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> Faits Divers > Dans la Région du Creusot
07/04/2023 03:18
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LE CREUSOT - MONTCHANIN : Ils avaient choisi le parking de l'Intermarché, pour être tranquille, pour dealer... Mais les gendarmes sont passés par là !

Claude* était venu de Roanne acheter 15 grammes d’héroïne à un fournisseur du Creusot. Rendez-vous à Montchanin, sur le parking d’Intermarché, le 1er avril. Las, une patrouille de gendarmes les a vus et ce n'était pas un poisson. Contrôle et bingo !
Le conducteur n’a qu’un permis de conduite algérien, le véhicule est au nom d’une femme, n’est pas assuré. Tout se gâte quand Claude crache le morceau.
Sacré Claude, il dit tout ! Il sera d’ailleurs jugé en CRPC en fin d’année. Il connaît le conducteur depuis 1 an, lui a acheté plusieurs fois de la drogue, là début avril sur Roanne il n’y avait plus rien du coup appel au Creusot, rendez-vous à Montchanin. Outch.

Des pochons de drogue dans la voiture, de l’argent en espèces au domicile
A l’appui des dires de Claude, on trouve : dans une boîte à fusibles, dans la voiture, une trentaine de pochons d’héroïne et de cocaïne ; au domicile, cachés en divers endroits, 2680 euros en espèces et deux téléphones neufs. Or le mis en cause, âgé de 27 ans, est arrivé en France en 2017, « j’ai suivi ma femme », n’a pas fait régulariser sa situation administrative, ne travaille pas, dit n’avoir même pas trouvé au black. Alors d’où vient l’argent ?


Revirement complet du prévenu
En garde à vue, il reconnaît tout. L’agent, « c’est le bénéfice de mon trafic de drogue. Je ne vends pas tous les jours. C’est pour vivre. » Bon. A l’audience de comparution immédiate, ce 5 avril, il nie tout. Pas bon. Son père lui a donné des sous, au bled, il y a peu.
Son avocat, le bâtonnier Damien Varlet, imputera ce revirement à l’intrusion rapide d’un homme qui, du fond de la salle, a parlé, en arabe, au prévenu.
Rapidos, parce que la présidente Catala a eu vite fait elle aussi de lui demander de se taire. Qu’a dit cet homme ? Le bâtonnier ne le sait pas, mais peut-être lui a-t-il intimé de se taire désormais.

« Alors, vous, quand vous paniquez, vous vous accusez d’un trafic de drogue ? »
« Je ne comprends pas bien le français, madame. Juste vite fait, tu vois. Je suis juste une victime, c’est pas moi. » La présidente Catala en a vu d’autres :
« Alors, vous, quand vous paniquez, vous vous accusez d’un trafic de drogue ? Comment vous expliquez d’avoir reconnu en garde à vue et de contester maintenant ? »

 « Il n’a pas de travail, le risque de récidive est maximal »
En Algérie, il fut marin pêcheur. En France, il est en galère, plaidera Damien Varlet. Alexandre Marey, substitut du procureur, est lui aussi surpris de la volte-face à l’audience du prévenu mais qu’importe, les infractions sont constituées (défaut de permis et d’assurance), quant au trafic n’en parlons pas, entre les pochons, les messages trouvés dans le téléphone, les dénonciations de ce cher Claude et de la femme au nom duquel est la voiture…
« Il n’a pas de travail, le risque de récidive est maximal. En garde à vue, il a dit gagner entre 1500 et 2000 euros par mois. » Le magistrat requiert la peine de 24 mois de prison avec maintien en détention, et une ITF de 5 ans. Echanges de regards inquiets entre le prévenu et sa femme. Leur bébé est dans les bras d’un ami, dans le hall du palais.

« Quel projet de réinsertion bâtir quand on n’a pas de papiers ? »
« Il a dit quelque chose de sensé, il a dit ‘je suis victime’, commence le bâtonnier. Il est peut-être victime de plus gros et de plus dangereux que lui. »
Maître Varlet fait modifier la période de prévention qui pour le trafic court d’avril 2021 à avril 2023, or les premiers messages remontent au 18 octobre 2022 et le fameux Claude n’est convoqué devant le procureur que pour usage de stups le 1er avril.
Comment poursuivre le vendeur sur 2 ans dans ces conditions ?
La présidente a relevé 35 messages relatifs à des demandes de drogue émanant de dix clients, pendant le seul temps de la garde à vue. « C’est qu’il avait le téléphone de permanence », dit l’avocat.
Quant au train de vie : « vie de galère, pas de papiers, seul patrimoine, une Mégane achetée 1800 euros qui n’est même pas à son nom ». Il demande au tribunal de réduire le quantum de prison. « Quel projet de réinsertion bâtir quand on n’a pas de papiers ? »

« Si vous me donnez une autre chance, je ferai plus ça »
« J’ai ma petite fille et j’ai ma femme. Si vous me donnez une autre chance, je ferai plus ça. C’est fini, et puis voilà » conclut le prévenu en reconnaissant de nouveau les faits.
« Il a un discours tellement confus que je ne suis pas sûr qu’il ait conscience de tout ce qu’il dit » remarquait à propos son avocat.

20 mois, 10 ans d’ITF
Le tribunal relaxe le prévenu pour la période allant du 1er avril 2021 à octobre 2022, le déclare coupable du surplus, le condamne à la peine de 20 mois de prison avec maintien en détention et à une interdiction du territoire français (ITF) de 10 ans.
Dans le hall un magnifique bébé âgé d’environ 6 mois, inconscient de ce qui se joue là et qui pourtant détermine sa vie, une fois de plus.
Florence Saint-Arroman
*prénom modifié