Ce dimanche à 3h20 du matin et alors que les rafales de vent montaient
en puissance, une patrouille de police du commissariat du Creusot croise
une moto Yamaha dont le passager arrière ne porte pas de casque. Le
contrôle ne s’est pas fait tout de suite pour des raisons qu’on va
comprendre aisément.
Les policiers activent donc leurs avertisseurs sonores et lumineux, se rapprochent de la moto, mais celle-ci accélère puis refuse la priorité dans un rond-point, prend à droite et manque de chuter, arrive rue général Leclerc. Pour éviter un accident, la patrouille se fait discrète, coupe ses avertisseurs et lâche la poursuite mais ne relâche pas sa recherche de la moto. Le contrôle se fait enfin, rue Puebla.
Alors ce contrôle...
Permis de conduire ? Y a pas. Assurance de la moto ? Y a pas. Carte grise à jour ? Y a pas. Alcool ? Y a, pour un peu plus d’1 gramme par litre de sang. Refus d’obtempérer ? Y a eu.
Le conducteur de la moto, la cinquantaine, vit au Creusot. Il est en état de récidive légale pour chaque infraction, la condamnation visée date de juin 2023. 70 jours-amende pour conduite sans permis et sans assurance et conduite sous l’emprise de drogue.
Une peine modérée qui entraîne une conséquence importante, à savoir l’état de récidive (lequel augmente la peine encourue ce jour) - mais qui n’est rien au regard de l’ensemble du casier judiciaire du prévenu.
Bonhomie et comportements erratiques
L’homme est jugé ce 25 novembre à l’audience des comparutions immédiates. Il offre un abord paisible, plutôt attendrissant, si, si. Le timbre de sa voix, son débit respectueux, son physique aux angles arrondis, aussi. Mais la bonhomie héberge un casier judiciaire « plutôt chargé » dira le procureur, et elle n’empêche nullement des comportements erratiques au regard des lois qui encadrent la vie en société, en témoignent les faits dont il doit répondre aujourd’hui.
Quand un véhicule n’est pas assuré, qui paie les dégâts lorsqu’il y en a ?
Le prévenu dit qu’il avait acheté la moto il y a un an « pour la retaper ». Alors, il avait presque terminé, il ne restait plus qu’à en changer... les pneus ! Allez, carrément. Les juges se relaient pour lui faire saisir son inconséquence.
« Qui court des risques, avec des pneus usagés ?
- Tout le monde.
- Et sans assurance, qui paie ?
- C’est moi ! » affirme le prévenu en posant sa main sur son torse. ERREUR, c’est pas lui.
Ceux qui paient les dégâts causés par des conducteurs qui n’assurent pas leurs véhicules, c’est tous ceux qui, eux, souscrivent des contrats et paient des assurances, car à chaque fois qu’un contrat est ouvert, une petite somme est prélevée et versée au Fonds de garantie des victimes* (lequel se retournera contre le condamné, hein, sinon c’est trop facile, ndla).
Marqué à la culotte par un juge de l’application des peines
Le prévenu est cuisinier. Il aime ce qu’il fait. Il multiplie les missions courtes, marqué à la culotte par un juge de l’application des peines qui l’empêche d’oublier ses obligations comme celle de payer les jours amendes de 2023 et le droit fixe de procédure de 337 euros au lieu de 127 euros (somme majorée quand les faits ont à voir avec la drogue). « Ça a été dur pour moi, mais j’ai la somme » affirme le prévenu, qui s’est engagé à tout régler avant fin décembre.
Echec d’une CRPC défèrement
Ce matin même, son avocat l’expliquera, cet homme est passé en CRPC défèrement. Un plaider-coupable dans la foulée de sa présentation au procureur de la République. Il y en a de plus en plus, depuis des années, pour lutter contre l’engorgement des dossiers. Le principe de la CRPC, défèrement ou pas, c’est que le prévenu doit accepter la peine qui lui est proposé.
Ce lundi matin le procureur demandait l’incarcération immédiate de ce monsieur. Il n’était pas d’accord, son dossier a ainsi été renvoyé à l’audience des comparutions immédiates. Fort de cette expérience, il explique aux juges : « Je mérite de la prison ferme, mais laissez-moi faire mon contrat de travail (une mission pour décembre). Si vous pouvez me laisser un laps de temps… C’est le mandat de dépôt qui me fait problème. »
Parquet et défense sont raccord
Le procureur en charge des audiences de ce lundi ne va pas le requérir. Il prend en compte « sa personnalité et sa situation sociale et personnelle », estime que « on peut aménager sa peine, mais c’est la peine de la dernière chance ». Le procureur demande une peine mixte et la peine de 2 mois pour le refus d’obtempérer, ça ferait en tout 6 mois ferme aménagés en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE).
Maître Grebot, une fois est bien loin d’être coutume, demande au tribunal de suivre les réquisitions.
8 mois aménagés en DDSE, confiscation du véhicule
Le tribunal dit le prévenu coupable, le condamne à la peine de 6 mois de prison et à 2 mois de prison pour le refus d’obtempérer. Cela fait 8 mois de prison ferme en tout, qui sont aménagés immédiatement en DDSE.
Le tribunal, en outre, lui fait interdiction de conduire tout véhicule pendant 6 mois et ordonne la confiscation de sa moto.
Il doit la remiser en lieu sûr, le service des Domaines la lui réclamera.
« Il n’est pas question, monsieur, qu’on vous revoit dessus ou que vous la vendiez en en tirant un profit. Dans le cas contraire, ça serait une infraction, avec les conséquences que cela entraînera. »
FSA
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