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> Faits Divers > En Saône-et-Loire
12/10/2023 23:45
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LE BREUIL : L’homme à la cagoule, qui trainait devant l’école, a été identifié par les Policiers... et relaxé par le tribunal

Il avait importuné une petite fille devant l’école où il passait souvent. Il a été confondu et interpellé. ACTUALISE : Son avocat a démonté l'accusation et obtenu la relaxe du prévenu.
L’affaire qui est jugée ce jeudi 12 octobre à l’audience des comparutions immédiates aura beaucoup inquiétée des parents dont les enfants sont scolarisés en écoles primaires et maternelles au Breuil. On comprendra aisément pourquoi à la lecture de l’article, mais il va falloir comprendre aussi pourquoi le prévenu a été relaxé.

Suivons l’exposé de la procédure d’enquête
La présidente Milvia Barbut relate un résumé, pour les juges assesseurs :
- Début octobre, un policier municipal du Breuil vient indiquer à la police nationale que le 5 octobre, une mère lui a dit que vers 18h20 elle a aperçu un homme au volant d’une citadine, roulant vitre baissée mais portant une cagoule, qui regardait aux abords d’une école.

- Le commissariat entend la mère qui répète ce qu’elle avait déjà dit.
- Les policiers font le lien avec des éléments en date du 18 septembre. Une fillette âgée de 7 ans a dit que sa mère l’avait déposée devant l’école à 13h30. L’école n’ouvre ses portes qu’à 13h50 mais la mère a un rendez-vous et s’en va. Un policier municipal est présent pour assurer l’arrivée des enfants.
-La fillette rapporte qu’elle a vu un homme cagoulé arriver, que voyant le policier il a ôté sa cagoule puis l’a remise ensuite. Il a traversé la rue pour venir vers elle. Il a mis ses bras de part et d’autre d’elle, sans la toucher et lui a dit : « Viens. » La petite répond : « Non. » Il aurait insisté : « Viens, sinon je te frappe. » Elle répète : « Non. » Il dit « OK » et il part. Il ne l’a pas appelée par son prénom, ne semble pas la connaître. Elle ne le connaît pas.
- Les policiers font alors un rapprochement avec des déclarations en date du 9 octobre : un père se souvient avoir vu un homme cagoulé au volant. Il voit à nouveau le véhicule quelques jours plus tard vers la poste, il le prend en photo.
- Dès lors la police a une immatriculation, remonte vers la propriétaire de la voiture : c’est la compagne du prévenu. Les deux sont placés en garde à vue.

« Je suis innocent, j’ai rien à voir avec ça »
Alors, évidemment, cette histoire de cagoule alimente la suspicion, et ça se comprend. Suspicion renforcée par l’attitude de monsieur – un homme né en 1993 - dont les déclarations évoluent lorsque les OPJ le confrontent à celles de sa compagne. « Quand je suis arrivé, on m’a directement accusé. J’ai perdu mes moyens. » Entendre par là qu’il essayait de se défendre de l’accusation.
A l'audience, il demande au tribunal de vérifier certains de ses dires en allant regarder la vidéosurveillance du drive où il s’est rendu (pour constater qu’il y portait la cagoule et une doudoune orange), « je suis innocent, j’ai rien à voir avec ça ». Il vit chez sa compagne, dans le
quartier de l’école.

Il vit aux franges
Faut dire que c’est pas rien d’être soupçonné d’avoir voulu enlever une enfant. Faut dire aussi que le mis en cause n’est pas limpide : il vit aux franges. Il conduit alors qu’il n’a pas de permis de conduire – « C’était pour aller au boulot. – C’est illégal, monsieur. » -, il consomme des produits stupéfiants – « Oui mais là je ne fume que le soir. – Ça reste illégal, monsieur. » -, et il porte une cagoule (tantôt roulée sur le front en bonnet, tantôt baissée sur le visage) au nom de sa frilosité, pile l’année où les températures d’été ont du mal à baisser.

« Un faisceau d’indices » et la peur qu’a manifestée l’enfant
Cela permet à maître Pépin qui intervient au pied levé pour les parents de la fillette de plaider « un faisceau d’indices » et la peur qu’a manifestée l’enfant. Cela permet à la substitut du procureur, outrée par le mode de vie délinquant du prévenu, de prendre la question sous cet angle : « Conduire avec une cagoule, c’est le meilleur moyen de se faire contrôler, surtout quand on n’a pas de permis, surtout quand on consomme des stupéfiants. »

Cet homme « n’en a rien à faire, de ses condamnations ! »
Pour le parquet, cet homme qui vit volontiers en dehors du cadre de la loi, qui a déjà été condamné pour des violences aggravées, pour violence en réunion, et pour conduite d’un scooter sous l’empire de la drogue, cet homme, donc, « n’en a rien à faire, de ses condamnations ! »  Estimant que « le commencement d’exécution » est caractérisé et qu’il ne s’est pas arrêté volontairement mais en raison du refus de la fillette, elle requiert la peine de 30 mois de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire, demande un mandat de dépôt pour les 24 mois de prison ferme.

« Ce dossier pue la peur, la crainte de la disparition d’enfants »
Suivons maintenant le déroulé de la plaidoirie du bâtonnier Damien Varlet qui attaque ainsi : « Ce dossier pue la peur, la crainte de la disparition d’enfants. »
L’avocat évoque le compte-rendu d’enquête qui dit : « Manière d’opérer : guette les enfants, tente de les aborder. Mobile : sexuel » Sexuel ? Rien ne permet de dire cela, « ce dossier n’est ni fait, ni à faire. Seul « un climat de psychose peut expliquer » de tels abus.
« Je ne comprends pas l’absence de doute sur l’audition de l’enfant. » Maître Varlet reprend la scène devant l’école. « A 13h30, il n’y a personne d’autre que cette enfant et ce policier municipal ? Personne, vraiment ? » Il décrit le manège de l’homme qui arrive cagoulé, retire sa cagoule à la vue d’un uniforme, puis la remet dès qu’il a dépassé le policier municipal. « Il est aveugle, ce policier ? »

Tout ne repose que sur la parole de l’enfant, selon la défense, et c’est insuffisant
Tout part donc de l’hypothèse que ce que dit l’enfant est « vrai », « mais cette parole vaut ce qu’elle vaut ». A aucun moment l’avocat ne dit qu’elle a menti. Il dit juste que partant de là « une enquête s’imposait », or :
- La petite dit que ses parents l’ont déposée en voiture, puis que c’est sa mère qui l’a emmenée à l’école, à pied (audition de l’oncle) : « On ne vérifie pas. »
- « Dans ce climat de psychose, tout le monde surveille tout le monde », aussi un policier va guetter les abords de l’école aux heures d’entrées et de sorties. « Résultat : zéro. »
- Un témoin vient dire qu’il a vu un homme cagoulé au volant, ça inquiète, c’est compréhensible, mais on entend le mis en cause et sa compagne, « et ça s’arrête là ».
- La perquisition n’apporte rien (sauf à trouver les deux cagoules dont le prévenu avait parlé)
- Pas d’audition des parents présents le lundi à l’école, « on n’a rien fait »
- Monsieur a donné le code de déverrouillage de son téléphone : « On n’a rien trouvé. »
« Moi, je ne suis pas directeur d’enquête, ni procureur. C’est scandaleux, cette manière de procéder ! » s’emporte l’avocat.

« Faire ça avec une cagoule à quelques mètres d’un policier… il faut avoir un pète au casque, non ? »
Le reste de la plaidoirie est à l’avenant. L’enfant dit que l’individu avait un œil au beurre noir. Le prévenu maintient qu’il n’en a jamais eu.
« Il travaille, donc on pouvait au moins interroger ses collègues de travail. Ce n’est pas fait. Et même le policier municipal n’a pas été auditionné ! »
Pas de tapissage non plus : on aurait pu soumettre des photos à l’enfant pour voir si elle reconnaissait l’individu.
« On écrit ‘mobile : sexuel’ et on ne demande pas d’expertise psychiatrique ? Parce que, faire ça avec une cagoule, à quelques mètres d’un policier… il faut avoir un pète au casque, non ? »

Conclusion : « Ce dossier, il est vide »
« Ça ne tient pas. On aurait pu s’en rendre compte avec un minimum de vérifications et on n’a rien fait. Ce dossier, il est vide. Il reste un comportement bizarre : il met une cagoule, un bonnet qu’on peut dérouler : quand on n’a pas de permis de conduire, ça peut être pratique de ne pas être identifiable. » (Là où la procureur disait l’inverse : c’est pas discret du tout d’être cagoulé ainsi, ndla)

Le bâtonnier a donc des doutes sur la réalité des faits, et même des doutes sur la qualification retenue (« La résistance, c’est pas de dire ‘Non’, c’est de crier, de hurler, de se débattre. Dire le contraire, c’est le top niveau en matière de contournement de la loi. »)
Bref, « il n’y a que des doutes, et le doute doit bénéficier au prévenu, c’est la loi. »
Décision du tribunal : Relaxe.
FSA

Lire notre premier article :
Voilà une affaire dont la source remonte au début du mois de septembre et qui a été traitée avec discrétion et efficacité par les Policiers du Creusot. Peu après la rentrée des classes, début septembre, une petite fille est abordé par un homme qui a une cagoule et qui lui demande de le suivre. On est aux abords de l’école du Breuil. La petite fille refuse. Elle dit tout à ses parents et elle est très très vite entendue par les Policiers qui prennent l’affaire très très au sérieux. Car l’homme s’est présenté le visage dissimulé par une cagoule et que de toute évidence la petite fille est d'une grande sincérité et n'a rien inventé.
Comme il ne s’agit pas de générer un climat de psychose, c’est une enquête discrète et efficace que les Policiers du Creusot vont mener. L’homme est vu à plusieurs reprises, non loin de l’école. Le plus souvent en voiture, mais parfois à pied. Jamais très longtemps. Les différents témoignages sont juste précis sur la couleur de la voiture.
Les choses et l’enquête se sont accélérées début octobre. Les Policiers, très discrètement, parviennent à identifier la voiture. Il est établi qu’elle appartient à une femme. Celle-ci est alors convoquée et elle explique aux Policiers que oui son compagnon met une cagoule, parfois même à la maison ! L’homme, qui est défavorablement connu de la Police et de la Justice, a été interpellé et a fait l’objet d’une procédure de garde-à-vue, avant sa présentation au parquet. A suivre…
A.B.