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> Faits Divers > Dans la Région du Creusot
25/02/2022 03:17
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MONTCHANIN : Condamné à de la prison ferme pour avoir voulu se faire tuer par les gendarmes

Dans la nuit du 17 au 18 décembre, un Montchaninois, sous l'emprise de la cocaïne, défavorablement connu de la justice, comme de la gendarmerie, avait attiré les militaires pour les provoquer et, de toute évidence, se faire tuer... Mais personne n'était dupe. La justice est passée et il a été condamné.
Voulait-il en finir ? La question se pose puisque cet homme, né en 1982, domicilié à Montchanin, a littéralement convoqué autour de lui, dans la nuit du 17 au 18 décembre 2021, des gendarmes des brigades de Montchanin puis du Creusot, puis du PSIG, et leur a fait vivre une tension extrême.  Un gendarme avait fini par ouvrir le feu.
A l’audience des comparutions immédiates de ce jeudi 24 février, on juge un homme placé en détention provisoire depuis le 21 janvier 2022, depuis qu’il est sorti de l’hôpital. En effet, le 18 décembre vers 1 heure du matin, il avait pris une balle dans le poumon. « Un tir professionnel », dira maître Varlet qui défend le prévenu. C’est une histoire folle qui a conduit le prévenu à ce feu d’artifice qu’il aurait voulu final et qui ne le fut pas parce que le gendarme qui a tiré, sait tirer.


Il a passé 12 à 13 années de sa vie en prison
Steeve (c’est son prénom) voit le jour au Creusot. Jeune, il verse dans la drogue. L’héroïne. Il le porte d’ailleurs sur lui, il a les pommettes creuses et le teint cireux des stupeux.
Pourtant il s’est sevré en 2006, il est depuis sous méthadone. Il pose problème assez tôt, et les gendarmes le connaissent, forcément. 13 mentions à son casier : dégradation par moyen dangereux (le feu), usage de stups, viol sur mineure (10 ans de réclusion criminelle et 3 ans de suivi socio-judiciaire) en 2009, en 2017 violence avec arme.

L’origine de sa mise en scène fin décembre 2021 remonte à 2019
En septembre 2019, un drame. Il est dans les rues de Montchanin, des gendarmes veulent procéder à son contrôle. « Il refuse d’obtempérer à l’injonction de sortir les mains de ses poches. Et quand il sort une main, deux balles sont tirées. Il en prend une dans l’abdomen, une dans le thorax », raconte son avocat. Il est désormais handicapé à plus de 80 %.
D’ailleurs il est entré dans le box appuyé sur deux béquilles. Il dépose plainte contre le gendarme qui avait tiré : il voudrait, il le dit à l’audience, être reconnu comme victime. Sans nouvelles de sa plainte, il saisit un avocat. Damien Varlet écrit au parquet. Mails, télécopies, LRAR, il fait cinq écrits. Le parquet ne répond pas. Pendant 5 à 7 mois, Steeve est suspendu, il attend. « Il souffre et il rumine. »

Le parquet de Chalon ne répond même pas à l’avocat
« En décembre 2021, explique maître Varlet, il obtient sa réponse judiciaire par la presse. » Un journaliste avait téléphoné chez la mère du prévenu et leur apprend que la plainte est classée sans suite. « Dans ce contexte-là, on peut se sentir comme un moins que rien. »
La plainte a été classée sans suite le 2 octobre 2020 !... Le prévenu l’apprend par un tiers étranger à la procédure mi-décembre 2021. Et, 4 jours après les faits, le parquet donne sa réponse. L’avocat parle de « beaucoup, beaucoup, de légèreté ». C’est un euphémisme. La substitut du procureur, présente, « pour ce que ça vaut » et « au nom du parquet », des excuses, pendant l’audience, au prévenu pour ce silence radio et l’absence totale de considération qui l’accompagne.

Sous cocaïne, vêtu d’un treillis et chargé d’une panoplie
« Ce contexte n’excuse en rien le comportement de monsieur » précise son avocat. Mais il éclaire les conditions dans lesquelles Steeve est alors allé acheter de la cocaïne, s’est vêtu d’un treillis, d’un haut sombre portant le drapeau français, un écusson « GIGN ».
Il a pris des menottes (sic), une matraque, et un pistolet airsoft, « une arme non létale ». C’est chargé de cette panoplie et sous l’effet de la drogue qu’il appelle les forces de l’ordre pour signaler une rixe dans Montchanin.

Il cible les gendarmes avec son rayon laser rouge
Les premiers gendarmes arrivent. Il n’y a aucune rixe mais un homme, arme au poing, qui les attendait. On demande des renforts. Deux gendarmes du Creusot arrivent. Le faux pistolet (qui ressemble en tous points à un vrai) est doté d’un laser sous le canon.
Steeve braque son arme sur les gendarmes, les cible de son laser rouge. A la tête. Tentatives d’apaisement et manœuvres se succèdent, au milieu de la nuit. Le forcené tient des propos incohérents mais aussi jusqu’au boutistes. S’il est suicidaire, c’est no limit. Les militaires n’ont pas d’équipement de protections complet (seul le PSIG en a), ils n’ont que le gilet lourd.

« 30 minutes de négociations, et pendant ce temps on est tous pointés »
Le plus âgé d’entre eux (33 ans) se positionne devant. Deux autres sont derrière. Cinq gendarmes se constituent parties civiles pour ces violences avec préméditation ou guet-apens. « 30 minutes de négociations, et pendant ce temps on est tous pointés.
C’est la nuit, le laser rouge nous stresse. Oui, ça fait peur. » Plusieurs sommations, mais Steeve ne désarme pas. Il braque le gendarme qui est devant, positionne le point rouge du laser sur son front. Dernière sommation, il fait feu. Steeve est neutralisé, on s’aperçoit que son arme était factice. Un gendarme formé au secourisme s’occupe du blessé. Fin de la scène.

« Quand on porte l’uniforme de gendarme, la fuite n’est pas une option »
Les conséquences sur chacun des intervenants sont nombreuses. Les gendarmes ont des jours d’ITT pour préjudice psychologique, celui qui a tiré en a 30, et fait l’objet d’une procédure. Il est placé en garde à vue pour tentative de meurtre (sans suite, ndla).
La présidente Catala lui laisse la parole mais l’émotion prend le dessus. Il paie cher d’avoir tiré sur un homme qui le braquait avec une arme qui s’est révélée être factice.
« La reprise (du travail) a été un peu compliquée. » Pourtant, comme l’a plaidé maître Sophie Littner, « quand on porte l’uniforme de gendarme, la fuite n’est pas une option. Les cinq gendarmes ont connu une situation de stress extrême cette nuit-là ». Elle demande au tribunal que le prévenu soit interdit de paraître à Montchanin : deux tirs, ça suffit, il n’en faut pas de troisième.

« Traits de caractère pervers » : il a poussé les gendarmes à faire usage de leurs armes »
Clémence Perreau, substitut du procureur, rappelle comment le prévenu a joué avec les nerfs des gendarmes, comment il faisait du bruit en manœuvrant la culasse de son arme, comment il les mettait en joue, comment ils ont dû supporter d’avoir un laser rouge pointé sur leurs fronts, comment ils ont fait face à un homme qui ne se maîtrisait pas complètement et menaçait de péter les plombs.
L’expert psychiatre a parlé de troubles dépressifs et aussi de « traits de caractère pervers » par lesquels il a décidé de pousser les gendarmes à faire usage de leurs armes. « Vous jugez un homme qui a voulu mourir, par un passage à l’acte suicidaire particulier » répond maître Varlet, « son intention n’était pas de tuer un gendarme, mais d’être tué par lui. »

… « que cette commune puisse vivre en paix »
La procureur demande une peine mixte : 30 mois de prison dont 18 mois seraient assortis d’un sursis probatoire de 3 ans, et une interdiction de paraître à Montchanin pendant 5 ans, « il est indispensable que cette commune puisse vivre en paix ».
La commune et sa famille, sans doute, car il est dit plusieurs fois à l’audience que le prévenu entretient une relation compliquée et pas paisible du tout avec sa mère, au point que le rapport de son suivi-socio judiciaire en parlait, « 11 mois avant les faits » observe la présidente. « Problématique constante avec sa famille, alterne les phases de crises et d’apaisement avec sa mère : facteurs de possibilité de passage à l’acte. »
L’expert psychiatre a conclu à l’altération du discernement du prévenu, en raison d’une position « manifestement dépressive depuis 2 ans ».
Le médecin fut mal accueilli, et le prévenu a rapidement mis fin à l’entretien. « Ils auraient mieux fait de faire plus de recherches quand j’ai pris une balle il y a 2 ans. On a appris par un journaliste que le procureur avait classé sans suite. Vous trouvez ça normal ? »
Puis il a pleuré. « La justice, je l’attendais avant, c’est pas maintenant que ça changera quelque chose. » Incarcéré à Dijon, il est dans une unité de soins. La présidente Catala au prévenu : « Pourquoi cette rancœur, monsieur ? Vous vouliez la faire payer à la gendarmerie ? » Lui : « Un peu, quand même. »

« Vous avez pas eu le choix, je vous ai forcé »
La perquisition à son domicile a permis de trouver de nombreuses armes : flèches, arbalète, fusils, des répliques, etc. Il admirait les gendarmes, il aurait voulu faire partie de ce corps…  Sa mère a dit qu’avant les faits, son état psychique se dégradait.
Il a pris la cocaïne, il a eu des idées noires, il a ruminé les faits de 2019 et le classement sans suite qu’on ne prend pas la peine de lui communiquer, il a ruminé son handicap, et il a attiré les gendarmes sous un faux prétexte, en pleine nuit, devant l’église de Montchanin.
Voilà comment s’est monté son spectacle. Il a la parole en dernier. Il tourne la tête et s’adresse au gendarme qui a ouvert le feu : « Vous avez pas eu le choix, je vous ai forcé. Vous avez pas eu le choix, vous avez fait votre travail ! »

Décision
Le tribunal déclare Steeve coupable, retient l’altération du discernement, ce qui entraîne une réduction d’un tiers de la peine encourue (en l’occurrence, il encourt 10 ans x 2, à cause de l’état de récidive légale qui double la peine encourue), le condamne à la peine de 36 mois de prison dont 18 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 3 ans. Obligation de soins (addicto et psychologiques ou psychiatriques), indemniser les parties civiles. Interdiction de paraître en Saône-et-Loire. Le tribunal ordonne son maintien en détention pour la partie ferme : 1 an ½.
Florence Saint-Arroman

Notre article du 20 décembre :
C’est l’enquête effectuée sous le contrôle du parquet de Chalon sur Saône qui devra déterminer les circonstances exactes de ce qui a conduit, dans la nuit de vendredi à samedi, à voir un gendarme de la communauté de brigades de Montchanin et du Creusot faire usage de son arme et blesser un homme, place Salengro, à Montchanin. L’homme, un Montchaninois défavorablement connu et adepte des provocations, a été transporté à l’Hôpital de Chalon sur Saône. Ses jours ne sont pas en danger. Selon les premières informations portées à notre connaissance, l’homme n’aurait pas répondu et ne se serait pas soumis aux sommations, avant que le militaire fasse usage de son arme. 
Une enquête a été ouverte et selon la procédure dans ce genre de circonstances, le gendarme fait l’objet d’une procédure de garde à vue pour les besoins de l’enquête, avec des relevés effectués sur place par la cellule d’identification criminelle,  La gendarmerie comme le parquet n’ont pas souhaité communiquer.
Reste que la personnalité de la victime interpelle. En effet l'homme blessé par balle dans la nuit de vendredi à samedi, l'avait déjà été, par un gendarme, au début du mois de septembre 2019, dans le quartier de la gare. Il avait alors été établi que le militaire avait respecté tous les protocoles jusqu'à être obligé de faire usage de son arme, alos qu'il se trouvait sous la menace. L'enquête avait démontré que le protagoniste avait simulé être en possession d'une arme et avait ainsi par pure provocation. Ce dont il est coutumier du fait. Il est en effet connu pour être un homme à problèmes.
Nous nous garderons bien d'imaginer un quelconque scénario quant aux faits qui ont conduit un militaire, dans la nuit de vendredi à samedi, à faire usage de son arme contre cet individu. Si ce n'est pour préciser que toutes les procédures ont été respectées. C'est la section de recherche de la Gendarmerie de Dijon qui est en charge de l'enquête.
Concernant la garde-à-vue du gendarme auteur du coup de feu, les investigations ont été rapides, puisque dès samedi soir, la garde-à-vue du gendarme a été levée.
Concernant le blessé, il est toujours hospitalisé. Selon les dernières informations portées à la connaissance de creusot-infos, ce n'est finalement pas à l'abdomen, mais dans le bas du thoras qu'il a été blessé, sans que ses jours ne soient mis en danger. La balle a traversé le bas de son poumon. Il doit évidemment être entendu par les enquêteurs de la SR, sous le contrôle du parquet de Chalon sur Saône.