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10/02/2023 03:17
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François Hollande à des étudiants du Creusot : «Vladimir Poutine incarne la brutalité, la force et le mensonge»

L'ancien Président de la République, François Hollande, a reçu, dans son bureau parisien, des étudiants de la licence AES de l'université Condorcet du Creusot. Sans filtre, il a répondu à leurs questions. «On n’aurait pas pu anticiper la guerre en Ukraine. Il a une volonté d’effrayer son interlocuteur et en même temps il essaye de le séduire», dit François Hollande au sujet de Vladimir Poutine.
C’est dans le cadre des projets étudiants de la licence 2 AES du centre universitaire Condorcet qu’une délégation de 18 étudiants s’est rendue à Paris. Une sortie pédagogique encadrée par Aurore Granero, Valérie Lagrange et Michael Guijo et accompagnée par Nadège Cantier et Bernard Durand qui a permis aux étudiants de passer une heure avec François Hollande, ancien Président de la République. L’occasion pour eux de dialoguer avec l’ancien chef d’État sur de nombreux sujets, sans filtres…

Des personnalités vous ont marqué durant votre mandat ?
FRANÇOIS HOLLANDE : « Oui deux, le bien et le mal…

Obama a un charisme réel, il avait une très belle façon de s’exprimer et son physique dégage quelque chose. Mais sa femme avait également un réel charisme. Dans ce personnage du couple Obama il y avait quelque chose de très enthousiasmant. Sauf que dans le rapport direct il était très américain, très démonstratif… Obama adore tout expliquer a tout le monde, d’une manière très américaine. Il était d’une intelligence et d’une culture incroyable mais il était très hésitant dans les décisions qu’il devait prendre et il y a certaines décisions qu’il a fini par ne pas prendre !

Poutine était déjà intéressant à observer car il incarnait, déjà, la brutalité, la force, le mensonge. Dans les films on regarde toujours le gentil et le méchant et parfois c’est le méchant qui est le plus intéressant.. 
Avec Poutine, la première impression a été la bonne. J’ai tout de suite perçu ce qu’il était mais je ne savais pas ce qu’il était capable de faire. On n’aurait pas pu anticiper la guerre en Ukraine. Il a une volonté d’effrayer son interlocuteur et en même temps il essaye de le séduire. Il fait une sorte de mélange, il essaye d’alterner entre des scènes de cordialité et de brutalité.
J’avais compris qu’il était dans une espèce de rancune, de rancoeur à l’égard de l’Amérique et des démocraties et que ça le rendait prêt à saisir toutes les opportunités. Il est construit sur un rapport de force. Il est tout le temps en train d’évaluer les forces respective et si il sent une faiblesse il avance. 
Vladimir Poutine cherche toujours a porter un coup qui n’est pas prévu et il le fait délibérément pour créer un choc. »


Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir président de la république?
« Personne ne m'a poussé à être Président de la République. Je me suis engagé très tôt lorsque j'étais lycéen, étudiant par rapport à une situation qui était celle de la France à l'époque ; je me disais qu'il fallait que la gauche accède au pouvoir. Je me disais qu'il fallait qu’il y ai un changement et je voulais y participer à mon niveau en m'engageant. Ensuite cela a été rapide puisque François Mitterrand a accédé au pouvoir. J'ai été d’avantage propulsé, j'étais déjà fonctionnaire à la Cour des Comptes et je suis devenu conseillé. Je me suis présenté très tôt à des élections législatives et j'ai été élu en 1988. Je suis devenu chef du parti socialiste. Il y a eu forcément des compétitions pour savoir qui devait être candidat, mais c'est ainsi que j'ai décidé d'être candidat aux élections présidentielles. Mais c'est avant tout un collectif, on n'est pas candidat tout seul. 
Pour répondre plus humainement : Je ne me suis pas dit « Si je ne deviens pas Président je vais rater ma vie ». Il y a d’ailleurs des présidents qui ont raté leur vie et des gens qui ont raté leur vie. » 


Quelles réformes vous tenaient à coeur durant votre mandat et quels sont vos regrets ? 
« La plus emblématique des réformes est celle du mariage pour tous. Elle n'était pas la plus importante lorsque je me suis présenté devant les Français, ce n'est pas celle qui a décidé les gens de voter pour moi. Ça a été l'une des réformes les plus difficiles à prendre. C'est une réforme qui représentait à cette époque une liberté nouvelle. Mariage pour tous est à mes yeux une réforme majeure, puisqu'elle restera. Il y a des réformes que l'on fait qui peuvent être difficile qui peuvent être abrogés par nos successeurs. Celle-là, beaucoup si étaient opposés, mais maintenant qu'elle est passée personne ne reviendra dessus, car personne n'a envie de revenir dessus. Si un jour un président veut revenir dessus, il ferait alors face a une vague de Français qui s’indigneraient. Ce n’était pas la réforme la plus attendue par mes électrices et mes électeurs, mais finalement c'est celle qui restera gravée. 
Une deuxième fierté, c'est l'accord sur le climat. C'est toutes les précédentes discussions qui avaient pu avoir lieu et qui avaient échoué... Avoir un traité qui oblige tous les états à agir pour l'environnement est une fierté. 
Les réformes pour l’économie sont les plus difficiles. J'avais pour objectif de faire baisser la courbe du chômage mais pour cela, il fallait prendre des décisions qui n'étaient pas faciles à comprendre.
J’ai été amené à lutter contre le terrorisme qui avait frappé, j'ai dû prendre des mesures qui sont toujours difficiles à faire comprendre. La mesure de la déchéance de nationalité a été dure à comprendre. Il y a toujours des regrets, mais mon principal regret c'est celui d'être parti si vite. » 


Comment vous avez vécu le procès des attentats ? 
« Lors de ce procès il n'y avait plus qu'un seul survivant au commando terroriste du 13 novembre. Ce procès était très attendue par les familles des victimes. Il sert tout d'abord à condamner des personnes qui ont commis des actes inacceptable, mais il sert aussi aux familles des victimes. Ce procès est là pour que les victimes et familles de victimes puissent témoigner leur chagrin, et ce qu'elles ont vécu. Le procès était également là pour examiner si il n'y avait pas eu des faiblesses de l'État. J'ai accepté de témoigner à ce procès pour répondre aux questions qu'ils se posaient. 
Ce qui est important c'est de montrer deux choses. La première c'est que nous sommes un pays démocratique, un état de droit, où on peut juger les criminels. Ne pas les juger dans un but de vengeance mais les juger au nom du droit. Et c’est la meilleure réponse que l’on pouvait donner à ces criminels. Leur dire que nous, nous allons les juger, qu’il va falloir parler. La deuxième chose importante c’est que le procès a été filmé. Il restera dans les mémoires pour que vous, vos enfants, vos petits-enfants puissent savoir ce qu’il s’est passé en France et comment nous avons jugé ces criminels. » 


Quelle qualité faut-il pour être un bon Président la République et pensez-vous que l’art oratoire a un rôle et un impacte majeure sur la qualité d’un président ? 
« On peut bien parler et mal agir. On peut être un bon orateur et un mauvais Président. On choisit un Président en ce disant « c’est celui-là qui va nous conduire vers d’autres conquêtes, qui va relever de nouveaux défis. ». Sauf qu’il ne suffit pas que d’avoir de bonnes idées, il faut aussi savoir les mettre en forme et en scène. Il faut des phrases percutantes, des punchlines. L’art oratoire a un peu perdu de sa force et les réseaux sociaux eux en ont gagnés. Les jeunes sont beaucoup plus sensible a une scène qu’ils vont voir sur les réseaux sociaux plutôt qu’à un long discours. 
Dans un discours politique il y a un enchainement qui doit convaincre. Alors que le tweet ou l’image a plus une fonction de publicité. La télévision a toujours un rôle très important. Le débat de second tour des présidentielles est toujours très suivi par les français. Moins qu’un match en coupe du monde mais il y a quand même une très forte audience et il faut être préparé à ça. » 

Manon BOLLERY
© Photos Manon BOLLERY