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> Faits Divers > Au Creusot
09/06/2023 03:16
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LE CREUSOT : «J’ai menti, j’ai tout inventé»... Une jeune femme se tient à la barre. Son ton est vif, enlevé...

Dans le box son compagnon, père de leur enfant et de celui à venir : il est poursuivi pour violences sur elle.
Ce jeudi 8 juin à l’audience de comparution immédiate, on a l’esprit occupé en arrière-plan par le fait divers épouvantable qui a eu lieu à Annecy ce matin. Dans ces conditions, les histoires de gosses - ni avec toi, ni sans toi -, de ces deux-là fatiguent d’autant plus. Pour vous dire : c’est la victime qui a passé une heure à la barre.
Le président Madignier commence par rapporter les faits : le 13 mai dernier, madame dépose plainte au commissariat du Creusot. Son compagnon et elle se sont disputés, il a été violent envers elle. Elle est enceinte (personne vulnérable) et elle donne un certificat médical établi juste après les faits qui fixe une ITT de 8 jours et détaille des traces et contusions qui correspondent point par point aux trois scènes qu’elle rapporte. « Des déclarations circonstanciées et très précises » dira Charles Prost, vice-procureur.


Un grinder et 7 grammes de cannabis
Les policiers se rendent au domicile : le mis en cause n’y est pas. Par contre ils trouvent un grinder et quelques grammes de résine de cannabis ainsi que d’herbe de cannabis, en évidence sur le bar de la cuisine.
Ils se saisissent du tout. Le prévenu est aussi poursuivi pour usage, il est connu pour ça. Oui mais voilà : il dit qu’il ne consomme plus depuis « un mois ». Un mois auparavant il était encore condamné pour cela.

Il comparaît détenu : il a raté sa possibilité d’aménagement de peine
D’ailleurs le tribunal lui avait laissé une chance d’aménager sa peine, mais il ne s’est pas rendu à la convocation du JAP (juge de l’application des peines), lequel s’apprêtait à le faire incarcérer (rupture du contrat de confiance). Le défèrement du prévenu au sortir de sa garde à vue fut l’occasion de le faire, il comparaît donc détenu pour plusieurs mois. Il maintient sa version : il ne consomme plus de stups depuis qu’il a « du sursis au-dessus de la tête ».
Si c’était vrai cela ferait de lui l’incarnation des rêves les plus doux, les plus fous, des magistrats : que du sursis retienne le passage à l’infraction.

« C’est moi qui l’ai attaqué, je l’ai mordu à la main »
Cela étant dit, le 15 mai, la jeune femme va retirer sa plainte ainsi que toutes ses déclarations et elle est à l’audience pour assurer « j’ai menti », trouvant à ses blessures des origines variées.
Il se trouve que personne ne va y croire mais que les magistrats prennent le temps de la confronter à ses propres déclarations. Le président, les juges assesseurs, le procureur et même maître Marceau qui intervient en défense. Il faut dire que la jeune femme y va de bon cœur :
« C’est moi qui l’ai attaqué, je l’ai mordu à la main. C’est moi qui ai eu des violences sur lui, absolument pas lui. »

Elle dit : « C’est moi qui cherche. Il faut que je me calme »
Le président Madignier, d’un ton toujours doux, lui renvoie ce qui lui semble incohérent. Elle tient bon, il ne lâche pas. Il interroge la jeune femme, lui fait refaire son emploi du temps du 13 mai, pas à pas. Elle était accompagnée par une amie pour aller à la police et sur le trajet ne lui a pas dit un seul mot du motif de sa plainte ? Ah. Pendant 48 heures, plus aucun contact avec le prévenu ?
Ah. Pourtant « on peut légitimement se poser la question : que s’est-il passé entre le 13 et le 15 mai ? »  Un juge assesseur : « Il aurait annoncé qu’il partait. Vous avez dit que la dispute a éclaté parce qu’il ne voulait pas partir. Et vous voulez vous venger parce qu’il part ? » …
Plus tard elle dit : « C’est moi qui cherche. Il faut que je me calme. » Le procureur, sur un ton doux également, la confronte au certificat médical qui détaille les lésions et contusions.

« C’est monsieur qui subvient à nos besoins »
Puis le président finit par l’interroger sur elle-même : ses qualifications (pas), ses expériences professionnelles (peu). De quoi vit-elle ?
« C’est monsieur qui subvient à nos besoins. » Le président : « ça veut dire que si le tribunal vous obligeait à vous séparer, vous n’auriez pas de moyens pour vivre ? »
Elle acquiesce. Puis elle répète qu’elle est « impulsive ». Le président : « C’est autre chose que de l’impulsivité. Vous êtes allées aux urgences puis au commissariat. »

« Vous laissez une substance mortelle pour les enfants, posée en évidence chez vous ? »
Sur le cannabis trouvé posé sur le bar de cuisine. Le couple désigne le frère de madame, « il est tout le temps chez moi ». Le président au prévenu :
« Il n’est pas sympa, votre beau-frère, de vous laisser ça sous le nez alors que vous dites pratiquer l’abstinence. » Un juge assesseur à la jeune femme :
« Vous laissez une substance mortelle pour les enfants, posée en évidence chez vous ? » Elle dit qu’elle n’a pas fait attention, que c’était posé sur un plateau avec d’autres pots etc. « Avec les herbes de Provence, quoi » dit le président.

« Madame a été violentée »
En avril dernier, le tribunal avait donc laissé « une chance » au jeune homme (28 ans). Ce 8 juin c’est sa compagne qui se désigne comme violente, comme celle qui cherche, mais le procureur n’y croit pas.
« Madame a été violentée. Deux jours après c’est la réconciliation avec monsieur et elle se rétracte, mais le luxe de précisions de sa déclaration initiale, le certificat médical » le conduisent à demander une peine importante, puisqu’il y a ajoute l’usage de stups et l’état de récidive légale pour toutes les infractions.
Il requiert 12 mois de prison, des révocations de sursis à hauteur de 11 mois, et une interdiction de contact avec madame.

18 mois ferme, mandat de dépôt
Le tribunal ne croit pas non plus à la sincérité de madame à la barre. Et en dépit de la plaidoirie de relaxe (en toute logique, puisque le prévenu se dit innocent de ce qu’on lui reproche) de l’avocat de la défense, déclare monsieur coupable et le condamne à la peine de 12 mois de prison avec mandat de dépôt, révoque 2 mois et 4 mois de sursis antérieurs, avec incarcération immédiate, et lui interdit de paraître au domicile de madame pendant 3 ans.

« Pas le droit de vivre sous le même toit »
« Le tribunal pense que les déclarations de madame ne sont pas sincères et que ce sont bien les premières déclarations qui sont les bonnes, et que vous êtes coupable de violences volontaires sur votre compagne, enceinte. » ça fait 18 mois de prison en tout (à la suite de ce qu’il purge déjà, donc ça fait beaucoup), puis « vous n’aurez pas le droit de vivre sous le même toit ».
FSA