Venu spécialement au Creusot pour profiter des portes ouvertes du centre technique, Bernard Fontana, PDG de Framatome se confie dans une longue interview, exclusive, à creusot-infos. L’année dernière, le numéro un du nucléaire, a investi 130 millions en R&D. Il confirme la place prépondérante du Creusot, mais aussi de Saint-Marcel. Avec l’objectif de réaliser deux EPR par an.
Quels sont les enjeux aujourd'hui pour Framatome, en matière de recherche ?
BERNARD FONTANA : «Eh bien, nous intensifions notre accord de recherche-développement de 7% par an, actuellement. Avec plusieurs enjeux.
Premièrement, je le mentionne maintenant, c'est que la «Recherche et Développement» participe de l'augmentation de notre expertise. Et donc ça contribue à augmenter l'expertise de nos salariés, de nos ingénieurs et techniciens.
Deuxièmement, il faut bien connaître les matériaux.
Troisièmement, anticiper, simuler le comportement, le fonctionnement de nos réacteurs ; et alimenter des codes de calcul, qui nous permettent donc de simuler, de confirmer et donner les garanties de sûreté.
Donc c'est un ensemble complet. Très clairement, Framatome a investi près de 130 millions, l’année dernière en R&D, autofinancés ! Plus toute celle qui est financée, par l'extérieur, et plus 7% par an, c'est la trajectoire que nous suivons».
Est-ce qu’on est ici dans l’épicentre mondial de la recherche pour l’énergie de demain, celle qui sera, peut-être celle XXIIe siècle, par exemple ?
«Il y a déjà celle qui est là dans les 5 ans, dans les 10 ans qui viennent, donc il y a différentes échéances.
Et puis nous avons des collègues qui sont par exemple à Cadarache, qui travaillent sur ITER, avec la fusion nucléaire, qui sera les systèmes des prochaines énergies. Il y a aussi les compétences à Lyon chez Framatome, sur les réacteurs rapides, qui vont permettre à un certain moment de l'histoire de régénérer ce qui peut être considéré comme des déchets et donner des solutions souveraines sur l'accès à l'uranium.
Donc il se passe beaucoup de choses. Et ici, c'est un des centres, vous avez vu qu'on investit….»
Il va y avoir une nouvelle extension, avec un investissement de 6,5 millions d’euros ?
«Oui, on met ici, au Creusot, à Saint-Marcel, nos moyens industriels mais aussi nos moyens de développement, les moyens de calcul, les moyens de VD. C'est un ensemble cohérent et c'est très bien qu'ils soient proches.
Donc nos collègues ici peuvent ici ensuite aller voir les pièces. Là vous voyez, il y en avait un qui parlait d'une pièce qui s'appelle le DDM. Il le connaissait puisqu'il était dans son atelier d'usinage.
Et donc cette proximité, c'est un atout formidable qu'on trouve ici au Creusot».
C'est pour ça que vous aviez souhaité rapatrier des activités qui étaient ailleurs en Europe ?
«Alors celles-là, elles étaient en Allemagne et nous étions obligés de quitter les bâtiments Siemens. Alors, il y a eu des débats, certains disaient c’est cher... Mais il me semble que la force de Framatome, c'est une force technologique.
Bien sûr, les hommes et les femmes et les technologies qu'on met en œuvre, les décennies de savoir-faire, il faut les garder précieusement et les mettre ici, au Creusot, dans le cœur. Là où se trouve le cœur de Framatome. Oui dans l'ADN et c'est bien.
Tout le monde est content de ça. Et vous voyez, vous avez des anciens, mais là, il y a une extension. Et puis quitte à faire des extensions, la place a été prévue pour d'autres équipements».
Le marché aujourd'hui du nucléaire aujourd’hui dans le monde, il est estimé à combien de centrales, sur les perspectives ?
«Dans le monde, la puissance installée, se calcule en gigawatts électriques.
La puissance installée de production d'électricité d'origine nucléaire est d'environ 380 gigawatts électriques.
Et que ce soit l'OCDE, puis la COP28 et encore dans les derniers jours l'Agence internationale de l'énergie atomique à Vienne, considèrent qu'il faut doubler, voire tripler cette puissance, cette capacité installée d'ici 2050. Pour être cohérent avec les objectifs de décarbonisation des économies.
Donc c'est quelque chose qui devrait se rapprocher de 1000 gigawatts électriques. Et l'effort que nous faisons nous, c'est de pouvoir contribuer à hauteur de 3,5 gigawatts électriques par an, avec nos capacités technologiques : Le Creusot, Saint-Marcel, qui montent à 3,5 gigawatts».
Cela correspond à combien d'EPR ?
«Deux !»
Deux EPR par an ?
«Oui. Mais je l'exprime en gigawatts électriques parce que ça peut alimenter d'autres sujets. On a parlé des SMR, des radiateurs de moyenne puissance, etc.
A priori dans l'EPR Français, mais bien sûr, on peut aussi fournir de programmes mondiaux. Parce qu’il il y aura deux challenges pour faire ça. Un, les gens, la compétence disponible. On recrute, parce qu'on sait que ça va être un facteur important. Deux une supply chaine. Pour fournir, on investit ce qu'on va pouvoir fournir. Et puis ensuite bien sûr les financements et le temps.
Ce qui fait que maintenant, Framatome nous mobilisons sur trois grandes priorités, sûreté et sécurité, ça vous le savez bien. La qualité, et on continue à se mobiliser, et maintenant on appelle le lead time, c'est comment lutter contre tous les temps d’arrêt qu’on a, le temps qu’on perd. C’est pour être au rendez-vous des besoins des économies dans le monde.
Et ce faisant, si on va plus vite, on est plus compétitif. Et ça donne des solutions au financement, ça peut contribuer positivement au sujet du financement des projets.
On parle d’un giga-investissement. S’il se réalise, il sera au Creusot ?
«A Framatome, on étudie des projets et on aime bien faire et réaliser des projets au Creusot !»
A quel horizon ?
«Un projet il faut qu'il soit structuré. Et on souhaite, l’avoir étudié d'ici la fin de l'année».
Recueilli par Alain BOLLERY