées. Ça chantait qu’il allait être exécuté…
Sa pathologie rend les liens stables et confiants, difficiles, incertains
Ces épisodes délirants expliquent sans doute que le prévenu ait quitté Bourges, soit venu vivre au Creusot, et se soit trouvé à Louhans en janvier.
« Je ne suis pas d’accord, dit l’homme. Il a tort (en parlant du psychiatre). J’ai pas de pathologie mentale. Moi je connais, c’est pas en 15 minutes qu’on peut dire que quelqu’un est ceci ou cela. » Son point de vue n’est pas aberrant, mais ses propos, il faut le reconnaître, posent question. Avec ça, être en lien confiant et stable, avec qui que ce soit, doit être bien compliqué. A part du Subutex, il dit ne pas suivre de traitement particulier.
Incarcéré pour 6 mois puis un suivi renforcé
Le tribunal le déclare coupable et le condamne à la peine de 12 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis renforcé pendant 2 ans, avec une obligation de soins et celle d’intégrer le dispositif AIR (accompagnement individuel renforcé).
Il aura un suivi pluridisciplinaire et sera aidé dans toutes ses démarches de réinsertion. Maintien en détention pour les 6 mois ferme (il en a déjà purgé presque deux).
FSA