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14/08/2023 21:20
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LE CREUSOT :  Un an en prison, pour la femme qui a appelé 242 fois les Policiers

Les experts psychiatres qui se sont succédé au fil des ans ont tous conclu à l’altération de son discernement, mais le tribunal qui a jugé madame X ce lundi 14 août selon la procédure de comparution immédiate a choisi de ne pas retenir l’altération.
C’est ainsi que cette femme, en détention provisoire depuis le 15 mai dernier, a été condamnée à la peine de 12 mois de prison avec maintien en détention, pour avoir, le 13 juin dernier, passé près de 250 appels au commissariat de police du Creusot en quelques heures.
Les experts psychiatres qui se sont succédé au fil des ans ont tous conclu à l’altération de son discernement, mais le tribunal qui a jugé madame X ce lundi 14 août selon la procédure de comparution immédiate a choisi de ne pas retenir l’altération. C’est ainsi que cette femme, en détention provisoire depuis le 15 mai dernier, a été condamnée à la peine de 12 mois de prison avec maintien en détention, pour avoir, le 13 juin dernier, passé près de 250 appels au commissariat de police du Creusot en quelques heures.
C’est sa 8ème condamnation, pour les mêmes faits : « appels malveillants réitérés en vue de troubler la tranquillité du commissariat du Creusot », en récidive légale, forcément, et pendant une période de probation. La prévenue, ce lundi, a été extraite de la prison pour femmes de Dijon. Reconnaît-elle toujours les faits ? Elle se penche vers le micro : « Oui. » Elle est en détention provisoire depuis le 15 mai dernier, l’expertise psychiatrique obligatoire pour les personnes placées sous des mesures de protection civile est enfin rentrée.

La présidente Mavridorakis a fait quelques calculs et constate une frénésie en roue libre. Par exemple : « 47 appels en 23 minutes ou 110 appels en 105 minutes ». Vers la fin de l’après-midi, ça se calme. La femme s’étonne auprès du policier qui décroche de n’avoir pas encore été interpellée. Elle ne tarde pas à l’être.

« Votre casier n’est fait que de ça, c’est tout à fait obsessionnel chez vous »
« Vous reconnaissez les faits, mais vous dites que vous ne pouvez pas vous en empêcher, que vous pensez tous les jours à la police. Votre casier n’est fait que de ça, c’est tout à fait obsessionnel chez vous » dit la présidente.
La prévenue : « Comme vous avez dit, j’ai fait un rêve de police qui me poursuivait, alors j’ai pris mon téléphone, j’ai appelé et j’ai pas pu m’arrêter. » La présidente lui pose alors LA question : « Pourquoi ? » La réponse est sincère : « Moi-même je ne comprends pas. »

Réquisitions : 19 mois avec maintien en détention
Ce ne sera pas l’avis du parquet qui par la voix de Charles Prost, vice-procureur, requerra une peine totale de 19 mois de prison avec maintien en détention, au motif que « madame sait ce qu’elle fait », et que « ce n’est pas admissible », et que « le seul effet positif et immédiat quand elle est incarcérée, c’est qu’elle ne téléphone plus (au commissariat) ».
Maître Leray à l’audience précédente avait bien dit que si vraiment c’était le sujet, alors madame pourrait appeler de la prison puisqu’on y trouve des téléphones. L’expert psychiatre, lui, a conclu à l’altération du discernement de la prévenue, mais qu’importe, « elle sait ce qu’elle fait ».

Madame « a été un vrai problème pour le chef de poste »
Maître Bibard porte la voix du commissariat et si l’avocat se dit conscient qu’il y a « plusieurs façons de perturber le travail des policiers » et que celle de la prévenue est loin des insultes, outrages, menaces et autres violences auxquels les policiers sont souvent confrontés, il explique que madame « a été un vrai problème pour le chef de poste » aux fonctions multitâches dans un petit commissariat, et qu’au final « la perturbation est réelle et sérieuse ». Le commissariat ne fait aucune demande indemnitaire.

Un calvaire
L’instruction menée par la présidente retrace un long chemin qui finit par ressembler à un calvaire. 2015-2023 : 8 condamnations pour des faits identiques. Peu avant 2015 : ses enfants sont placés. « Sa plus grande déchirure » dit maître Leray Saint-Arroman. 2016, placement sous curatelle renforcée. Et toujours le même fantôme qui porte un nom bien sûr, et ce nom est dit à l’audience : ce compagnon qu’elle subit.
« Il n’est jamais présent aux audiences, ni à celles qui concernent les enfants » souligne l’avocate. Par contre, « quand elle appelle la police, il est là, il est à l’appartement ». La prévenue a écrit : « avec lui je subis des violences. Il me met un couteau sous la gorge, des claques, des coups de pied dans le ventre quand je portais mon garçon. » « C’est lui qui lui fait le plus de mal, plaide Mathilde Leray, et elle appelle la police. »
Sauf qu’elle l’appelle compulsivement, jusqu’à ce qu’on vienne l’arrêter, sauf que les 7 condamnations précédentes sont sans effet - sauf à la faire crever de malheur parce qu’elle ne peut plus voir ses enfants -, et puis que l’injection-retard d’un antipsychotique est sans effet elle aussi (et du coup à quoi sert-elle ?).

« Elle semble avoir pris le sens de police-secours dans son sens premier »
L’avant-dernier expert-psychiatre constatait « une structure psychotique de sa personnalité, non décompensée » : une structure qui a donc trouvé un équilibre mais qui implique un autre rapport que celui du névrosé commun au langage et à la réalité, un rapport plus passif qui peut expliquer qu’elle subisse ce type et ses agissements, ne trouvant qu’à appeler « police-secours »
(« Elle semble avoir pris le sens de police-secours dans son sens premier » remarquait finement le procureur sans toutefois en tirer les conséquences qui s’imposent, justement), un rapport qui explique l’infinie tristesse qui l’envahit ainsi que l’absolue inefficacité des moyens de coercition auxquels la justice a recours. L’incarcérer ne sert à rien, son avocate le plaide depuis des années.

Une « structure psychotique de personnalité » : ce n’est pas une maladie !
Le dernier expert psychiatre écrit, lui, que la prévenue « n’a pas de maladie mentale », mais une histoire de vie bien lourde. La présidente interprète cela comme contredisant l’expert qui parle de « structure psychotique non décompensée », sans autre forme de procès.
C’est que nous vivons dans une société où « psychose » égale « folie », ce qui entraîne une ségrégation de la psychose, d’abord, et l’impossibilité ou le refus de la voir sous son jour ordinaire.

Cette femme-là en fait les frais, comme si son profil la faisait sombrer dans une faille, dans une absence de connaissance et donc de compréhension de la part des magistrats qui font partie du corps social (lequel véhicule toutes sortes d’âneries, de clichés, de lieux-communs, c’est ainsi).
Et pourtant combien de gens dits « psychotiques » font des études, sont intelligents, occupent toutes sortes de fonctions sociales, fondent familles, etc. ? « Une structure psychotique » n’a rien de pire qu’une structure névrotique, mais elle a sa singularité et ses particularités. En tout état de cause : ce n’est pas une maladie.

L’état des soins psychologiques et psychiatriques : édifiant
Pourquoi la prévenue ne parle-t-elle pas au psychologue de cette infraction récurrente qui la mène en prison ? « Parce qu’il faut que ça sorte, et ça ne sort pas forcément. »
Et avec le psychiatre, est-ce qu’elle en parle ? « C’est des entretiens qui durent 10 minutes. » Un psychologue du CMP deux fois par mois, un psychiatre une fois par mois pour la prescription de l’injection retard, et voilà le travail. Cela conduit maître Leray à plaider en faveur d’une « vraie thérapie ».
Ça en dit un peu long sur l’efficacité des obligations de soins que les tribunaux distribuent à la pelle. La prévenue de toute façon y va d’elle-même, sauf que.

 « On ne met pas les gens en prison pour être ‘tranquille’ »
Bref, l’altération du discernement semble acquise à la défense puisque c’est le fil rouge de toutes les expertises. Sur la forme, « il n’y a rien de malveillant dans sa démarche, c’est le nombre d’appels qui juridiquement caractérise la malveillance ».
Sur le fond : « Elle n’a rien bloqué ni mis en danger d’autres gens, c’est pas la peine de surenchérir ! ». Sur l’argument principal du parquet : « S’il faut la mettre en prison pour que le commissariat soit tranquille, alors qu’on mette tout le monde en prison, comme ça la police sera bien tranquille. Mais on ne met pas les gens en prison pour être ‘tranquille’, on les met en prison pour les punir. Or, pour elle, ça ne change rien. »

« Elle ne sait pas ce qu’elle fait : il lui faut une vraie thérapie »
Maître Leray revient sur l’expertise qui parle d’un « trouble de contrôle des impulsions en réponse à un stimuli, sans considération des conséquences ».
« Pour une fois, on a pris le temps de la regarder et de l’écouter et on a un début de réflexion qui ne va pas du tout dans le sens des réquisitions de monsieur le procureur.
Elle ne sait pas ce qu’elle fait : il lui faut une vraie thérapie puisque l’injection retard n’empêche rien et que madame sait par ailleurs respecter un cadre. Il faut prendre la mesure de ce dont elle a besoin. »

Décision
Le temps du délibéré est long. La prévenue, seule dans le box, pleure. Le tribunal la déclare coupable et la condamne à 10 mois de prison avec maintien en détention et révoque le sursis en cours à hauteur de 2 mois avec incarcération immédiate.
Un an de prison, incarcérée. « Le tribunal ne peut pas faire abstraction des précédentes condamnations et du sursis probatoire en cours. » Exit l’altération du discernement.

« Tout se passe très bien », « elle est agréable, très respectueuse »
L’avocate de la prévenue, qui l’assiste depuis plusieurs années, insistait encore : « Elle n’est pas antisociale, et elle n’est pas dans des stratégies (pour manipuler, ndla) ».
Autre personne à fréquenter la prévenue, sa curatrice venue à la barre pour dire ceci : « Madame est suivie pour la mesure de curatelle, et pour une mesure d’aide à la gestion du budget familial, et avec les deux services, tout se passe très bien. Elle est agréable, très respectueuse, on a une très bonne communication avec elle. Elle voit ses enfants tous les mercredis à son domicile. »

Un an de prison à crever de malheur sans voir ses enfants,
…une année suspendue aux appels possibles (à ses enfants) quand ils le seront, un an parfaitement inopérant sur son problème, un an pour rien si ce n’est à protéger la ligne du standard du commissariat du Creusot d’une femme qui ne sait pas appeler à l’aide comme sont censés le faire les justiciables.
Pourtant elle l’a dit à l’audience, elle a besoin « de rassurement, d’aide, de réconfort », et sans aucun doute de protection.
Florence Saint-Arroman


Notre article du 25 juillet :
On la connaît depuis 2017 : cette femme a basculé dans un truc qui lui fait appeler les corps de secours. Depuis, elle a réduit son champ et n’appelle plus que le commissariat du Creusot qui n’en peut mais. 242 appels rien que le 13 juin, c’est impressionnant.
Elle ne dit rien, ou elle pouffe, ou elle dit aux policiers qu’elle les aime trop. En vrai elle souffre, en vrai les différents experts psychiatres concluent tous à l’altération de son discernement, du coup elle est régulièrement incarcérée et pendant ce temps-là sa santé se dégrade, et pendant ce temps-là elle verse ponctuellement dans des appels frénétiques.

L’expertise psychiatrique n’est pas faite
Ce lundi 24 juillet, la prévenue devrait être jugée mais ne le sera pas car l’expertise ordonnée par le tribunal le 15 juin dernier. L’expert psychiatre a dit qu’il pourrait s’en occuper « début août ». Alors que faire d’ici là ? Forcément le ministère public requiert son maintien en détention, alors que Mathilde Leray, son avocate depuis des années, plaide pour qu’elle sorte de prison.

Deux hospitalisations en 5 semaines de détention provisoire
La prévenue lit donc un mot. Le président Marty l’y autorise. La rigueur du juge ne contrarie pas sa bienveillance à l’égard de la détenue, bienveillance dénuée de toute condescendance (faute de quoi ça ne saurait être de la bienveillance, forcément).
La femme dit qu’elle a « pris des médicaments » et qu’elle a dû être transportée à l’hôpital. « Qu’est-ce qui s’est passé ? – Ben, je déprimais. » Elle a ingurgité tout ce qu’elle pouvait de paracétamol et d’anxiolytiques. Elle a vu un psychiatre. « C’était pas pour mettre fin à mes jours, c’était plus une déprime. » Et puis il y a une semaine, la prison a dû faire le 115 pour elle. « C’était un problème rénal, on m’a dit qu’il fallait boire beaucoup d’eau. »

Une bonne insuffisance respiratoire, en plus de tout le reste
En outre elle a une assistance respiratoire (oxygène, 2 litres/24 heures) et un appareil de ventilation. « C’est sa sœur qui le lui a apporté, insiste maître Leray, personne ne s’en était soucié. » Le président s’enquiert : « Est-ce que votre cellule a des aménagements particuliers ? »
La réponse : « Non. » L’avocate de la prévenue plaide contre des conditions de détention qui ne sont pas bonnes. Le renvoi se fait en visio, on voit bien que la prévenue souffre de la chaleur, et pour des raisons somatiques elle en souffre davantage que d’autres, de surcroît « son lit n’est pas adapté ».

Entend-on vraiment ?
Cyrielle Girard-Berthet, substitut du procureur, dit : « J’entends que pour madame ce n’est pas facile en détention mais la détention ce n’est facile pour personne. »
On se permet de glisser qu’avec la lourdeur des traitements qu’elle prend et un organisme si fragilisé, la détention pour une personne qui « certes a commis une infraction » comme disait maître Bibard pour la police « mais dont la personnalité pose problème » (entendre par là qu’elle relève de soins, et n’est pas dangereuse pour la société ni pour les policiers en dehors du fait qu’elle les enquiquine quand ça la prend, ndla) – la détention, disions-nous, dans un tel contexte, c’est vraiment choquant.

« La détention, pour elle, ne servira jamais à rien »
Alors, maître Leray parle en effet des moyens qui sont ceux de la justice et dont aucun, absolument aucun, ne saurait répondre à ce dont souffre cette femme. La procureur elle-même le dit : « Elle recommence et rien n’y fait. » Et pour cause, enchaîne l’avocate de la prévenue :
« La détention, pour elle, ne servira jamais à rien. » Jamais. « Et les moyens de la justice, les moyens que nous avons, ne lui servent à rien. » Maître Leray le plaide une fois de plus : « Si madame en avait après la police, elle pourrait continuer à les appeler, de la prison, puisqu’on y trouve des téléphones.
Mais ça n’arrivera pas : elle n’a rien contre la police, d’abord, et ensuite elle est éloignée de monsieur X (cet homme qui ne la lâche pas, la maltraite, l’insulte, l’humilie, ndla). » L’avocate cherche à obtenir des renseignements sur l’état de santé de sa cliente, sur les soins qui lui sont prodigués éventuellement, etc. « Je ne sais pas comment elle va, réellement. Tout est opaque, et c’est comme ça quand on est en détention. Je vous demande de la remettre en liberté. »

Que faire ?
Que faire lorsqu’une femme malade physiquement et en grande souffrance morale et psychique, une femme qui évoque ses enfants à chaque audience – « ils me manquent » - commet l’infraction de harceler d’appels sans pour autant de malveillance intentionnelle (la qualification pénale dit le contraire : « appels malveillants réitérés », en récidive, forcément), dans des appels au secours qui ne disent pas leur nom, demande à retrouver sa liberté ?

Maintien en détention
Le tribunal renvoie son jugement à mi-août et dans l’attente la maintient en détention provisoire, « pour prévenir le risque de réitération, et compte-tenu du fait que vous n’avez pas le droit d’appeler le commissariat, et du danger que vous créez en saturant une ligne réservée aux urgences ».

A ceci près que ce n’est pas cette ligne-là qu’elle sature (elle ne fait pas le 17, cf. dernier article) et qu’il lui est interdit d’appeler le commissariat « sauf urgence »… Son urgence à elle est logée dans les plis de son esprit, en son sens étymologique : ça la prend, c’est « pressant », donc c’est urgent.
Mi-août, elle aura fait quasiment 9 semaines de détention - si elle tient le coup jusque-là car son état général est très préoccupant -, sans avoir été jugée.
FSA



Notre article du 15 juin :
Elle avait l’interdiction d’appeler le commissariat du Creusot, « sauf urgence ». Le 13 juin dernier, elle a eu une urgence : elle a fait un rêve dans lequel « la police me pourchassait ». Alors, elle a appelé la police. 242 fois.
« Les policiers du Creusot, sauf erreur, ne sont pas en colère contre madame. Mais ils ont le droit d’en avoir marre » plaide maître Leray qui connaît bien la prévenue pour l’assister depuis longtemps. C’est qu’au casier de cette femme, la présidente Barbut compte 8 condamnations, toutes pour le même motif : « appels malveillants réitérés ».
Depuis longtemps elle est, du coup, en état de récidive légale et toutes les peines ont été essayées. En vain.

Une femme « gentille » et malheureuse
Lors d’une autre audience, son avocate plaidait qu’il n’y a rien de malveillant dans les appels de la dame. Leur quantité les rend harcelants, mais elle n’a aucune malveillance envers la police, envers personne, d’ailleurs, c’est une femme « gentille » disait alors maître Leray.
Gentille mais malheureuse. Malheureuse de cumuler des pathologies somatiques lourdes, certes, mais surtout malheureuse du placement de ses enfants, malheureuse d’être sous la coupe d’un homme (le père des enfants, au demeurant, mais il ne s’occupe de rien pendant qu’elle ne vit quasiment que pour les rendez-vous téléphoniques avec eux). Un homme dont il est question à chaque audience sans qu’il ne soit jamais présent et pour cause : il l’insulte, il est parfois violent physiquement, il l’exploite, il la malmène.
Au point que les policiers du Creusot sont au courant de la situation et font ce qu’ils peuvent, dans le cadre de l’exercice de leur métier. « Elle est incapable de s’opposer à lui » explique l’avocate au tribunal.

« Pas nécessaire compte-tenu des difficultés à avoir des experts psychiatres »
Ce jeudi 15 juin à l’audience des comparutions immédiates, la présidente met immédiatement la question d’une nouvelle expertise psychiatrique dans les débats. 
La procureur n’y est « pas très favorable » puisque « pas d’évolution de l’état de madame », qui voit « un psychologue deux fois par mois » (deux fois par mois… !, ndla) et un psychiatre tous les deux mois, qu’elle reçoit une injection retard* », donc, une nouvelle expertise n’est « pas nécessaire compte-tenu des difficultés à avoir des experts psychiatres ».
Et si jamais, elle demande le maintien en détention de madame car « elle appelle le commissariat à mauvais escient et met en danger d’autres personnes car elle mobilise le 17. »

« Est-ce qu’on pourrait envisager qu’elle n’était pas en possession de ses moyens ? »
D’abord, madame « ne fait pas le 17, répond maître Leray, donc elle ne mobilise pas le numéro d’urgence, elle fait le 03 85 etc. ». Et puis « tout a été tenté – au niveau des peines -, c’est vrai, mais elle recommence. Donc, que la situation n’ait pas évolué : c’est bien ça qui doit justifier une expertise psychiatrique. »
En 2016, la prévenue appelait aussi les pompiers, et même des sauveteurs en mer : des corps de secours. « Elle appelle frénétiquement et elle les attend au pied de son immeuble, car c’est ce qu’elle attend : la police. »
Mathilde Leray plaide une fois encore, sans se décourager :
« Est-ce qu’on pourrait envisager qu’elle n’était pas en possession de ses moyens ? » Reste la question du placement en détention, « pour une femme qui est encore plus en difficulté qu’auparavant, qui a de gros soucis de santé, ce n’est pas en maison d’arrêt qu’elle aura les meilleurs traitements. » Sans se décourager, toujours : « On devrait essayer de trouver enfin la cause. »

Détention provisoire
Le tribunal ordonne l’expertise psychiatrique, renvoie le jugement à fin juillet. « En attendant, le tribunal fait le choix de vous placer en détention provisoire. C’est le seul moyen de prévenir de nouveaux faits. »

« Le seul moyen… »
C’est comme vouloir calmer une mouche avec une arme de guerre. La femme, abattue, demande à voir un psychiatre en urgence. Elle s’est déjà retournée contre elle-même.
Elle crève de malheur, demande secours et protection. 242 fois, c’est beaucoup, c’est sûr, et puis son adresse n’est pas la bonne : la police ne peut rien pour elle, la preuve. La collectivité sociale fait ce qu’elle peut. Sa curatrice s’en occupe. Les gens l’aiment bien, cette dame. Chacun fait ce qu’il peut, mais tout le monde reste sourd.
Depuis ce jeudi soir, une (gentille) fille du Creusot dort en prison, tout ça parce que personne n’entend rien à ce qu’elle dit, à ce qu’elle fait, et la cruauté institutionnelle bat son plein.

Interdiction d’appeler le commissariat du Creusot, « sauf urgence » …
Elle a « une urgence » (sur un plan auquel la police ne peut pas répondre, c’est pas son boulot), elle appelle « frénétiquement » et on l’incarcère en lui reprochant (voir les audiences précédentes) de « continuer », malgré l’injection d’un antipsychotique, malgré sa peur de retourner en prison, malgré son immense chagrin de rater des rendez-vous avec ses enfants, malgré TOUT, et à part ça aucun expert n’a encore conclu à l’abolition de son discernement.
Non qu’elle ne mérite pas d’être considérée comme un être humain à part entière, mais si la répétition des mêmes actes ne peut la mener qu’en prison, alors il faudrait bien qu’un expert s’intéresse à elle, vraiment. On quitte la salle d’audience et on entend murmurer : « Sa place n’est pas en prison, non. »
FSA

*une injection d’Abilify : https://www.vidal.fr/actualites/3015-abilify-7-5-...
On lui a collé ça pour la calmer. Ce sont des moyens employés qui ne sont pas sans conséquence sur la santé, faute de gens formés non seulement à l’écoute mais aussi et surtout, à entendre. C’est un choix de société, ndla.