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22/04/2022 03:16
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Jérôme Durain : «Pour les législatives, si on veut avoir des élus de gauche, il va falloir se parler»

Le Sénateur socialiste de Saône-et-Loire et Président du groupe PS au Conseil Régional, dresse le bilan de la Présidentielle et affirme ses convictions. Dans une interview à creusot-infos, il évoque les législatives, la proportionnelle, l’avenir du PS et l’avenir de la gauche, condamnée à des accords.

Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques jours du 2ème tour de la Présidentielle ?
JEROME DURAIN : «Nous sommes aujourd’hui le 21 avril (NDLR : L’interview a été réalisée jeudi 21 avril) , date du 20ème anniversaire du sinistre 21 avril 2002. C’est le résultat du 21 avril 2002 qui est à l’origine de mon engagement en politique. Ce qui m’a fait basculer. J’étais avant cette date un sympathisant socialiste. J’ai alors pris ma carte au Parti Socialiste. Il fallait combattre l’extrême droite.
Aujourd’hui je suis donc en parfaite cohérence avec mes idées et mon engagement et oui j’ai appelé à voter pour Emmanuel Macron. Ce n’est pas un vote d’adhésion. Mais c’est un choix en responsabilité du responsable politique que je suis. Je n’hésite pas à le dire : Le Rassemblement National est dangereux pour la République, pour la France et pour les Français».

Que répondez-vous à celles et ceux qui disent «Pas Marine Le Pen» et qui n’appellent pas clairement à voter pour Emmanuel  Macron, comme on a pu le remarquer dans les médias ?
«Nous sommes en démocratie. Le choix est libre. Certains pensent que la consigne de vote n’a plus de raison d’être et que parfois ça peut être contreproductif. Moi je fais partie de ceux qui ont décidé de ne pas rester muet.
Le vote Macron, dimanche, c’est un vote de raison. Mais le vote devra être accompagné, ensuite, d’une écoute attentive des messages que les Français, par leurs votes le 10 avril, ont exprimé au premier tour, y compris en votant pour Madame Le Pen. Il faudra que le Président de la République soit vraiment à l’écoute. Que Monsieur Macron, s’il est réélu ce que je souhaite, écoute encore plus les demandes et les revendications. Déjà sur la question du pouvoir d’achat, mais aussi sur d’autres sujets, comme les exigences de voir plus de démocratie, avec le RIC, le référendum d’initiative citoyenne».

Les Députés sont élus pour cinq ans et sont considérés comme la représentation nationale par nos institutions. N’y a t-il pas un risque de voir trop de propositions de loi arriver à l’Assemblée Nationale, en sachant que la majorité a, en règle générale, toujours le dernier mot, puisque les Députés sont élus pour voter les lois ?
«J’entends que le modèle proposé n’est peut-être pas le bon, pas le meilleur… Que 500.000 signatures ce n’est peut-être pas assez. Mais cela fait quand même plusieurs années qu’une nouvelle demande de démocratie a été identifiée. Arnaud Montebourg l’avait d’ailleurs parfaitement mesuré. En fait derrière cette demande du RIC ou d’une autre forme, c’est la question de la souveraineté qui se pose. Et la constat est sévère : Il y a dans ce pays une fatigue démocratique !»

Etes-vous pour une proportionnelle intégrale ? Ou bien pour un dosage de proportionnelle pour les législatives ?
«Je ne pense pas que la proportionnelle intégrale soit la bonne ou la meilleure solution. Ce que je pense, c’est qu’il faut déjà un débat national sur le sujet. Je ne suis pas pour la proportionnelle intégrale, mais il faut que la proportionnelle soit parfaitement identifiée et identifiable. Il faut que nos concitoyens puissent mesurer ses effets et donc ses résultats pour une bonne représentation des différentes sensibilités à l’Assemblée Nationale».

Olivier Faure a fait voter le principe de discussions et d’accord entre le Parti Socialiste et la France Insoumise pour les législatives. Vous approuvez ?
«Je suis élu de terrain et pour les législatives, si on veut avoir des élus de gauche, il va falloir se parler. Il ne faut pas se voiler la face. Nous les socialistes, on ne peut pas faire semblant d’être les patrons de la gauche. Le mal qui nous ronge, nous les socialistes, vient de loin. Je pense que nous sommes à la fin d’un cycle. Le danger c’est de voir la gauche sortir en grandes difficultés, avec peu d’élus, des élections législatives. Ce serait d’autant plus paradoxal que localement on existe. Dans les communes, dans les départements, dans les Régions. Nous dirigeons des collectivités et on nous reconnaît de le faire plutôt bien…»

Justement, comment expliquez-vous, la différence des scores et des résultats que vous avez obtenus localement aux dernières élections, et le score obtenu par Anne Hidalgo ?
«En fait, il y a deux sortes d’élections. Au niveau national, à la Présidentielle, ce sont les tribuns qui l’ont emporté. Les projets des autres partis, dits de Gouvernement, ont été balayés.
Jean-Luc Mélenchon est un anti système, Marine Le Pen est une anti système, Emmanuel Macron est un anti système comme l’a démontré son élection en 2017, puisqu’il n’avait pas de parti.
Et puis d’un autre côté, on a donc les élus locaux, à qui nos concitoyens font confiance pour diriger les collectivités. On reconnaît leur professionnalisme et leur expertise, car ils sont à l’écoute et savent bien gérer.
Le problème, notre problème à nous socialistes, mais pas que nous d’ailleurs, c’est que ça ne passe plus, que ça ne suffit plus au niveau national. Aujourd’hui le PS c’est quoi ? Il faut montrer un chemin à nos concitoyens, une voie, ce que l’on n’a pas su faire. C’est aussi une question de confiance».

Votre souhait pour les législatives ?
«La gauche ne peut pas être rassemblée à moitié. Et en ce sens, les Insoumis ont une responsabilité particulière quant à cette élection. Ils ont un beau projet. Il faut qu’ensemble on arrive à constituer une majorité. Au Conseil Régional de Bourgogne – Franche-Comté, nous avons constitué une majorité avec le PS, EELV, le PRG et le PC et c’est bien dans l’union que nous avons gagné. Il faudra donc être capable de se réunir pour les législatives. Mais à condition qu’il n’y ait pas de volonté hégémonique, mais bien dans le respect de tout le monde. C’est comme cela que la gauche retrouvera des couleurs et obtiendra des résultats».
Recueilli par Alain BOLLERY