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> Faits Divers > Au Creusot
29/03/2022 03:17
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LE CREUSOT : Le tribunal relaxe un jeune afghan qui aura fait près de deux mois en prison

L’avocat a pulvérisé les réquisitions. A la décharge de la substitut du procureur, il est difficile de convaincre quand les poursuites initiales sont engagées sur une procédure vaporeuse. Ainsi va la vie au tribunal.
Nous sommes à l’audience des comparutions immédiates ce lundi 28 mars 2022. Dans le box, un jeune homme d’origine afghane dont la famille a trouvé refuge au Creusot et qu’on a logé au quartier du Tennis. Il est né en 1998 à Shada en Afghanistan, une petite ville située au nord-est de Kandahar, assez loin au sud de Kaboul. Il a des frères et une sœur. Toute sa famille va fuir le pays. Il part le premier et arrive à Paris en 2017, « sa capacité à parler et à comprendre le français montre son insertion » souligne son avocat.

Le fils retrouve sa famille mais…


Ses parents et les autres font un long périple avec un passage par un camp de réfugiés en Grèce. Ils finissent par pouvoir s’installer au Creusot, et ce fils devenu parisien doit les rejoindre. Il suit une formation de chauffagiste, ses petits frères ont désormais 11 ans, sa sœur, 18. Mais l’ambiance est tendue au domicile. Le père ne parle pas français, on se doute qu’il ne doit pas travailler, ou peu.
Il a perdu tous ses repères, et certainement est blessé dans l’idée qu’il se fait de sa dignité d’homme. Les discours ambiants haineux contre les réfugiés font bien l’impasse sur tout ce qu’il en coûte à ceux qui laissent derrière eux une partie d’eux-mêmes et ne parviennent pas toujours à se reconstituer dans un pays lointain. Passons, car en attendant, le fils, lui, s’est émancipé d’une partie des éléments de culture sur lesquels le père essaie de garder la main. Et ça barde.

«Mon père, il tape ma mère, c’est pour ça»

C’était le 13 janvier dernier. La police intervient : le fils aurait proféré des menaces de mort contre son père en le menaçant d’un couteau. Le père, présent à l’audience et assisté d’un interprète, maintient ses accusations mais dit : « Je lui pardonne, il est jeune. » Tout pardonné qu’il est, le fils n’en démord pas : « Ce que mon père raconte n’est pas vrai. C’était par rapport à ma mère, c’est pour ça. »
Le père a un rapport plutôt brutal avec son épouse, qu’il bouscule et houspille chaque jour, et frappe parfois. Le fils dit s’être élevé contre l’attitude de son père mais sans le menacer d’un couteau. « Mon père, il tape ma mère, c’est pour ça. Et il fait des jalousies avec moi. Il a gâché sa vie, il veut gâcher la mienne. Tout le temps il insulte et tape ma mère. »

«La photo de ce couteau suffit à achever ce dossier»

L’histoire du couteau devient au fil de l’audience un épisode quasi-comique. « J’ai pas menacé avec un couteau. J’avais un couteau parce que j’étais en train de manger. » « Si vous étiez en train de manger, vous aviez bien un couteau dans la main. »
« Non, j’avais coupé le concombre, et j’avais laissé le couteau dans la cuisine. » « Mais quand on mange on a bien un couteau. »… La procureur : « Ce sont des violences sans ITT, mais monsieur avait bien un couteau à la main, il a du mal à gérer son impulsivité, il doit apprendre qu’il y a des règles à respecter. » Il faut savoir que fin janvier ou début février, le père a été condamné pour des violences conjugales.
La plaidoirie de Benoît Diry aura raison du couteau : « La photo de ce couteau suffit à achever ce dossier. C’est un couvert à bout rond. »

«Requérir sur un vide abyssal»

L’avocat n’est pas content. « Je m’insurge contre la capacité de madame le procureur à requérir sur un vide abyssal. » Il développe son propos pour démontrer qu’en réalité rien ne vient étayer les accusations du père. « Le second écueil que je vois, c’est qu’au-delà du vide, on puisse requérir sur des éléments qui sont à proscrire, voire à rejeter : la place faite aux mineurs. Deux petits garçons. »
La mère et la sœur ont dit que le prévenu n’avait pas menacé le père avec le couteau à bout rond. Les deux petits disent que si. « Ils disent ce que mon père leur demande de dire. » Maître Diry demande au tribunal de relaxer le prévenu au bénéfice du doute.

Relaxé, mais il a passé 7 semaines incarcéré…

« Monsieur, vous allez sortir de prison tout de suite, vous n’êtes pas condamné. »
Le jeune homme était placé sous contrôle judiciaire en attendant l’audience de jugement, il avait interdiction de retourner vivre au domicile de ses parents, mais il y est retourné quelques jours. L’AEM a signalé son absence à deux rendez-vous, « j’étais en cours au CFA ». Manquements au cadre du contrôle judiciaire = placement en détention provisoire. Il aura fait 1 mois et 3 semaines de prison et pour finir, ce lundi soir, il est relaxé.

FSA