La présidente observe qu’il n’a plus que de 2 points sur son permis,
points qu’il aurait fatalement perdus avec de telles infractions. Elle
observe aussi que son casier porte au moins 5 condamnations pour des
conduites sous l’empire de l’alcool, un délit de fuite, aussi, une
conduite malgré injonction de restituer son permis, et une conduite sous
l’effet de produits stupéfiants. Un bon petit gars de 40 ans, quoi...
Les faits se sont déroulés le 20 septembre dernier, sur la commune de Saint-Firmin, mais le mis en cause n’a répondu aux gendarmes que plus tard. Convoqué le 8 octobre, il est placé en garde à vue, présenté au procureur le 9 au matin, et jugé dans la foulée, en comparution immédiate.
Les faits
Le samedi 20 septembre, une patrouille de la BMO du Creusot est en contrôle route à Saint-Firmin. Vers 19h25, une Peugeot 206 arrive dans leur direction. Les gendarmes lui font signe de s’arrêter. Le véhicule ralentit, se déporte sur la gauche, passe son chemin et va griller un Stop.
Les gendarmes essaient de rattraper le véhicule mais celui-ci monte jusqu’à 100 km/h, la route est étroite et sinueuse. Les militaires renoncent à la poursuite, mais ils ont relevé la plaque d’immatriculation et nettement vu le conducteur.
L’immatriculation les conduit à Autun, chez une femme qui leur dit spontanément qu’elle a passé cette voiture à son fils depuis quelques mois. Elle montre des photos : les gendarmes reconnaissent le conducteur qu’ils ont vu moins d’une heure avant.
Ils se rendent alors au domicile du mis en cause, dans les environs d’Autun. Personne. Ils reviennent le lendemain, le dimanche. Echec. Ils appellent trois fois sur le portable de l’homme. Pas de réponse. Les gendarmes finissent par déposer une convocation.
Le 8 octobre, l’homme répond à la convocation, mais il conteste d’avoir été ce conducteur poursuivi pour refus d’obtempérer, inobservation de l’arrêt imposé par un panneau « stop » et conduite avec un permis non prorogé. Au service de ses intérêts : une palanquée d’attestations de sa belle-famille qui fêtait deux anniversaires ce week-end-là. Il était arrivé avec sa compagne et leurs deux enfants le samedi en fin de matinée pour repartir le dimanche soir. Les attestations sont unanimes, un peu trop pour le procureur comme on le verra.
La version du prévenu
« Je pense que les gendarmes peuvent se tromper, il y avait peut-être une ressemblance entre ce conducteur et moi. Je n’étais pas chez moi ce week-end-là. »
La présidente observe qu’il n’a plus que de 2 points sur son permis, points qu’il aurait fatalement perdus avec de telles infractions. Elle observe aussi que son casier porte au moins 5 condamnations pour des conduites sous l’empire de l’alcool, un délit de fuite, aussi, une conduite malgré injonction de restituer son permis, et une conduite sous l’effet de produits stupéfiants.
Le prévenu, 40 ans, natif d’Autun, lui oppose : « Pourquoi je me serais sauvé pour permis non prorogé alors que par ailleurs je suis clean ? » Après une cure de deux mois, il dit ne prendre plus que des médicaments pour accompagner ses abstinences (méthadone pour la drogue, baclofène pour l’alcool).
Le procureur
« Monsieur est connu pour d’innombrables délits routiers, des oppositions à contrôle, délit de fuite, refus d’obtempérer. Je ne suis donc pas surpris de son attitude. Quand il passe devant les gendarmes, il roule à allure tempérée, les gendarmes peuvent le reconnaître. Le véhicule : sa mère confirme spontanément, et c’est d’ailleurs le seul témoignage spontané qu’on a au dossier, que c’est bien lui qui en a l’usage.
L’attitude de monsieur, ensuite : il ne répond pas, ne se présente pas. Il ne va à la brigade que le 8 octobre.
Ça a laissé à tout le monde le temps de s’accorder. Il a fait un dépôt de plainte en ligne pour le vol de la Peugeot 206, le 22 septembre : la probabilité, si toutefois ce vol a existé, que le voleur ressemble à monsieur, est inexistante. »
Le procureur se dit frappé par ces attestations qui sont trop semblables. La présidente avait observé une tournure de phrase, du beau-père du prévenu, qui désigne sa propre fille comme étant « la femme de monsieur X ».
« C’est curieux comme façon de dire. »
Vu les antécédents judiciaires, vu le temps clair et sec, donc vu la visibilité le samedi 20 septembre en fin de journée, vu les témoignages des gendarmes, vu le sérieux doute sur le vol du véhicule, vu le temps pris pour préparer une version, le procureur requiert la peine de 12 mois de prison et 400 euros d’amende pour les contraventions.
L’avocat, c’était annoncé, plaide une relaxe
« Monsieur vous dit qu’il était parti en week-end. A 19h25, fin septembre, le soleil commence à décliner, on ne peut exclure une erreur. Il est possible que ladite reconnaissance formelle de monsieur, soit une reconnaissance induite par la plaque d’immatriculation et le témoignage de sa mère. Ses antécédents parlent contre lui. Mais la photo tirée du fichier TAJ ne figure pas au dossier…
Du coup on ne peut pas vérifier à notre tour, plaide maître Duquennoy. La fête de famille, les témoignages : il est impossible qu’il soit l’auteur des infractions. Vous n’avez rien d’autre. Personne ne constate son absence et vous n’avez pas de bornage de téléphone. »
Ce dernier point pourrait susciter des regrets au parquet, mais toute exploitation de la téléphonie, en termes de bornage, est interdite tant que l’infraction n’est pas associée à une peine supérieure ou égale à 3 ans.
« Monsieur avait des problèmes avec les stupéfiants, il n’en a plus. Le permis non prorogé n’entraîne qu’une contravention, il n’avait donc aucune raison de se soustraire à un contrôle. Je demande qu’il soit relaxé. »
Relaxe
Le tribunal, après en avoir délibéré, estime qu’il n’y a pas suffisamment de pièces établissant « une certitude » pour entrer en voie de condamnation. Le prévenu est donc relaxé, au bénéfice du doute.
FSA