Recherche
Pour nous joindre
alain.bollery@orange.fr
SMS au 06.98.82.18.88
Pour votre publicité sur
Creusot-infos, un seul numéro
06 62 80 46 68
> Faits Divers > Dans la Région du Creusot
12/04/2022 07:50
5135 lectures

MONTCHANIN - LE CREUSOT : S'il est violent, c'est la faute des autres... Ah bon ?

« C’est beaucoup de la faute des autres, monsieur. Ça vous arrive de vous remettre en question ? »  Mais monsieur semble être resté collé à sa mère depuis sa naissance, en 1975. Incarcéré dans une drôle d’histoire, pas drôle. Le tribunal l'a condamné à rester derrière les barreaux.
Il a 47 ans, en paraît bien plus, sa mère en a 78, elle n’est pas venue à l’audience. Voilà un dossier dramatique. Ce vieux fils n’a jamais vécu ailleurs que chez ses parents. Son père est mort il y a deux ans. Il paraît que ça a aggravé l’état du prévenu. Cela dit, tout semble aggraver son état : le fait qu’il ne travaille plus (« Il me faudrait faire quelque chose de mes journées. Sortir, avoir un but »), le fait qu’il boit (« On m’a dit que je bois par ennui et par solitude »), le fait qu’il dit être seul à s’occuper de sa mère (« Elle ment beaucoup, au point que mes sœurs lui ont tourné le dos »). Mais ce n’est pas tout.


« On n’arrête pas de me mettre des bâtons dans les roues ! »
« J’arrive plus à me nourrir, j’ai rien à faire. Il y a tout un ensemble de choses qui font que ma vie est compliquée. » Il ne travaille donc plus depuis 8 ou 10 ans. Il souffre déjà d’une cirrhose et d’une pancréatite aigüe. Célibataire, sans enfants, il perçoit le RSA.
« Avant que son père décède, il faisait la manche dans Montchanin, et il allait dans les bois. »
Il était placé sous curatelle. En octobre 2021 il passe sous le régime de la tutelle. Il le vit mal. Il est toujours dans le déni de son alcoolisme, rapporte sa tutrice à qui il rend la relation difficile, sans compter son refus de soins.  
Le mois suivant il est hospitalisé sous contrainte à Val Dracy, avec « un syndrome dépressif », « une agressivité familiale », et ses pathologies somatiques graves. « On n’arrête pas de me mettre des bâtons dans les roues ! Comment avoir le moral ? C’est pas possible ! »

Des bouteilles, des bouteilles
Le 14 février dernier il accompagne sa mère faire des courses en grande surface. Il s’enfile des bouteilles de rosé-pamplemousse. Des bouteilles, oui, jusqu’à 5. Avec ça dans le sang, il s’est énervé le lendemain dès l’aube contre sa vieille mère, « ce dont elle a malheureusement l’habitude » dit Angélique Depetris, substitut du procureur, puis il balance couette et oreillers de sa maman.
Bon, il fait du barouf et pour finir lui serre le bras, bien trop fort. Elle se réfugie dans la salle de bain et fait le 15. Il est 6 heures du matin. Un médecin fixera une ITT de 8 jours.

Il a refusé tout ce qu’on lui proposait
Lui, il est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de contact avec la victime. « Oui, oui, j’étais à la rue, c’était pas simple. » La justice avait ordonné que son contrôle judiciaire soit assuré par l’association enquête et médiation (AEM) qui bien sûr lui a proposé des hébergements d’urgence.
Il a tout refusé. Bref, le 20 mars, sa mère appelle les gendarmes qui trouvent le prévenu « très alcoolisé », amorphe sur un canapé, et « très faible physiquement ». Il a le plus grand mal à se nourrir depuis environ 1 an. Le contrôle judiciaire est révoqué, il est placé en détention provisoire.

« Je me suis fait avoir de tous les côtés, dans la vie. C’est pas possible ! »
Ah ça, pour se faire avoir, c’est sûr, mais ce n’est pas le propos au tribunal. La substitut du procureur estime qu’il ment, qu’il réécrit l’histoire, qu’il avait eu une amende (avec sursis) pour avoir usé de sa force contre son père (lui saisissant le poignet violemment).
« Je suis inquiète pour le devenir de cette famille. » Elle requiert une peine de 8 mois de prison dont 4 mois sont assortis d’un sursis probatoire de 2 ans.
Lui, le menton posé dans le creux de sa main, la regarde. Il a le teint cireux des gens très malades, les cheveux blancs et gris, une barbe à l’avenant. La procureur demande une interdiction de paraître au domicile de sa mère, et son maintien en détention, « quelques semaines, ne serait-ce que pour trouver une solution d’hébergement ». Le prévenu plonge sa tête entre ses mains, le visage subitement déchiré, souffrant. Il pleure.

« On a un trouble psychiatrique avéré : la dysthymie »
Maître Diry estime que « la matérialité des faits a pu lui échapper », que cet homme-là dans cet état-là n’a pas nécessairement un niveau de conscience bien clair, d’autant moins que sa mère n’est pas non plus toujours claire. « On a un trouble psychiatrique avéré : la dysthymie. C’est un « trouble sérieux de l’humeur », sur fond de dépression et de chagrin. Et l’expert psychiatre ne parle pas d’altération du discernement alors que monsieur est placé sous le régime de protection le plus fort ? »
L’avocat évoque l’incarcération requise qui « prend la forme d’un sas sanitaire, ce qu’aucun texte ne prévoit » (mais ça arrive plus souvent qu’on ne le croit, vu le nombre de gens sans abri ou sans possibilité d’hébergement ailleurs que chez eux, dans les cas de violences, par exemple).
Le prévenu a la parole en dernier, c’est comme remettre une pièce dans le juke-box. « Je n’ai pas frappé mon père, c’est mensonger. Je ne réécris pas l’histoire, j’ai toujours été honnête et franc. Moi, je demande une justice, c’est tout. »

4 mois ferme avec maintien en détention puis un suivi renforcé
Le tribunal déclare cet homme coupable d’avoir exercé des violences sur sa mère, le condamne à la peine de 8 mois dont 4 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans.
« Renforcé », ça signifie qu’il intégrera le dispositif d’accompagnement individuel renforcé (AIR) parce qu’il a tout un chemin d’insertion à faire, et puis des soins à suivre (addicto et psycho). Il a l’interdiction de paraître au domicile de sa mère, mais pas l’interdiction de tout contact. L’a-t-il compris ? Il est maintenu en détention pour les 4 mois ferme.
La présidente Verger observait : « C’est beaucoup de la faute des autres, monsieur. Ça vous arrive de vous remettre en question ? » Le peut-il seulement, désormais ? Peut-être. Mais il reviendrait de bien loin.
Florence Saint-Arroman