A la tête de la commission d’enquête sur le narcotrafic, avec Etienne Blanc (LR) le Sénateur PS Jérôme Durain, après Le Havre et la Meuse, est passé par Dijon et Le Creusot, avant de se rendre à Lyon. Jérôme Durain a répondu à nos questions.
«Nous avons rencontré une centaine de personnes, réalisé une quarantaine d’auditions»… La bilan chiffré, donné par Jérôme Durain, montre combien la commission d’enquête sur le narcotrafic à laquelle il a pris part, a voulu effectuer un large tour d’horizon.
«Nous nous sommes rendus au Havre, car le port du Havre est une porte d’entrée des stupéfiants et notamment de la cocaöne. Nous nous sommes rendus dans la Meuse, pour voir comment le trafic de drogue concerne aussi les territoires ruraux, le département étant en outre frontalier. Notre mission, avec Etienne Blanc est également passée par la Seine Saint Denis, car le trafic a des proportions très importantes. Et puis ensuite Dijon et Le Creusot, pour aller dans une capitale régionale et une ville moyenne. Cela avant de nous rendre à Lyon».
Fort de ces approches diverses et variées, Jérôme Durain est catégorique : «Les trafics de drogue sont aujourd’hui partout. Dans les zones très urbaines, comme dans les zones très rurales. Finalement, à la ville comme à la campagne, y compris dans des secteurs faiblement peuplés».
A mi parcours de la mission, le Sénateur de Saône et Loire remarque : «Aujourd’hui on constate des trafics de stupéfiants avec des violences accrues qui touchent tous les territoires». Et d’énumérer : Homicides, séquestrations, règlement de compte… «Tout y passe. Tout cela est décrit partout dans les territoires. Avec de plus en plus de petites mains. Je m’explique : Les trafics concernent des très jeunes qui sont plus ou moins directement impliqués».
Le Sénateur socialiste de Saône et Loire évoque aussi le «phénomène de la corruption. Les trafiquants ont beaucoup de moyens financiers. Les enjeux financiers sont donc colossaux. Ils sont prêts à tout pour faire rentrer de la drogue, à commencer par celle qui arrive de Belgique ou des Pays Bas. Il y a aussi des pratiques de blanchiment…»
Après son passage en Bourgogne, la mission va se poursuivre. Car elle est loin d’être terminée, puisque le rendu sera le 14 Mai. A la question de savoir si pour lutter contre les trafics de drogue, il faut s’attaquer aux consommateurs, Jérôme Durain répond : «C’est pas le sujet, pas la question, de la commission d’enquête. Mais je pense que oui c’est un sujet qu’il faudra aborder, car s’il y a des trafiquants, c’est bien parce qu’il y a des consommateurs et donc des acheteurs !» CQFD.
Alain BOLLERY
Pour en savoir plus :
Créée en novembre 2023, la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier continue ses travaux. Elle se rend, le 15 février 2024, à Dijon et au Creusot. Le président Jérôme Durain (socialiste, Saône-et-Loire) et le rapporteur Etienne Blanc (Les Républicains, Rhône) y rencontreront ceux qui sont en première ligne face aux trafics : les élus locaux, les forces de sécurité intérieure et les magistrats.
Forte du constat de l’extension du narcotrafic partout sur le territoire, y compris dans des villes ou des zones jusqu’à présent épargnées et jusque dans les territoires ruraux, la commission d’enquête fera le point avec les acteurs de terrain sur l’état du trafic en Côte-d’Or et en Saône-et-Loire. Elle s’intéressera en particulier à l’impact du phénomène sur la vie quotidienne des habitants, à l’aggravation des violences liées au narcotrafic - avec la banalisation des atteintes aux personnes et de l’utilisation d’armes lourdes - et à l’efficacité de la chaîne pénale.
Elle s’interrogera, aussi et surtout, sur la mise à niveau de la réponse publique face à des narcotrafiquants de plus en plus puissants, de plus en plus adaptables et de plus en plus dangereux. Alors que l’État paraît aujourd’hui dépassé par les trafics, en dépit de la mobilisation sans faille des agents publics (magistrats, policiers, gendarmes, douaniers...) et des élus locaux, et alors que la commission d’enquête a identifié au cours de ses travaux des failles importantes, les annonces récentes du Gouvernement ne sont pas à la hauteur des enjeux. La commission d’enquête tâchera ainsi, au cours de son déplacement, d’identifier des solutions permettant de rénover en profondeur la lutte contre le trafic de stupéfiants : l’État doit désormais admettre la vraie nature du narcotrafic qui, non content d’être une source majeure d’insécurité, s’apparente de plus en plus à une menace pour les intérêts fondamentaux du pays.
Le rapport de la commission d’enquête sera rendu public au mois de mai 2024.