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24/05/2022 03:18
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TRIBUNAL : «Quand on fait croire à la victime que c’est de sa faute, eh bien c’est qu’on est un gros pervers»

C'est l'histoire d'un homme qui a exploré beaucoup de niveaux sur l'échelle des violences. Et ça n'est pas joli, joli... Les faits se sont déroulés dans la vallée du Mesvrin.
Un narcisse flamboyant se tient à la barre, ce lundi 23 mai. Tout est impeccable chez cet homme. Sa tenue, sa coupe de cheveux, ses pattes, ses bagues, sa ligne (sic) ! Tout, sauf son comportement envers sa femme.

A l’audience, il salit la mère de son fils, par tous moyens
Nous sommes à l’audience correctionnelle collégiale. La présidente Catala expose les faits pour ses assesseurs. Dès que le prévenu ouvre la bouche pour faire le récit de sa rencontre avec celle qui fut sa compagne pendant 10 ans, on est mal à l’aise. D’abord parce qu’il salit la mère de son fils, et de bon cœur, avec ça.

Tout y passe. En résumé, elle était « très fragile et sans un sou », dit-il, « moi j’ai de l’argent et je suis sensible à sa fragilité ». Il ajoutera plus tard que son argent fut sûrement attractif, il terminera l’audience en jouant la super victime, « j’ai tout perdu ». Il est intarissable. La présidente Catala le ramène aux faits dont il doit répondre.
« Je ne suis pas un homme violent. » Ça reste à voir. Il est poursuivi pour « violences habituelles » et envois réitérés de messages malveillants. Le tribunal a deux certificats médicaux et des descriptions de quelques scènes dont celle qui marque la fin de leur vie commune : madame dit que, comme il est déjà arrivé, il l’a sortie du lit et de son sommeil en la tirant par les cheveux, puis il l’a passée dehors. Fin de la vie commune.

« Il ne sait pas aimer, ce n’est que du narcissisme »
Ils se rencontrent via un site en 2005, vivent ensemble en 2007, en 2011 naît leur fils, un garçon qui présente des traits autistiques, en 2012 il se pacsent, et puis le 6 novembre 2015, ils se séparent, mais ce n’est pas fini. Des SMS prolongent l’atmosphère conjugale et le harcèlement. Le harcèlement, sur son poids.
Ah ça ! « Ton corps obèse », « toi et ton score » (score IMC, précise la présidente Catala), « il ne sera jamais obèse mon fils, j’y veillerai », « réfléchis, grosse vache », « merci la grosse », « pauvre dinde ».  Maître Serge Moundounga Ntsigou le plaidera ainsi : « Dix ans de vie commune et tout s’est bien passé, nonobstant qu’il y avait un problème, le problème de poids de madame.
On ne peut pas nier les paroles humiliantes, blessantes de monsieur, mais c’est une surréaction. » En face, maître Mathilde Leray, pour la victime : « Cette obsession du poids, ça pose problème. Il ne sait pas aimer, ce n’est que du narcissisme. Il a juste honte d’être avec elle. »

« Quand on fait croire à la victime que c’est de sa faute, eh bien c’est qu’on est un gros pervers »
Faut dire que c’est allé jusqu’aux insultes, en passant par des contraintes alimentaires, des obligations du style lui envoyer une photo de ce qu’affichait la balance quand il était en formation.
Il dit que c’est elle qui… « Quand on fait croire à la victime que c’est de sa faute, eh bien c’est qu’on est un gros pervers », rappelle l’avocate de la victime. « Sans moi tu ne serais rien », disait-il à sa compagne, lâchant à la barre un petit couplet qui a fait sourire dans la salle :
« Elle a vu en moi son mentor, elle a créé son propre effet pygmalion. » Ben voyons. Alors, à supposer que (mais vraiment à supposer, parce que c’est lui qui se met dans cette position insensée), ça fait quoi quand votre créature vous échappe ? Eh bien ça fait mal, mal à la victime. On ne relate pas tout mais Charles Prost, vice-procureur, résume ainsi : « Il a voulu détruire physiquement et psychologiquement madame. »

« Il s’alcoolisait le soir. Les accès violents, c’était le soir ou la nuit »
L’audience s’étire parce que ce monsieur, né en 1977 au Creusot, installé à Broye, ne cesse de contester ou de justifier et de jouer un spectacle insensé. Il en fait tellement que dans la salle, ça réagit. Et personne n’y croit. Il retourne tout. Il insulte, abaisse, humilie ?
« Je tombe dans le piège de la provocation. » Elle est victime de violences physiques, verbales, morales ? Il répondait à des invectives. Ah bon ? Et quand il la sort brutalement du lit alors qu’elle dort ? ... Là où son propre avocat maintient que d’être victime de violences « une fois par semaine », ça n’existe pas, en substance, puisque « quelle femme resterait ? » L’ex-compagne est là et témoigne :
« Il s’alcoolisait le soir. Les accès violents, c’était le soir ou la nuit, au moment où il se remettait à boire ». Un soir elle était allée dormir dans la chambre de leur fils, pour se protéger (sinon sa place était sur le canapé, parce que le lit, c’est lui qui l’avait « payé », donc c’était à lui). Il est venu quand même et l’a frappée en se servant de son propre poing à elle. Le petit avait les yeux écarquillés, son père s’est arrêté là.

« On vient d’assister au show de monsieur »
Juges et procureur interrogent le prévenu, mais. « Je ne faisais que répondre à ses agressions physiques », « je ne suis pas une personne méchante », « c’est une vilaine histoire qui s’est passée entre nous, c’est pour ça que je suis devant vous aujourd’hui ».
Mathilde Leray intervient : « On vient d’assister au show de monsieur. Il a pris l’audience, au point d’effacer la victime. Il s’est concentré sur une chose : décrédibiliser la victime, et retourner les choses contre elle. (…) Le seul problème, c’est lui. Aujourd’hui encore madame culpabilise, se sent mal dans sa peau. Le niveau de respect de monsieur est proche du néant. 
Madame voudrait une interdiction de contact. » L’audience nous apprend que le couple avait essayé une thérapie de couple, sauf que, sans surprise, il a arrêté au bout de deux séances. Pourquoi se remettre en question quand c’est l’autre qui a tort ? Madame a continué seule, elle a parlé de ce qu’elle subissait, la psychologue a témoigné de l’impact psychologique majeur de cette dévalorisation constante doublée de violences.

« Monsieur a un tempérament chaud »
Le prévenu n’a pas de casier. Il travaillait mais des problèmes physiques l’ont poussé à faire une demande du statut de travailleur handicapé (il dit qu’il ne peut pas rester trop debout, il a mal aux genoux, mais d’un autre côté il emmène son fils courir avec lui, question de poids, encore, ndla). Il perçoit à ce jour le RSA.
Le vice-procureur requiert, pour les violences physiques et morales (ITT de 21 jours, le médecin estime que les insultes et humiliations ont enkysté un traumatisme initial), la peine de 18 mois de prison assortis d’un sursis probatoire. « Monsieur a un tempérament chaud, plaide la défense. Mon propos, c’est de nuancer. » « Il serait intolérable d’entendre que si madame est restée, c’est qu’il n’y avait pas de violence » avait anticipé l’avocate de la victime.

« Comment on respecte son enfant quand on ne respecte pas sa mère en tant que personne ? »
On se permet d’ajouter que sur la question du poids, le prévenu a tenu à l’audience, croyant se défendre (?!), des propos particulièrement exécrables, misérables. Il a beau jeu de plaider ensuite sa « naïveté ».
« Je suis tombé dans le piège du siècle » : c’est l’argument phare des prédateurs, ils séduisent en général la femme qui suit en se plaignant abondamment de celle qui l’a précédée. C’est comme ça, c’est systématique. Alors que, rappelait la présidente Catala : 
« Dans un couple, ça se joue à deux. C’est une interaction entre deux personnes. »
On laisse le mot de la fin à maître Leray, parce qu’il fallait que ça soit dit : « Et comment on respecte son enfant quand on ne respecte pas sa mère en tant que personne ? »

2 ans sous main de justice et des indemnités à verser
Le tribunal déclare cet homme si soucieux des questions d’apparence physique, coupable, et le condamne à la peine de 12 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, avec les obligations de suivre des soins psychologiques, de payer les sommes dues au trésor public, et l’interdiction de tout contact avec la mère de son fils. Soulagement visible sur le visage de cette femme.
La prévention courait quand même du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2021. Prévention ramenée à une période plus courte : les faits antérieurs à 2015 sont prescrits.
Il devra verser à la victime des sommes pour son préjudice corporel, son préjudice moral et ses frais de défense. S’il ne payait pas, son ex-conjointe pourrait saisir le fonds de garantie qui se retournerait ensuite contre lui, avec une majoration de 30 %.
Florence Saint-Arroman