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> Faits Divers > En Saône-et-Loire
14/03/2025 03:17
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LE CREUSOT : «Mon copain m’a tapée et m’a virée, est-ce que vous pouvez venir, s’il vous plaît ?»

Quand les policiers sont arrivés, vers 23 heures, monsieur s’était enfui. Non qu’il ait eu quoi que ce soit à se reprocher, dit-il, mais c’est parce qu’il est « incompatible avec la police » alors il ne veut rien avoir à faire avec elle.
Raté. A son troisième retour chez lui, au Creusot, cette même nuit, la police en question surveillait et l’a arrêté. Au sortir de sa garde à vue, un procureur décide qu’il sera jugé en comparution immédiate. Voici l’homme dans le box, sous escorte policière, ce jeudi 13 mars.

Les faits sont simples
Le 10 mars en fin de soirée, une femme appelle le 17 : « mon copain m’a tapée et m’a virée, est-ce que vous pouvez venir, s’il vous plaît ? » Le policier de garde lui demande si elle est blessée, elle dit que oui mais ne veut pas des pompiers. 
Une patrouille arrive.

La femme explique qu’elle est en couple avec cet homme mais elle a son propre domicile, à Roanne, elle ne peut pas y rentrer de suite. La police se met d’accord avec elle : elle va rester là mais porte fermée au cas où il reviendrait. 
C’est arrivé trois fois. L’homme est interpellé, agité, opposant, refuse la mesure de son alcoolémie. Il doit répondre de coups de poing (au visage), de pieds (dans les jambes).
Sauf que le 11 mars madame ne veut plus répondre à la police, refuse d’aller au commissariat, refuse tout.

« Elle, je l’aime à en mourir. »
A 14h17, ce jeudi 13 mars, le prévenu déclare : « J’ai jamais touché l’amour de ma vie. » On se dit que l’audience s’annonce longue, on se trompe. D’une part le président sait y faire, d’autre part le prévenu semble limpide.
« Elle est bipolaire. J’ai déjà déposé plainte contre elle.
C’est pas la première fois qu’elle se met des coups en me faisant passer pour le méchant. Notre couple est compliqué, m’sieur. Les gens nous le disent : arrêtez ! Mais moi j’ai perdu ma maman. Et elle, je l’aime à en mourir. »

« J’ai perdu ma maman »
Il a 41 ans. Oui, mais voilà. D’une part, il a 33 condamnations à son casier et des années d’incarcération. 20 condamnations pour des vols, escroqueries, etc. 5 pour des infractions au code la route. 4 pour détention de stupéfiants, 2 pour des faits d’évasion.
« J’ai gâché ma jeunesse. »
D’autre part,
et ce n’est pas la moindre ombre sur la vie de cet homme : reconnu handicapé il y a 10 ans, il a des traitements extrêmement lourds. Quétiapine (antipsychotique), Nozinan (neuroleptique), Seresta (anxiolytique). Et il boit sans trop de mesure, depuis 4 ans, depuis qu’il a perdu sa mère. 
« J’entends des voix, chuis pas bien. » Son ordonnance est en tous cas cohérente avec ce qu’il dit.

Comment ce couple se projette
« Moi j’ai qu’elle (la victime au dossier). C’est compliqué notre couple, c’est vrai. » 
Il espère en un enfant. Bientôt, elle et lui vont faire des démarches, en faveur d’une grossesse médicalement assistée. Le président observe gentiment mais on va le dire avec nos mots : un bébé, c’est exigeant, il faut avoir les nerfs solides et de la maturité. Le prévenu sait bien, mais vraiment c’est tout son espoir, « pour vraiment passer à autre chose ».

Le parquet a « des certitudes »
La procureur requiert longuement. Elle a des certitudes et la déclaration de la grand-mère de la femme, jointe au téléphone, qui a déclaré que depuis le début ce monsieur frappe sa petite fille.
Avec ça, monsieur est coupable. 
« Au vu de son passé judiciaire, des troubles de la personnalité de monsieur (vu l’ordonnance du psychiatre, on s’étonne que cette expression de « troubles de la personnalité » qui semble impropre, ndla), et au regard de la position de la victime », la procureur demande une peine de 18 mois de prison dont 12 mois seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 3 ans, et surtout elle demande que le tribunal décerne un mandat de dépôt.

La défense a des doutes
Maître Mortier-Krasnicki ne partage aucune de ces certitudes, bien au contraire « quelque chose ne colle pas dans ce dossier ». Et quitte à interpréter l’attitude de la victime, eh bien l’avocate se réfère au PV qui rapporte à quel point madame a refusé toute audition.
« Ce n’est pas habituel, et ça m’interroge. » 
De surcroît, ce couple se fréquente depuis longtemps mais les partenaires ne vivent pas ensemble et madame n’est pas dans la région. « On ne voit pas, dans ces conditions, ce qui empêche madame de se séparer si elle le voulait. »
Bref « il y a trop de zones d’ombre dans ce dossier. Le doute doit bénéficier à l’accusé, je demande une relaxe. »

Le prévenu parle en dernier :
« Elle est toute ma vie, j’ai qu’elle. J’ai envie de fonder ma famille. Moi je me fais soigner et je vais l’aider pour qu’elle en fasse autant. Je suis désolé de vous faire perdre votre temps, et aussi celui des policiers. »

Décision : un mandat de dépôt puis un suivi renforcé
Le tribunal dit le prévenu coupable, le condamne à la peine de 12 mois de prison dont 8 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé, avec obligations de soins en addictologie et en psychiatrie, suivre un stage de sensibilisation aux violences dans le couple. Interdictions de tout contact avec la victime, ainsi que de paraître à son domicile et à celui de sa grand-mère. Il devra payer un droit fixe de procédure de 254 euros.
Pour la partie ferme de 4 mois de prison, le tribunal décerne mandat de dépôt – vu le casier judiciaire et le fait que la victime est toujours à son domicile. Un léger gémissement émane de l’homme dans le box. Le président lui explique qu’il aura des crédits de réduction de peine, pourra demander un aménagement voire bénéficiera d’une libération sous contrainte* avant le terme de sa peine (libération automatique pour les peines inférieures à deux ans).
L’homme dans le box semble très malheureux. « Et pendant combien de temps on se verra pas ? »
FSA

*Libération sous contrainte : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdro...
Rappel : les juges appliquent les lois, ils ne les font pas, donc, pour les doléances concernant les libérations sous contrainte, il faut se tourner vers le législateur et/ou regarder ce qui a motivé une telle loi, ndla.


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