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> Faits Divers > En Saône-et-Loire
26/04/2024 03:17
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LE CREUSOT : Se déclarant influenceur sur Tik-Tok il devra savoir influencer le juge des libertés pour ne pas aller en prison

Il a été jugé jeudi pour des délits routiers à répétition avec des récidives de conduite sans permis et sous stupéfiants. L'influenceur, lors de sa garde-à-vue, est parvenu à faire dégoupiller un Policier ce qui a valu une relaxe... Mais pas vraiment pour tout. Sa voiture est d'ailleurs confisquée.
Avant qu’on en arrive au cœur du problème de ce dossier, l’audience a bien duré une heure car le prévenu jugé en comparution immédiate ce 25 avril, est poursuivi pour bien des infractions dont « violence sur un fonctionnaire de la police nationale », fait pour lequel la procureur a demandé la relaxe.
Le prévenu est âgé de 40 ans. Il vit seul, mène une existence précaire, comme on dit, et se trouve bien souvent en infraction. Sa seule animation : faire des vidéos sur Tik-Tok. « Je suis influenceur » explique-t-il avec naïveté (désarmante naïveté : combien se font avoir par ce mot, « influenceur » ?) au tribunal. Sur le reste il fait preuve de mauvaise foi. Les horaires des contrôles du 19 février dernier comme du 4 avril dernier, signent un mode de vie soumis à bien des aléas.

En février et début avril : conduites malgré une suspension administrative du permis de conduire et positif au THC (début avril). Avec ça, madame Girard-Berthet, substitut du procureur, ne pouvait pas le rater. La présidente Catala non plus, qui interroge l’homme lorsqu’il se dit « perdu » avec toute la paperasse administrative, et puis ce courrier qui lui dit qu’il a encore 4 points sur son permis, alors il a cru avoir le droit de conduire...
« Je suis influenceur, je fais des live Tik-Tok, de ma voiture, comme souvent.
- Je ne vois pas pourquoi vous faites tourner le moteur, objecte la présidente. 
- Ben oui mais il faisait froid.
- Il faudrait peut-être que votre activité d’influenceur s’exerce dans votre salon.
- Je ne vous le cache pas, j’ai plein de followers, et ils aiment bien quand je suis dans ma voiture. »

3ème interpellation pour conduite malgré suspension du permis
Les policiers, eux, n’aiment pas. C’est audible sur la vidéo qui raconte le cadre de son interpellation avant-hier. Une patrouille, « la même que début avril » précise la présidente, le voit au volant « en train de faire des tours ». Du coup, à peine le gars stationné, hop les policiers s’approchent. On le menotte, on le fait assoir dans la voiture, « sans incident », rapporte le PV.

« Il faisait le barbot, mais moi j’ai rien dit jusqu’à ce qu’il… »
Et puis après... après il s’est passé des choses dont personne n’est témoin, mais le prévenu désigne un policier et un seul, dit qu’il a eu un comportement provoquant. « Il me disait ‘Moi je viens du 9-3, on vous éclate tous, au Creusot’. Il faisait le barbot, mais moi j’ai rien dit jusqu’à ce qu’il….
Il est venu, il m’a étranglé, j’ai mis un coup de pied pour le pousser. »
« Oui, et on a le film. Ce que j’ai vu ne correspond pas complètement à ce qui a été noté. » Voilà pourquoi le tribunal finit par faire visionner des scènes, filmées dans le couloir GAV du commissariat et à l’hôtel Dieu.

« Un comportement inapproprié », « une attitude qui dérange »
De ces scènes, il ressort que le prévenu est pénible, soulant. Il parle tout le temps, comme à l’audience d’ailleurs. Mais il ressort également, d’un extrait de la vidéosurveillance placée dans le couloir GAV (pour « garde à vue », là où sont les cellules) au commissariat que le policier désigné par le prévenu a eu « un comportement inapproprié », « une attitude qui dérange », disent les magistrats.
Qui dérange pourquoi ? Parce que le mis en cause a les mains menottées dans le dos.
Et même si l’on peut le faire se rassoir « virilement » comme dit l’avocat des policiers, peut-on le saisir par la gorge, lui mettre un coup, puis le pousser au point de lui faire faire une glissade tout le long de la banquette, jusqu’à le faire chuter ?
Voilà le cœur du problème.
A partir de là, trois discours se succèdent : celui de l’avocat des policiers, celui de la procureur, celui de l’avocat du prévenu.

« Dans le confort d’une salle d’audience, on ne mesure pas ce qui se passe là-bas »
« Les policiers font un métier difficile, dangereux, stressant. Il faut un bon équilibre mental, une solide capacité à garder son calme, surtout quand on est confronté à des individus comme monsieur (le prévenu, ndla). (…) Je considère que les fonctionnaires du Creusot n’ont rien à se reprocher dans ce dossier, plaide maître Bibard.
Ils ont fait de leur mieux, car la situation était infernale. » L’avocat souligne : « Dans le confort d’une salle d’audience, on ne mesure pas ce qui se passe là-bas. »

« La situation était infernale »
Puis il enchaîne : « Je suis stupéfait par la résistance du mis en cause qui a tout fait pour les faire dégoupiller. On l’assoit, il se relève. Et il recommence, alors que debout il est une menace. Il est plus qu’énervé. On lui demande de poser ses chaussures, on voit ce que ça donne ! Et finalement il évoque la fille du policier. »
Sur ce dernier point, le prévenu est poursuivi pour menace de crime ou de délit, mais il soutient avoir juste dit – ce qui au passage est une provocation terrible, si c’est vrai – que la fille en question l’avait demandé en contact sur Tik-Tok.

« Chacun a ses torts »
« Monsieur est jugé pour trois procédures, aujourd’hui, ce qui démontre sa persistance à continuer alors qu’il n’a pas le droit de prendre le volant. Toutes les raisons sont bonnes, pour lui, pour conduire. Le 23 avril il est au volant et positif au THC, en récidive. »
Pour la procureur, ces infractions sont pliées. La mauvaise foi du prévenu aussi. Mais elle en vient à la scène dans le couloir GAV, « il y a eu à ce moment-là des gestes inappropriés de la part des policiers, mais chacun a ses torts (le prévenu a des torts aussi, ndla) ». Cela dit, « monsieur a déjà les menottes dans le dos, ce n’est donc pas une rébellion. Je demande la relaxe pour les violences. »

« Les policiers ne sont pas là pour se faire parler comme à des chiens »
« En revanche, on voit bien qu’ensuite monsieur provoque. C’est un festival, toute la nuit. Il refuse d’enlever ses lacets de chaussures mais refuse aussi de quitter ses chaussures. Il veut un verre d’eau : on voit bien comment il le demande ! Les policiers ne sont pas là pour se faire parler comme à des chiens. Ce n’est pas en tapant sur la vitre et en hurlant et en insultant tout le monde qu’on a un verre d’eau. »
Sur la question des menaces, pour la magistrate, l’infraction est constituée. « Monsieur a été dans la provocation toute la nuit. »
Tout bien pesé (les infractions, le casier, les éléments de vie du prévenu) elle requiert une peine de 18 mois de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire, avec maintien en détention pour les 12 mois ferme.

« Conséquences d’un comportement inapproprié de la part d’un policier »
« Je ne plaide pas la relaxe », dit maître Grebot. L’avocat ne discute pas les infractions liées à la conduite et au THC, en revanche il refait une chronologie de la soirée et du petit matin, et demande au tribunal de tenir compte de ceci :
« On a les conséquences d’un comportement inapproprié de la part d’un policier qui se vante de venir du 9-3. On vous demande une relaxe sur la violence (du prévenu à l’encontre du policier) mais on requiert 18 mois pour le reste, alors que le reste est la conséquence de l’ensemble. »

« J’ai vu un homme menotté dans le dos. J’ai vu… »
« Madame le procureur et madame l’assesseur ont dit que le comportement du policier ‘pose question’, ‘est inapproprié’, etc. J’ai vu un homme menotté dans le dos. Il s’est mis debout. J’ai vu des policiers lui foncer dessus, le tenir par la tête. » (Après le moment déjà décrit, au commissariat, on voit que le prévenu et le policier se parlent sans la moindre aménité, un autre policier vient et saisit le prévenu par le crâne pour lui faire tourner la tête de l’autre côté, ndla).

« … il est provocateur, mais est-ce que les policiers ne le sont pas ? »
« On vient nous dire qu’il est provocateur, poursuit Michel Grebot, mais est-ce que les policiers ne le sont pas ? Quand il est en cellule, pourquoi ne pas le laisser ? (Scène du petit matin, ndla – le prévenu est très énervé, cogne la vitre, crache, veut de l’eau, rappelle qu’il souffre de calculs rénaux, etc.
On finira par lui proposer un gobelet d’eau mais c’est le policier qui l’a frappé qui le lui tend… le prévenu le refuse, ndla) Ils sont là, on voit leurs reflets dans la vitre. Est-ce que leur rôle n’est pas d’apaiser ? » L’avocat demande au tribunal de « réduire de façon importante » les demandes indemnitaires des policiers.

Relaxes pour violence à l’encontre du policier et menaces de crimes ou délits
Le tribunal prononce la relaxe du prévenu pour la prévention de violence sur dépositaire de l’autorité publique et les menaces, le dit coupable de tout le reste (soit les insultes, les conduites malgré suspension du permis et la présence de THC dans son sang).

8 mois ferme puis deux ans de probation (8 mois de prison au cas où)
C’est ainsi que le prévenu est condamné à la peine de 16 mois de prison dont 8 mois assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligation de travailler, de suivre des soins en addictologie (il soutient ne prendre plus que du CBD, vrai ou faux peu importe, il a un problème d’addiction), d’indemniser les parties civiles, de payer les droits fixes de procédure (plus élevés quand les infractions sont en lien avec la question des stupéfiants), et puis il a l’obligation de se présenter aux épreuves du permis de conduire.

Le tout avec exécution provisoire car il n’est pas incarcéré : il est convoqué devant un juge de l’application des peines, devant lequel il devra défendre la possibilité d’un aménagement de peine, pour les 8 mois ferme.
« Ça sera à vous de faire vos preuves et de vous tenir strictement à carreau, sinon vous seriez incarcéré. »

Permis annulé, voiture confisquée
Le tribunal constate l’annulation de son permis de conduire, lui interdit de le repasser avant un an. Sa voiture est confisquée. Le tribunal fixe des indemnités pour outrages, à chaque policier. Pour celui qui disait avoir été victime de violence, la somme est divisée par cinq.
FSA