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> Faits Divers > Au Creusot
06/06/2023 03:16
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LE CREUSOT : «La détention va vous permettre de travailler à un projet de sortie», dit la présidente. Et lui, il dit : «Moi je veux récupérer mon chien»

L'ex épouse, la fille, ont dégusté... 
Leur fille a pris deux coups - « des gifles, deux revers, comme ça, parce qu’elle me manquait de respect » précise le prévenu - en s’interposant entre ses parents. «Ça a été violent, manifestement, parce qu’elle a un hématome derrière la tête » observe la présidente, sans convaincre le prévenu. La mère a reçu des coups « avec une chaîne»
On voudrait prendre l’histoire par la fin, parce qu’au début on est sûr d’avoir vraiment un sale type dans le box et pour finir on se dit que c’est surtout un pauvre type qui s’est tellement désinséré que seul son chien semble avoir de la valeur à ses yeux.
Dans la salle, son ex-épouse et puis leur fille, 17 ans. Divorcer en 2012 parce que son mari est violent-pénible pour prendre des coups de son propre poing en 2023, c’est dingue mais c’est arrivé au Creusot, le 2 juin dernier. En fin de journée, la police se déplace au domicile d’une dame : elle recevait l’ex-épouse, l’ex-mari et leur fille. Oui, parce que lui, il est à la rue et son ex l’héberge depuis 3 mois.

Faut dire que leur relation n’a jamais été totalement coupée, l’existence de leur fille y est peut-être pour quelque chose. Quoi qu’il en soit des voisins ont entendu des cris : il avait bu, il a demandé de l’argent à son ex qui a refusé et c’est parti violemment en insultes et en violence physique.

Etat d’ivresse au moment des faits
Leur fille a pris deux coups - « des gifles, deux revers, comme ça, parce qu’elle me manquait de respect » précise le prévenu - en s’interposant entre ses parents. « 
Ça a été violent, manifestement, parce qu’elle a un hématome derrière la tête » observe la présidente, sans convaincre le prévenu. La mère a reçu des coups « avec une chaîne » : la laisse en métal du chien. Bon, il dit qu’il l’a « poussée avec la laisse, sans faire exprès ».
On ne peut pousser personne avec une laisse, stricto sensu, mais de toute façon il ne se rappelle de rien, il avait siphonné une bouteille de vin blanc, il était pété. Il suppose donc que son ex lui « pétait les c…. ».
Il boit beaucoup, on verra pourquoi plus tard. Et puis c’est un ancien toxico, sous méthadone depuis 10 ans. Il a arrêté l’héroïne, prend de la cocaïne de temps en temps seulement, parce que c’est cher et qu’il ne perçoit que le RSA.

« J’ai pas eu de méthadone en garde à vue. J’ai été malade comme un chien »
En garde à vue il était vulgaire et odieux à l’endroit de ces deux femmes, sa fille et celle qui l’a portée. « C’est bien de la pute, elle aussi, c’est vraiment de la merde. » A l’audience il est agité :
« Je vais faire ma peine, prendre mon chien et je ne veux plus entendre parler de ces gens. Je veux mon chien, quitter cette ville de merde et c’est tout. » Il est en manque. « J’ai pas dormi depuis 3 jours. Mettez-moi une peine, implore-t-il la présidente, les mains jointes. Je fais ma peine et on n’en parle plus. J’ai pas eu de méthadone en garde à vue. J’ai été malade comme un chien. »

« Il n’avait pas son ordonnance avec lui »
Maître Voirin l’a assisté pendant sa garde à vue, elle peut expliquer : « Il n’avait pas son ordonnance avec lui, le médecin s’est assuré que son état était compatible avec la mesure de garde à vue, mais il n’a pas pu le dépanner en méthadone faute d’ordonnance. Et monsieur a dû entendre ‘au moins ça vous permettra de vous sevrer’. »
Vu de l’extérieur ça semble bien cruel quand on sait ce que souffre un drogué en manque. Voilà pourquoi, dit encore l’avocate, le prévenu présente des signes d’impatience et d’énervement. Grâce à elle, il a pu avoir sa dose de drogue de substitution ce matin.

« Vous avez besoin d’aide, monsieur »
46 ans, 11 mentions au casier entre 1996 et 2018 pour des faits de violences, d’outrages, de rébellion, de refus d’obtempérer, etc.
Divorcé, donc, et père d’un enfant. Sans emploi, RSA. Radié de pôle emploi : « J’ai oublié de pointer. Je suis à la rue, madame. J’ai pas de téléphone, j’ai rien. » Il plonge sa tête dans ses mains. La présidente Caporali lit le rapport de l’enquêteur social, il l’interrompt : « Je m’en fous, je fais ma peine et je me barre. » « Pour aller où ? lui renvoie la juge. Vous avez besoin d’aide, monsieur. »
Il a eu deux suivis par le SPIP, il en pense quoi ? « Ben, c’est pas inutile, hein. » A-t-il déjà eu un accompagnement AIR ? « Rien, madame, à chaque fois vous m’avez mis à la rate ! » (Ce n’est pas totalement vrai puisqu’il a connu les suivis avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP, ndla)

« Cette chute… »
Son avocate met de la lumière, en demandant à l’ex-épouse : « Comment expliquez-vous qu’il en soit là ? » Et la femme de répondre : « ça s’est dégradé quand il a perdu sa mère, il y a un peu plus de deux ans. » Maître Voirin le plaidera : « Cette chute… Il y a quelque chose à creuser, là. »
Elle le plaidera d’autant plus que la vice-procureur ne requiert qu’une peine sèche, une incarcération, arguant que l’heure « n’est plus à la pédagogie », qu’« on manque de CPIP, on manque de JAP », que « monsieur est depuis longtemps sur la pente descendante » et que dans ces conditions, un sursis probatoire ne serait « qu’angélisme judiciaire, pour se donner bonne conscience ».

« Un être en souffrance »
Or maître Voirin ne partage en rien ce regard, qu’elle trouve au demeurant peu bienveillant à l’égard des victimes – l’avocate s’adresse à la fille du prévenu dans l’idée de réintroduire un peu de perspective dans la relation mise à mal par la désinsertion de son père, « un être en souffrance, ainsi que madame et sa fille » -.
« Vous êtes là en effet pour faire application de la loi, dit-elle au tribunal, mais aussi pour prévenir la récidive. Il a besoin d’aide : il faut assortir la peine d’une période de sursis probatoire avec le dispositif AIR (accompagnement individuel renforcé). »

12 mois ferme puis un suivi renforcé
Le tribunal condamne le prévenu à la peine de 18 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans, avec obligations de travailler, de suivre des soins et d’intégrer le dispositif AIR piloté par l’AEM.
Interdictions de contact avec les victimes ainsi que de paraître à leur domicile, obligation d’installer sa résidence dans un lieu fixe. Retrait de l’autorité parentale sur sa fille (il lui a donné deux coups, et puis elle est bientôt majeure).
« Là on met tous les moyens pour vous aider au maximum à avoir un logement, du travail. Les mois en détention vont vous permettre de travailler à un projet de sortie », lui dit la présidente. Et lui, il dit : « Moi je veux récupérer mon chien*. »
Florence Saint-Arroman

*A ce sujet, ce serait ajouter une cruauté supplémentaire que de rire de l’obsession qu’il a de son chien, et l’on peut regretter que dans les foyers les chiens ne soient pas admis, pas davantage qu’en prison, alors qu’ils sont si importants, essentiels, pour nombre d’entre nous mais particulièrement pour ceux qui ne parviennent plus à s’arrimer.  
 http://sans-abris-sdf-exclus.over-blog.com/articl...
« En effet, il n'existe que très peu de centres d'hébergement d'urgence qui acceptent les animaux. Le SDF est contraint d'abandonner son chien pour profiter d’un minimum de confort. Pour la plupart d'entre eux, cette séparation est impossible car le lien qui les unit est trop fort. Ils le disent tous, ils préfèrent rester dehors plutôt que d’abandonner leur chien, même en plein hiver. »