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> Faits Divers > Au Creusot
13/06/2023 13:30
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LE CREUSOT : «Vous savez, madame, des stupéfiants, on en trouve en prison. Faut pas être naïf»...

Mais le maintien en détention de quatre prévenus, confondus par les policiers du Creusot, n'a rien à voir avec la naïveté, mais bien avec le trafic de stupéfiants dans lequel ils étaient impliqués. Et comme il manque des expertises, ils regarderont le Tour de France, à la télé, derrière les barreaux.
Quatre jeunes hommes sont détenus dans l’attente de leur jugement. Ils sont poursuivis à des degrés divers pour trafic de stups au Creusot. Deux d’entre eux sont sous protection civile (tutelle, curatelle renforcée), du coup les expertises psychiatriques sont obligatoires avant de les juger, mais les expertises ne sont pas faites, alors il faut renvoyer.
Le tribunal a d’ores et déjà pris sa décision, du moins sa présidente qui a lu les dossiers. Ça tue un peu le game quand c’est signifié aussi clairement. Les juges prennent toujours soin (quand bien même ils auraient une idée) de ne pas préjuger, justement, de la décision, a fortiori quand c’est une décision collégiale. On va y venir.

Le renvoi se fait en visio, pour deux d’entre eux. Quatre avocats sont présents dans la salle. Les expertises sont annoncées entre le 30 juin et le 1er août. Les prévenus ont 20, 25, 31 et 32 ans. Trois d’entre eux sont en détention provisoire depuis le 15 avril, le dernier était sous contrôle judiciaire mais il fut révoqué quand l’homme est allé annoncer au contrôleur judiciaire son intention de quitter la région pour rejoindre sa famille.
Son avocat expliquera ça très bien. 
Comme c’est un renvoi, le tribunal n’aborde pas le fond. Ce qu’on comprend des interventions des différents avocats c’est que le plus jeune est à l’initiative de ce trafic, que deux d’entre eux auraient été victimes de leurs faiblesses et ont vu leurs logements utilisés.

« Je voudrais sortir » versus la décision est déjà prise
C’est le cas de celui-ci, 31 ans, 5 condamnations pour des violences et deux usages de stups. Sous curatelle simple, il n’a plus aucun contact avec son père depuis fort longtemps, sa mère est décédée, il est fils unique, il est reconnu handicapé, et il dit au tribunal qu’il voudrait « sortir » (de prison).
« Mouais, lui lance la présidente. Et vous comprendrez qu’il y a un vrai enjeu pénal. L’idée, c’est pas que vous soyez dans la nature avec vos fréquentations et des produits stupéfiants. » Le prévenu insiste – c’est légitime, puisqu’il veut retrouver le grand ciel. Côté tribunal le ton monte. « Vos difficultés, on les entend. Que vous preniez vos responsabilités, ça vous appartient aussi. »
Bref, l’idée c’est de maintenir tout le monde en détention. Le procureur le requiert.

Délibéré comme passé au micro-ondes
L’audience de renvoi prend une heure, le délibéré prend 6 minutes. Le tribunal renvoie au 7 août, et « dans l’attente… le tribunal a bien conscience que la liberté reste le principe et la prison, l’exception, hein.
Le tribunal en a bien conscience, mais le tribunal fait le choix de vous laisser tous les quatre en détention provisoire. » Fin de l’audience.

« Le malheureux, que n’a-t-il pas dit ! »
Mais le prévenu a réfléchi à ce que lui a dit la présidente Berthault. Et, alors qu’il sait qu’ils vont tous rester en prison jusqu’à leurs jugements, il objecte à l’argument qui lui vaut, lui a dit la présidente, d’y être maintenu : « Vous savez, madame, des stupéfiants, on en trouve en prison.
Faut pas être naïf. » Le malheureux, que n’a-t-il pas dit ! Pourtant c’est pas bête, c’est pas bête du tout. La présidente grimpe dans les aigus, le remballe, cassante au dernier degré.

Et l’avocate, que n’a-t-elle pas dit, elle aussi
Elle ne s’arrête plus, fait d’abord un laïus excédé sur la « naïveté » - sans jamais reconnaître que l’objection du garçon était pertinente -, puis sur « il n’y a pas de défaillance de l’institution judiciaire » : sur ce point elle répond - après la fin de l’audience, à une avocate qui plaidait la remise en liberté de son client (le plus jeune) sur, entre autres, la question du délai.
Somme toute s’ils ne peuvent être jugés, c’est que deux expertises psy n’ont pas encore eu lieu alors que son client est incarcéré depuis le 15 avril, ne se drogue pas et a reconnu les faits, ce qui aurait permis de disjoindre les dossiers et de le juger aujourd’hui. L’avocate enfonce le clou : les prévenus et les droits de la défense n’ont pas à pâtir des défaillances de l’institution judiciaire.  
FSA