
L’unique comparution immédiate de ce jeudi 27 février est l’occasion de parler du CBD, car le cannabidiol* est en vente libre mais le THC passe dans le sang. Si vous conduisez, y compris plusieurs jours après, vous pouvez être positif au THC et par conséquent poursuivi, jugé et condamné pour conduite après avoir fait usage de produits stupéfiants.
C’est ce qui arrive à ce prévenu volubile, « nerveux », dit son avocat. Et pour cause : alors que, condamné par le tribunal de Lille à une peine de 15 mois de prison pour trafic de stupéfiants (ainsi qu’à une amende douanière de plus de 100 000 euros et une interdiction de paraître dans le département du Nord), cet homme âgé de 36 ans se voit bénéficier d’une mesure d’aménagement de peine.
Il sort donc de prison début janvier avec un bracelet électronique fermé sur une de ses chevilles et peut commencer un travail à temps plein, au Creusot, sous contrat d’insertion. Il est locataire d’un logement. Visiblement son travail lui plaît, il parle de ses collègues, tout ça.
C’est ainsi que le 13 février dernier, en milieu d’après-midi, alors qu’il déposait un collègue justement, à une intersection vers un supermarché (le collègue allait faire des courses), il rabat sa voiture sur un emplacement réservé aux bus. Moteur tournant et feux de détresse actionnés : il n’envisageait pas d’y stationner.
Un équipage de police lui dit de libérer la place illico, il s’exécute, mais les policiers le suivent et enclenchent leur gyrophare alors qu’il passait un deuxième feu sur son trajet.
« Ça ne ressort pas du tout de la procédure, c’est pour ça que je vous pose ces questions »
Le président de l’audience lui pose pas mal de questions sur les circonstances de son contrôle parce que la procédure ne fait pas état de grand-chose. Les policiers ont-ils, une fois la Clio repartie, rentré son immatriculation dans le fichier des véhicules ? On ne sait pas, ce qui fait qu’on ne sait pas ce qui a motivé ce contrôle.
En attendant : pas d’assurance, contrôle technique pas à jour, et premier test de dépistage de drogue, positif. Le prévenu dit ne pas comprendre : un collègue lui avait passé des feuilles de CBD achetées dans un bureau de tabac (« avec le tampon du tabac dessus »), il les a fumées « pour me détendre » le dimanche précédant le contrôle, il n’aurait pas cru être positif…
« C’est un débat de société » dit le président
Le procureur apportera quelques éléments : il en va du CBD comme de l’alcool, les deux produits sont en vente libre, on a le droit d’en consommer mais gare à vous si vous prenez le volant. Le taux d’alcool dans le sang est rapidement atteint. Quant au CBD c’est vite réglé : ne conduisez surtout pas, vous pouvez être positif et dans ce cas, vous commettez une infraction.
Le procureur requiert 10 mois avec maintien en détention pour trahison d’une « mesure de confiance »
Le casier du prévenu porte 3 condamnations : deux pour conduites sans permis et un usage de stupéfiants, et puis la peine pour trafic avec amende douanière.
L’homme est de nationalité algérienne, il a un titre de séjour en règle et visiblement s’efforce de faire ses preuves.
N’empêche que le procureur requiert une peine de 10 mois de prison avec maintien en détention : « Le vrai sujet c’est celui de la mesure de confiance. Quand on la trahit, on doit retourner en prison. »
« Si la notion d’infraction inutile existait, alors on serait en plein dedans »
Le bâtonnier Diry intervient pour le prévenu. « C’est le dossier de la confiance trahie, dit monsieur le procureur, je peux le comprendre, mais si la notion d’infraction inutile existait, alors on serait en plein dedans. Quand j’ai lu le dossier, je me suis dit : pourquoi ? Pourquoi quelque chose d’aussi bête alors qu’un chemin judiciaire apaisé s’était construit ? Tout ça parce qu’il s’est fait remarquer avec sa Clio peut-être un peu fatiguée, sur un emplacement interdit. »
Le fait est que les infractions poursuivies (défaut d’assurance, de contrôle technique et usage de stupéfiant) sont souvent traitées par des ordonnances pénales ou en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. « Mais voilà, le bracelet… » et puis l’état de récidive légale.
« La facilité, c’est d’actionner le bras armé de la répression pénale bête et méchante «
Interpellé le 13 février dernier, l’homme sort de garde à vue, puis il est reconvoqué le 25 février, placé à nouveau à garde à vue puis en détention provisoire. Or, rappelle son avocat, non seulement il s’est présenté, mais il apportait en plus un certificat d’assurance et un rendez-vous pour le contrôle technique.
« La facilité, conclut maître Diry, c’est d’actionner le bras armé de la répression pénale bête et méchante : le faire payer par l’enfermement. » Or, la fouille complète du véhicule ainsi qu’une perquisition de son domicile n’ont rien donné, « pas la moindre trace » de consommation habituelle de drogue.
6 mois ferme, 2 ans de probation
Le tribunal dit l’homme coupable, le condamne à la peine de 12 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligations de travailler, de suivre des soins en addictologie et psychologiques (avec qui ? A suivre. Il n’y a de places nulle part, ou alors ça donne un rendez-vous par mois, voire tous les deux mois…, ndla).
Pas loin de 500 euros de droits fixes de procédure, récemment augmentés
Obligation de payer le droit fixe de procédure (à noter que ces droits ont incroyablement augmenté** : le coût habituel en correctionnelle, de 127 euros est passé à 254 euros, et il est majoré de 210 euros en cas de conduite sous l’emprise de drogues) au Trésor Public.
464 euros en tout, même avec la ristourne de 20 % « si vous payez dans le mois », ça fait beaucoup.
Peine ferme aménagée en DDSE, permis annulé
Le tribunal dit que ces obligations sont effectives dès maintenant car il aménage la partie ferme de 6 mois en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE).
Peine obligatoire vu l’état de récidive légale : annulation du permis de conduire et interdiction de le repasser avant 3 mois.
Une amende de 4e classe de 50 euros pour le défaut de contrôle technique.
« Le tribunal n’a pas voulu mettre un terme prématurément à votre parcours d’insertion, mais ne vous amusez pas à conduire ! Et j’espère que vous avez compris : le CBD, ce n’est pas possible quand on prend le volant. »
FSA
*Sur le CBD :
https://www.drogues.gouv.fr/sites/default/files/2...**Sur l’augmentation des droits fixes de procédures :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdro...
(photo d'illustration)