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> Faits Divers > Dans la Région du Creusot
21/12/2022 03:16
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MONTCHANIN - LE CREUSOT : «Vous avez tué quelqu’un et ça ne vous a pas servi de leçon» lui dit la présidente...

Quelle leçon ? Il ne roule plus jamais au volant d’une voiture. Il a fait une cure. Il s’est remis à boire. Quelle leçon, quand on est aux prises avec une telle addiction ?... C'est l'histoire d'un quinquagénaire, rongé par l'alcool, qui a comparu devant le tribunal de Chalon sur Saône...
Il fait peine à voir, cet homme âgé de 50 ans rongé par les effets de l’alcool et de la dépression. C’est fou comme ça dévaste, comme ça marque. Il porte un Duffle-coat bleu marine sur un pantalon en velours blanc. Ses cheveux sont courts, son visage un peu boursouflé aux yeux devenus des fentes, en est dégagé.

Taux d’alcoolémie énorme
Il se présente sans avocat devant le tribunal correctionnel (audience à juge unique) ce mardi 20 décembre. Le 3 mai dernier, des gendarmes l’ont contrôlé parce qu’il roulait sur son scooter sans avoir attaché son casque, sans porter les gants obligatoires. Il doit monter un rebord de trottoir, il tombe, un gendarme teste son alcoolémie : 2,64 grammes d’alcool par litre de sang, en phase ascendante de surcroît, et c’était le matin. Qu’est-ce qu’il tourne, pour mener cette vie-là ?


Le tableau est aussi clair que déchirant
Il avait bu du vin blanc et du whisky pendant la nuit et aussi le matin. « Ça fait quatre ans que je suis au chômage. » Il est au chômage et rien ne va plus. Dépression plutôt sévère, et donc il boit. Il n’avait plus de cigarettes ce matin-là, c’était dans ce contexte, une urgence.
« Il fallait vraiment prendre le scooter ? » lui demande la présidente Mavridorakis. « De toute façon, je ne peux plus le prendre : on me l’a volé », lui répond, à côté, certes, le prévenu rivé sur sa propre dégringolade.

Des conditions de vie ?
Il vivote avec 500 euros mensuels, sur lesquels il doit payer un loyer résiduel de 130 euros. Dans de telles conditions, toute perte matérielle est définitive.
« Je me suis fait voler mes gants, je n’ai pas les moyens d’en racheter d'autres. » Dans de telles conditions, les achats de toxiques, alcool et cigarettes, sont prioritaires, parce que sans doute la descente est moins douloureuse, même si en réalité ça l’aggrave. Inutile d’en appeler à la raison, un homme qui se débat parce qu’il sombre ne dispose pas de toutes ses ressources.

Un drame, il y a une vingtaine d’années
D’autant que les siennes se sont usées au fil du temps. Il avait fait une cure de sevrage « il y a une vingtaine d'années ». Pourquoi ? Parce qu’il buvait déjà et qu’il avait commis un homicide involontaire au volant, sous l’empire de l’alcool. La condamnation judiciaire est réhabilitée de plein droit, mais lui, il n’a jamais repassé son permis, « à cause de l’accident ».
Et puis il s’est remis à boire, et puis il dit suivre des soins chez un médecin addictologue depuis 4 mois. Sauf qu’il voit le médecin une fois par mois… une fois par mois !... Le médecin lui prescrit du Seresta, alors il prend du Seresta. Et est-ce que ça va mieux ? Le tribunal ne lui pose pas la question.

Quelle leçon ?
« Vous avez tué quelqu’un et ça ne vous a pas servi de leçon » lui dit la présidente. Quelle leçon ? Il ne roule plus jamais au volant d’une voiture. Il a fait une cure. Il s’est remis à boire. Quelle leçon, quand on est aux prises avec une telle addiction ?
Quelle leçon, quand, crevant sous la charge dépressive, se ruinant jour et nuit, appréhendant de devoir de nouveau comparaître, on va demander de l’aide, et que l’aide c’est une ordonnance de Seresta ? Il y a un vrai problème de santé. On manque de médecins, on manque de psys dans les CMP, alors on médicamente et ça change quoi ?

« Un manque d’investissement lié sans doute à sa dépression »
Charles Prost, vice-procureur, regrette que le prévenu n’ait pas apporté de documents prouvant son suivi, relève « un manque d’investissement lié sans doute à sa dépression ».
Il requiert la peine de 1 an de prison assorti d’un sursis probatoire pendant 2 ans, obligation de soins en addictologie et deux amendes de 150 et 100 euros.

2 ans sous main de justice, 302 euros d’amendes et de droits de procédure
Le tribunal déclare ce malheureux, coupable, et le condamne à la peine de 9 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec une obligation de soins. Deux amendes de 100 et 75 euros. Le tribunal voulait les assortir d’un sursis mais ça n’est pas possible.
Donc 175 euros d’amende et en sus les frais obligatoires de procédure* (si on les paie dans le mois, le trésor public vous fait une ristourne de 20%, mais lui il n’a pas les moyens, clairement, de s’acquitter de tout dans les 30 jours, aussi la juge lui conseille-t-elle de demander un échelonnement.)
« Le tribunal a minoré les montants des amendes, tenant compte de votre situation précaire. » « Précaire » est un euphémisme : quand on vivote avec 470 euros par mois, on est pauvre.
FSA

*https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006163022/