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> Faits Divers > Au Creusot
28/05/2021 03:14
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TRIBUNAL : Une première... Un Creusotin, originaire des Antilles, comparait menotté, parce que...

Le garçon de 25 ans est très violent. Il a frappé sa mère et très violemment deux hommes, avec 21 jours d'ITT pour l'un d'eux.
Le président demande aux policiers de désentraver le prévenu. Le chef de l’escorte prend la parole : « Monsieur le président, le problème c’est qu’il est instable émotionnellement, et je n’y suis pas favorable. Mais si vous l’ordonnez… » Le prévenu est un jeune homme âgé de 25 ans, immense, longiligne, au corps qu’on devine souple et nerveux, et au regard inquiétant. On dirait qu’il vous fixe avec le blanc de ses yeux.
Aline Saenz-Cobo, vice-procureur, considère que « la sécurité des escortes passe avant toute chose, et que si on estime qu’il y a un risque avéré, alors… ». Le tribunal, après un bref conciliabule, demande que le prévenu reste menotté. C’est la première que nous assistons à cela : un homme comparaît les mains menottées dans le dos. L’audience éclairera un peu ce « instable émotionnellement » qui a vraisemblablement tout d’un euphémisme.


Violences sur deux hommes, l’un a 21 jours d’ITT
Audience des comparutions immédiates, ce jeudi 27 mai. Le prévenu est poursuivi pour des violences sur deux hommes. L’un d’eux a 21 jours d’ITT. Cela s’est passé au Creusot, il y a 5 jours. La mère du prévenu y vit, dans un foyer, il était allé la visiter. Pour le reste il dit résider à Chalon-sur-Saône, chez sa sœur. Ce jour-là sa mère n’avait pas les clés pour entrer chez elle, du coup elle a attendu chez deux messieurs le retour de son fils. Mais celui-ci « n’apprécie pas que sa mère se trouve là, et il y a eu une altercation », expose le président Dufour pour les juges assesseurs. Les victimes ne sont pas à l’audience.

Il récuse son avocate, « elle n’a pas vu ce qui s’est passé » le 22 mai
Comme le droit l’exige, le président demande au prévenu s’il accepte d’être jugé tout de suite ou s’il veut un délai pour préparer sa défense. « En vrai, je veux avoir un délai, mais la façon que vous me dites que c’est le tribunal qui va décider… Le problème pour ce qui s’est passé là, c’est que je suis en état de légitime défense. Moi je veux être jugé plus tard, car j’ai un témoin, ma mère, et je veux un avocat. » Le président lui fait remarquer qu’il en a un. « Oui, mais il est commis d’office, et le problème c’est qu’elle n’a pas vu ce qui s’est passé. » Léger geste d’impuissance de maître Leray qui en effet n’était pas sur les lieux des faits, le 22 mai. Il aura un délai, donc, il tient au témoignage de sa mère.

Le prévenu n’est pas branché sur la même fréquence que le tribunal
Le jeune homme est né en Guadeloupe en 1995. Il y a vécu, dit-il, jusqu’à ses 20 ans. L’enquête sociale rapide obligatoire avant jugement n’a pas pu se faire, « en raison de son état ». « Non, j’ai pas eu cette dame au téléphone. Elle s’est peut-être trompée de numéro. - Vous étiez en garde à vue ! - J’ai eu personne au téléphone, et je veux vous dire que mon téléphone était dans ma fouille. » Le chef de poste au commissariat dispose d’un téléphone portable que l’on passe au gardé à vue pour qu’il réponde à la personne chargée de l’enquête sociale, mais le prévenu n’est pas branché sur la même fréquence que le tribunal, au minimum.

Quelques condamnations, pas légitimes, dit-il
A son casier une seule condamnation, pour un vol avec violence et menaces de mort, mais d’autres vont arriver : deux usages de stups, et une désertion en temps de paix, jugée à Cayenne en mars dernier. « C’est juste qu’ils ont cru que j’avais pas fait ma rupture de contrat, mais ça a été fait », dit-il. « En attendant vous êtes condamné, et cela vous sera signifié bientôt », répond le président. Le jeune homme porte ses cheveux noirs nattés un peu épais et qui tombent sur ses épaules. Il prend des stupéfiants et de l’alcool, reste flou, « ça dépend dans quelles conditions », « si c’est pour décompresser je bois une bouteille ».

Le psy le dit impulsif, il explique qu’il est « toujours calme, toujours positif »
Sa situation pénale : il est sorti de prison en février dernier, et depuis il est en sursis probatoire. « C’est-à-dire ? » demande le jeune homme. Le président lui explique qu’il a été condamné à 2 ans de sursis probatoire. « Nooooon, à deux mois ! » Le président réexplique : une partie de prison ferme puis 2 ans de sursis probatoire avec deux mois de prison au-dessus de la tête. « Non ! C’est pas ça ! » On passe.
Sa santé mentale : il a vu un expert psychiatre ce matin. « Il présente une réticence et un ressenti d’injustice », « il ne comprend pas ce qu’on lui reproche, n’exprime en conséquence ni regrets, ni culpabilité ». « Traits d’impulsivité, antisocial », mais il est « responsable pénalement » et « son état apparent est compatible avec la détention ».
« Monsieur, le psychiatre dit que vous êtes impulsif, vous en pensez quoi ? – C’est-à-dire ? – Que vous démarrez un peu vite, quoi. – Noooooon. » Il explique qu’il est « toujours calme, toujours positif ».

« Le psychiatre nous dit qu’il est cohérent et n’a pas de délire, mais vous l’avez entendu »
Point « ses relations avec autrui ». Que s’est-il passé avec les membres de l’escorte qui estime, fait rarissime, qu’il est préférable de ne pas le démenotter ? « Mais y a aucun problème, aucun souci. Y a aucun souci. » Et la tutrice de sa mère, qui dit que c’est très compliqué entre lui et les personnes qui s’occupent de sa mère ? « Noooooon. »
On comprend qu’avec ça la vice-procureur requière le placement en détention provisoire du prévenu, en raison du risque de réitération et de pression sur les victimes. On comprend également qu’avec tout ça, maître Leray, après avoir plaidé un placement sous contrôle judiciaire, ait une demande complémentaire : « Une nouvelle expertise. Le psychiatre nous dit qu’il est cohérent et n’a pas de délire, mais vous l’avez entendu, et je vous renvoie au PV de l’OPJ* qui prend la peine d’expliquer son ressenti. »

« En vrai, il essayait de me marcher sur les pieds. Et du coup… »
Le prévenu se lève et s’adresse à la procureur. Il lui demande de le « soulager de la détention provisoire, j’étais en état de légitime défense. En vrai, il essayait de me marcher sur les pieds. Et du coup… - C’est bon, on a compris, lui dit le président. – Nooooon, j’ai pas fini de parler. » Il explique qu’il loge ici et ailleurs parce qu’il n’a pas d’argent (il n’a pas fait demande RSA), mais s’il est libre, il va prendre des dispositions, et… Et le tribunal part délibérer. Il s’adresse à nouveau à la procureur : « Et alors, madame la présidente, ça se passe comment ?  - Ils vont revenir vous le dire dans quelques minutes. »

Nouvelle expertise psy, détention provisoire
Le tribunal renvoie l’audience à fin juin, ordonne son placement en détention provisoire ainsi qu’une expertise psychiatrique. « Voilà. » Le prévenu intervient : « Euh, vous m’aviez dit… - On vous place en détention. – Comment ça ? Je ne suis plus en sursis (il l’est, ndla). – C’est décidé et pas négociable. » Le jeune homme bredouille, ne veut plus répondre, baisse les yeux pour la première fois, puis : « Du coup, vous me placez en détention provisoire ? – Oui, parce que risque de réitération et de pression sur les victimes. – Le jugement n’est pas encore fait ! Pourquoi la détention ? » Il se penche davantage, ses bras menottés se décollent de son dos, ses muscles saillent. L’escorte de policiers du Creusot va le conduire au centre pénitentiaire, y remettre un homme qui pose questions et un questionnaire vide de réponses.
Florence Saint-Arroman  
*OPJ : officier de police judiciaire