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> Faits Divers > Au Creusot
30/09/2021 17:30
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LE CREUSOT : Il s'est présenté au commissariat, avec le couteau à viande...

«Je ne suis pas libre. Je suis en prison. Si j’ai rendez-vous chez le coiffeur, il dit que c’est mon maquereau qui a pris le rendez-vous !» dit sa femme... Elle dit l’usure nerveuse à ne jamais être tranquille... Elle ajoute : «Mais je ne supporterais pas qu’il soit à la rue et qu’il souffre, parce que, malgré tout ce que j’ai enduré, j’ai de la compassion»
Il a été placé en détention provisoire en attendant son jugement.
Le jour de son arrestation, c’est lui-même qui avait demandé à aller au commissariat de police. Il avait pris un gros couteau de cuisine avec lui, « pour se protéger ». Il a vu le jour au Creusot en 1947, y a toujours vécu, mais rien ne va plus. Il se tire les cartes, des esprits lui parlent, il est persuadé que sa femme se prostitue...

10 mois de paranoïa alimentée par « les cartes »
Dans le box des comparutions immédiates ce jeudi 30 septembre, des policiers du Creusot escortent un homme poursuivi pour menaces de mort sur sa conjointe (« Je vais te tuer »), port d’arme (le couteau à viande avec lequel il s’est pointé au commissariat), violence sur sa conjointe le 28 septembre dernier, et des violences dites habituelles, plutôt de nature psychologique, de décembre 2020 à fin septembre 2021. Pourquoi subitement en décembre 2020 le vent a-t-il tourné ? « Parce qu’il s’est remis à boire, alors qu’il ne buvait plus depuis 15 ans », explique maître Bourg qui demande que son client soit soumis à une expertise psychiatrique.


Cartomancie : il est persuadé que son épouse se prostitue...
« Il a reconnu les faits. Il a une très grosse problématique alcoolique, il boit 1 litre de vin par jour depuis décembre 2020. Il est persuadé que son épouse se prostituerait et c’est la cause des faits qu’on lui reproche. L’expertise psychiatrique éclairera tout le monde » poursuit maître Bourg. Tout le monde est d’accord sur ce point. Le procureur demande que monsieur soit maintenu en détention provisoire, l’avocate de monsieur ne voit pas comment plaider autre chose. Le bilan est « triste » : 74 ans, une vie entière dans la même ville, mais aucun ami, deux enfants d’un premier lit avec lesquels il n’a plus de relation, un autre fils, présent à l’audience avec sa mère, mais qui n’a pas les moyens de recueillir son père, lequel semble déplafonné.

«Je dors très mal. J’entends des voix parfois »
« Monsieur, vous avez déclaré que vous aviez la certitude, par les cartes, que votre épouse se prostitue ? » demande le président Madignier. « Oui madame », répond le prévenu. « C’est monsieur », reprend, un peu interloqué, le président. « Oui monsieur » répond le prévenu, pas contrariant. Point « problèmes psychiques » : « Je dors mal. Euh... Très mal. J’entends des voix parfois. » Il prend des antidépresseurs, pas mal d’antalgiques, et du Lyrica. Hospitalisé en mai, pour dépression, il n’a eu aucun suivi ? « Je suis parti de l’Hôtel Dieu. J’ai vu une infirmière psychologue. Elle m’a donné un rendez-vous, mais j’ai perdu le papier. » On ressent comment il fait le désert autour de lui . Mais  quand sa femme vient à la barre, on ressent bien le petit enfer dans lequel elle était enfermée.

« Malgré tout ce que j’ai enduré, j’ai de la compassion »
Assistée de maître Ndong-Ndong, le bout de femme aux cheveux gris attachés en catogan, vient dire quelques mots sur son massif conjoint. « J’ai peur qu’il me harcèle. Quand il n’a pas bu, ça va, mais sinon il m’épie tout le temps. Je ne suis pas libre. Je suis en prison. Si j’ai rendez-vous chez le coiffeur, il dit que c’est mon maquereau qui a pris le rendez-vous ! » La pauvre. Elle dit l’usure nerveuse à ne jamais être tranquille. Pour les violences habituelles, un médecin a fixé 12 jours d’ITT. Elle est touchante lorsqu’elle ajoute : « Mais je ne supporterais pas qu’il soit à la rue et qu’il souffre, parce que, malgré tout ce que j’ai enduré, j’ai de la compassion. »

Placement en détention provisoire
Le président envisage la piste de l’hospitalisation contrainte, mais qui ne peut pas se faire dans l’instant, le tribunal ne peut pas l’ordonner, il faudrait... il faudrait du temps, que son fils la demande, par exemple, et il aurait sans doute fallu qu’il ne sorte pas de chez lui portant un grand couteau.
Le tribunal ordonne une expertise psychiatrique, renvoie le jugement au 28 octobre, et d’ici là, place le prévenu en détention provisoire. « Est-ce que vous risquez d’avoir des idées suicidaires quand vous arriverez en prison, monsieur ? » Le vieil homme hausse légèrement les épaules. « Je ne sais pas. »

Florence Saint-Arroman